Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/LOYER (Pierre le)

Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 25 page 385 à 386

LOYER (Pierre le)


LOYER (Pierre le), sieur de la Brosse, fameux démonographe, né le 24 novembre 1550 à Huillé, village de l’Anjou, près de Durtal, après avoir terminé ses premières études, alla à Paris faire son cours de droit. Il y demeura cinq ans, et se rendit ensuite à Toulouse pour prendre ses grades. Il avait du goût pour la poésie et il adressa en 1572 à l’académie des jeux Floraux une idylle qui lui valut le prix de l’églantine. De retour dans sa province, il fut pourvu d’une charge de conseiller au présidial d’Angers ; mais il négligea ses devoirs pour s’appliquer à l’étude des langues orientales ; il apprit l’hébreu, le chaldéen et l’arabe, et il se passionna tellement pour les étymologies qu’il ne vit plus dans les langues modernes que des dérivés de l’hébreu. Il mourut à Angers, en 1634, âgé de 84 ans, laissant deux fils, dont l’aîné, qui avait comme lui le nom de Pierre, lui succéda dans la charge de conseiller. Le Loyer était un prodige d’érudition, mais il n’avait ni goût ni jugement ; et cet homme qui se piquait de ne rien ignorer des moindres usages des peuples anciens, ne savait pas les coutumes de la province d’après lesquelles il était appelé tous les jours à prononcer. On a de lui : 1° Érotopegnie ou Passe-temps d’amour ; ensemble une comédie du Muet insensé, Paris, 1576, in-8o ; rare et recherché. La comédie du Muet est écrite en vers de huit syllabes : il y a des détails plaisants, mais beaucoup trop licencieux. 2° Œuvres et mélanges poétiques, ibid., 1579, in-12. C’est une réimpression du recueil précédent, avec de nombreuses additions. On y trouve les Amours de Flore ; des Idylles ; les Bocages de l’art d’aimer, imités d’Ovide ; des Sonnets ; des Épigramnmes ; le Muet insensé ; la Néphélococugie, comédie sans distinction d’actes ; les Folatries et Ébats de jeunesse et enfin quelques pièces en grec et en latin. La Néphélococugie est une imitation des Nuées d’Aristophane ; elle a été attribuée par erreur à P. Larrivey. Il y a de l’invention et des scènes fort plaisantes dans cette pièce, mais on y rencontre aussi des grossièretés capables de révolter le lecteur le moins délicat. 3° Quatre livre des spectres ou Apparitions et visions d’esprits, anges et démons se montrant sensiblement aux hommes, Angers, 1586, in-4o ; Paris, 1605 ou 1608, même format. L’auteur nous apprend que son but est de démontrer l’existence des êtres immatériels, contre l’opinion de certains philosophes, qui n’admettent aucune substance incorporelle. Il y a beaucoup d’érudition dans cet ouvrage, et l’on y trouve une foule de faits singuliers et curieux. 4° Édom ou les Colonies iduméanes en l’Asie et en l’Europe ; colonies d’Hercule Phénicien et de Tyr, Paris, 1620 ou 1623, in-8o. C’est l’extrait de dix ou douze volumes qu’il avait composés sur le même sujet et qui heureusement n’ont point été publiés. Dans l’épître dédicatoire au roi de la Grande-Bretagne, l’auteur dit gravement qu’il est le personnage dont Issachar n’était que la figure, puisque ce mot, traduit en français, signifie Le Loyer, et par conséquent que c’est a lui qu’il a été donné par la bénédiction de Moïse de connaître et d’expliquer l’origine de toutes les nations ; mais ce n’est pas assez pour lui d’avoir été prédit par les prophètes, il l’a été également par Homère et il a découvert dans l’Odyssée un vers (le 183e du 5e livre), qui, rendu mot pour mot, signifie Pierre Le Loyer, Angevin, Gaulois, d’Huillé (voy. l’Édom, p. 224). Après de pareilles découvertes, on ne s’étonnera pas que Le Loyer ait trouvé que les habitants de l’Anjou tirent leur origine d’Ésaü ; et il le prouve par les racines des noms des hameaux et ses fermes qui environnent Huillé, village où il ne doute pas que les fils d’Ésaü ne se soient d’abord arrêtés et d’où ils se sont étendus dans tout l’Anjou. Ce serait abuser de la patience des lecteurs que de pousser plus loin l’analyse de pareilles rêveries. Les curieux de détails, au défaut de l’ouvrage, pourront consulter le Dictionnaire de Bayle ou les Mémoires de Niceron, t. 26.