Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/SCALA (Cane Ier de la)

Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 38 page 189 à 190

SCALA (Cane Ier de la)


SCALA (Cane Ier de la), était le troisième fils d’Albert 1er et le frère de Barthélemy et d’Alboin, né en 1291 ; il succéda au dernier, le 1er janvier 1312, dans la principauté de Vérone et le titre de vicaire impérial. Sa taille était grande et imposante, sa figure noble et douce, ses manières pleines de grâces. Déjà il s’était fait remarquer par son éloquence et par sa valeur. Le 15 avril 1311, il avait enlevé Vicence aux Padouans, et il avait introduit une garnison qui se disait impériale, mais qui ne dépendait que de lui. Ce fut l’origine d’une guerre acharnée entre la maison de la Scala et la république de Padoue. Cette république était attachée au parti guelfe ; elle avait obtenu de puissants secours de ceux qui soutenaient la même cause dans le reste de l’Italie, tandis que Cane au contraire s’était épuisé d’hommes et d’argent pour fournir des soldats et des subsides à l’empereur Henri VII. Aussi, pendant plusieurs années, n’eut-il que peu de succès. Enfin, le 17 septembre 1314, il surprit les Padouans déjà cantonnés dans le faubourg de Vicence, dont ils faisaient le siège, les mit dans une déroute complète, pilla leurs équipages, fit prisonniers tous leurs chefs et les contraignit à signer, le 20 octobre, un traité par lequel ils renonçaient à toutes leurs prétentions sur Vicence. L’année suivante, Cane tourna ses armes contre les Guelfes de Crémone ; il leur prit Casal Maggiore et les força bientôt après à rappeler les Gibelins dans leur ville. Au milieu de la paix, les Padouans essayèrent, le 22 mai 1317, de surprendre Vicence ; mais Cane de la Scala, qui était toujours admirablement servi par ses espions, fut averti de leur tentative, et, les ayant attaqués à l’improviste, en fit prisonniers le plus grand nombre, et, à l’aide de ces prisonniers mêmes, il s’empara, cinq jours après, de Monselice, la plus importante forteresse de l’Etat de Padoue. Après une année de combats, les Padouans, n’ayant pas d’autre moyen de se défendre, se donnèrent pour maître Jacques de Carrare, allié de Cane, et ils appelèrent à leur aide le duc Frédéric d’Autriche. La même année, Cane, déjà rendu célèbre aux yeux de toute l’Italie, fut nommé capitaine général de la ligue des Gibelins de Lombardie, dans une assemblée tenue à Soneino, le 16 décembre 1318 ; mais le pape Jean XXII l’excommunia comme hérétique en 1320. Cane n’avait point voulu donner la paix aux Padouans, ni par l’intercession de Jacques de Carrare, ni par la crainte du duc d’Autriche, et, quoiqu’il leur accordât quelques trèves, dont il profitait lui-même pour porter ses armes dans d’autres parties de la Lombardie, il força enfin Padoue de se soumettre à lui, le 7 septembre 1328. Déjà il commandait à Vérone, Vicence, Padoue, Feltre et Cividale. Pour achever la conquête de la Marche, il ne lui manquait plus que de soumettre Trévise ; cette dernière ville fut livrée par capitulation le 18 juillet 1329 ; mais, comme il y entrait en triomphe, il se sentit atteint d’une maladie dangereuse, se fit transporter à l’église cathédrale et y mourut le quatrième jour, à l’âge de 41 ans. Depuis douze ans, il portait le titre de capitaine général des Gibelins de Lombardie ; et ses compatriotes lui avaient donné le nom de Grand dans un siècle fécond en hommes distingués. A une bravoure qui ne se dénierait jamais, il joignait des qualités plus rares : la constance dans ses principes, la franchise dans ses discours, la fidélité à ses engagements. Il ne s’était pas seulement assuré de l’amour des soldats, il était chéri des peuples qu’il gouvernait ; il gagnait même promptement le cœur de ceux qu’il subjuguait par les armes. Le premier des princes lombards, il protégea les arts et les sciences. Sa cour, le refuge de Dante, l’asile de tous les exilés gibelins, avait rassemblé les premiers poètes de l’Italie, les premiers peintres et les premiers sculpteurs. Quelques monuments glorieux, dont il orna Vérone, attestent encore aujourd’hui son goût pour l’architecture. Les armes cependant étaient sa passion favorite : elles firent la gloire de son règne. Conseiller et lieutenant de deux empereurs, Henri VII et Louis IV, il se montra supérieur à l’un et à l’autre, et il soutint, par ses talents et son activité, l’autorité de l’empire que ces monarques étaient hors d’état de maintenir eux-mêmes. Cane n’avait point de fils légitime ; ses deux neveux, fils de son frère Alboïn, lui succédèrent conjointement.

S. S―I.