Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Tharin (Claude-Marie-Paul)


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THARIN (Claude-Marie-Paul), naquit à Besançon le 24 octobre 1787. Son père était avant la révolution conseiller au parlement de cette ville. Depuis lomgtemps une branche aînée, dont le chef portait le titre de comte de Tharin, avait quitté la Franche-Comté, pour s’établir à Turin, où elle avait occupé des places importantes. Le jeune Tharin annonça, dès son enfance, les plus heureuses dispositions ; il fit de brillantes études dans la maison paternelle, et, après avoir remporté le premier prix en philosophie, il suivit, comme externe, pendant quatre ans, le cours de théologie au séminaire de Besançcon. Après la mort de son père, sa mère l’envoya, en 1806, au seminaire de Saint-Sulpice. À cette époque, la sage et habile direction de l’abbé Emery attirait dans cet établissement l’élite de la jeunesse française, qui se destinait au service des autels. Sous un chef justement vénéré comme le guide et le modèle des prêtres, le jeune élève se distingua par des progrès rapides dans la piété et dans la science théologique. Il reprit ses cours, et sa constante application, le charme de son caractère, lui concilièrent l’estime de ses maîtres et l’affection de ses condisciples. On sait quel éclat ont eu toujours dans l’Eglise de France les catéchismes de Saint-Sulpice, et combien de talents s’y sont révélés, qui ont été depuis l’honneur du sacerdoce. L’abbé Tharin fut employé à cette œuvre importante à laquelle le rendaient très-propre une instruction solide, une parole facile, élégante, et l’art de répandre de l’intérêt sur les vérités élémentaires de la religion. Tout ce qu’il voyait de piété et de modestie, de simplicité et de vertus évangéliques dans ses maîtres lui inspira le dessein, qu’il exécuta en 1814, d’entrer dans leur société. Ordonné prêtre en 1811 par le cardinal Maury, il dut remplacer comme directeur et comme professeur les sulpiciens que Napoléon avait expulsés au moment de ses démêlés avec le saint-siége. M. Jalabert, vicaire général de Paris, avait été nommé supérieur du séminaire, et, malgré la diversité des caractères, la plus parfaite harmonie régna toujours entre le chef et ses coopérateurs. On doit cette justice à ce vertueux ecclésiastique, c’est qu’il s’appliqua constamment à maintenir dans toute leur pureté la règle et les usages consacrés par une heureuse expérience. Mais le cardinal était tourmenté par le besoin d’innover sans cesse. Comme il ne trouvait pas l’abbé Jalabert assez souple à ses desseins, il mit à sa place l’abbé Tharin, qu’il crut plus disposé à entrer dans ses vues, et à adopter ses plans de réforme. Le nouveau supérieur eut le bon esprit de ne pas se plier aux caprices et aux boutades du cardinal ; la règle de Saint-Sulpice fut religieusement respectée, et plus d’une fois, sans trop déplaire, il sut faire entendre des vérités utiles. Déjà l’empire touchait à sa fin ; la persécution contre l’Eglise allait cesser, et l’abbé Tharin appelait tous ses vœux le moment où il pourrait remettre entre les mains de ses anciens maîtres les fonctions qu’il n’avait acceptées que pour épargner à la religion de plus grands malheurs. Au commencement de la Restauration, il écrivit contre le cardinal Maury dont l’administration avait été si fâcheuse pour le diocèse de Paris, et si irrégulière dans son principe. Il adressa une lettre anonyme à tous les chanoines de la métropole qui s’empressèrent de révoquer les pouvoirs du cardinal. Bientôt celui-ci fut obligé de quitter l’archevêché, et il se mit en route pour l’Italie, sans perdre toutefois l’espoir de recouvrer la faveur des Bourbons. Un Mémoire apologétique de sa conduite qu’il publia à cette occasion fut solidement réfuté par l’abbé Tharin. Ce Mémoire ne justifiait rien ; exemples et raisons, tout pouvait être contesté, et on prouva très-bien à l’auteur qu’il devait renoncer à une apologie impuissante, pour recourir à la clémence du juge. Vers le même temps Grégoire publia un pamphlet intitulé : de la Constitution française de 1814. L’abbé Tharin, lui répondit, par sa Défense des droits sacrés du trône. L’ouvrage est pseudonyme ; il parut sous le nom de Louis de Beaupré. Les prêtres de la congrégation de Saint-Sulpice étant rentrès en 1814 dans l’administration du séminaire de Paris, l’abbé Tharin s’attacha à leur société. Il y professa la morale jusqu’à l’époque des Cent-Jours, et fit alors un voyage à Rome. A son retour il fut nommé supérieur du séminaire de Bayeux ; et dans ce nouvel emploi il se montra digne de l’estime et de la confiance qu’il avait inspirées. Un mélange heureux de douceur et de fermeté lui gagna tous les cœurs ; mais une ardeur excessive pour le travail qu’il ne savait pas modérer, avait profondément altéré sa santé, et il dut abandonner ses fonctions. Ce fut à Bayeux en 1818 qu’il composa ses Nouvelles Considérations philosophiques et critiques sur la société des Jésuites et sur les causes et les suites de leur destruction. On peut affirmer hardiment que cet ouvrage a été la cause de la haine qui s’acharna contre l’abbé Tharin, lorsque la confiance de Charles X l’eut appelé auprès du duc de Bordeaux, pour diriger son éducation. Probablement ceux qui firent alors retentir la France de leurs craintes et de leurs doléances hypocrites, n’avaient pas lu le premier mot de la Défense des Jésuites ; mais le titre seul n’était-il pas un péché irrémissible ? La postérité aura de la peine à croire que des mots et des fantômes aient si longtemps ému le peuple français, qui s’estime avec raison un peuple brave et spirituel. Au reste l’abbé Tharin procède d’après les lois d’une rigoureuse logique. S’il se prononce pour les Jésuites, ce n’est qu’après avoir bien pesé et les torts qu’on leur impute et les apologies qu’ils opposent. Sa méthode est excellente ; ses raisonnements concluants, et son style, quoique vif et animé, est exempt d’aigreur et d’amertume. On peut même regretter qu’il n’ait pas profité de tous ses avantages, tant l’histoire lui fournissait de preuves et de documents à l’appui de sa thèse ! Il était au sein de sa famille, espérant que quelques jours de repos lui suffiraient pour recouvrer ses forces, et qu’il pourrait ensuite rentrer dans la société de Saint-Sulpice, à laquelle il était tendrement attaché ; mais d’après l’avis formel des médecins il dut renoncer à cet espoir et accepter les lettres de grand-vicaire que lui offrit M. Courtois de Pressigny, archevêque de Besançon. Ce choix fut universellement applaudi ; le diocèse fut administré avec beaucoup de sagesse et ne se ressentit nullement des absences prolongées que le prélat était obligé de faire à Paris commet pair de France. Pendant que l’abbé Tharin était occupé de ses nouvelles fonctions, on songeait à l’élever à l’épiscopat. Les siéges d’Angoulême, de Langres et de Metz lui furent successivement offerts ; il sut faire agréer ses refus et repoussa des dignités et des honneurs que sa modestie lui présentait comme supérieurs à son mérite et à ses services. Mais enfin le prince de Croy, ayant été transféré à Rouen, voulut l’avoir pour son successeur à Strasbourg, et il triompha, non sans peine, de sa résistance. La lettre pastorale que ce nouveau prélat publia le 19 janvier 1824 à l’occasion de sa prise de possession, est admiré comme un monument de haute éloquence. Il ne fut que deux ans évêque de Strasbourg, et il y fit briller dès le premier moment, ses talents pour l’administration. Jaloux de procurer à son peuple de saints prêtres, il remit en honneur les lois de la discipline ecclésiastique. Il vécut toujours dans les meilleurs rapports avec les autorités de son diocèse. La douceur de ses mœurs, son affabilité, sa modestie, un rare désintéressement, une charité vraiment chrétienne, toutes ces précieuses qualités étaient relevées par une physionomie heureuse, des manières nobles, aisées, et une conversation élégante sans effort. A peine fut-il nommé, en 1826, précepteur du duc de Bordeaux, que toute la presse libérale, jeta un long cri d’épouvante. C’en était fait de la charte, la monarchie s’engageait dans des écueils, l’ultramontanisme allait tout envahir. Nous ririons aujourd’hui de toutes les inepties que l’on débita gravement à cette époque sur la Camarilla, espèce de tribunal secret où les affaires du royaume étaient censé réglées avant d’être discutées au conseil du roi, et dont l’évêque de Strasbourg aurait été le président. Le fait est que cet évêque n’eut aucune influence ni à la cour, ni auprès des ministres, qu’il fut même abreuvé d’amertumes par ceux qui auraient dû lui rendre sa tâche plus facile, que les dégoûts et les contradictions portèrent une rude atteinte à sa constitution, déjà fort délicate, et l’obligèrent d’interrompre ses fonctions. Il partit pour Nice, dont le climat tempéré lui fit quelque bien ; mais il ne put jamais reprendre toute son énergie, et, vers les derniers temps de la Restauration, quelques dissentiments étant survenus entre le gouverneur du prince et lui, il quitta définitivement la cour. Nous avons sous les yeux un Mémoire, qu’il présenta en 1827 au roi, sur l’éducation du duc de Bordeaux. Ce mémoire est écrit avec beaucoup de talent et de sagesse ; il mériterait d’être imprimé, et nous ne doutons pas qu’il ne servît à redresser l’opinion publique, qui s’est montrée trop longtemps injuste a l’égard de ce prélat. Ce fut sans doute après les événements de juillet qu’il se déclara le partisan de Richemont, le dernier imposteur qui ait pris le nom de Louis XVII, ce qui étonne, quand on songe au caractère de Tharin et à la place qu’il occupait à la cour de Charles X. On ne voudra jamais croire qu’une fable aussi ridicule ait fait tant de dupes en France et jusque dans les plus hauts rangs. Pendant tout le règne de Louis-Philippe, il vécut dans une profonde retraite, soit en Italie, soit dans le midi de la France, et enfin à Paris auprès de M. de Janson, avec qui il était intimement lié. Il mourut le 14 juin 1843, après avoir reçu tous les secours de la religion avec la foi la plus vive et le calme le plus édifiant. Ses dernières paroles furent: Dieu seul, le reste n’est rien. — Outre les ouvrages dont nous avons parlé, Tharin, a publié en 1834, un livre qu’on ne saurait trop méditer, et qui a eu deux éditions. Il est intilulé : du Gouvernement reprósentatif, vol. in-8º. L’auteur ne dissimule pas qu’il regarde le gouvernement représentatif, tel qu’on le conçoit aujourd’hui, comme une des plus grandes plaies de l’Europe, et il lui préfère, sans balancer, une monarchie absolue, mais tempérée. Dans ce dernier système le pays est mieux administré, les libertés publiques plus respectées, les lettres, les sciences plus florissantes, et le peuple plus heureux. Cet ouvrage, au moment où il parut, fut amèrement censuré ; il n’exciterait pas aujourd’hui les mêmes réclamations. En 1835, parurent les Méditations religieuses et politiques par M. Tharin, ancien évêque de Strasbourg[1]. Cet ouvrage fit quelque sensation malgré le silence des journaux. Deux traductions italiennes, qui se succédèrent en peu de temps, prouvent qu’on avait su l’apprécier dans la péninsule. On a encore de M. Tharin : les Gémissements et les Espérances de la Religion catholique en France, ou de l’Etat présent et de l’Avenir de l’Eglise de France. Quelques critiques reprochèrent à l’auteur d’avoir trop rembruni ses couleurs. L’avenir s’est chargé de le justifier. Nous ne blâmerons pas un pieux évêque d’avoir montré dans cet écrit une foi vive, un profond attachement à la religion et un ardent désir de la voir recouvrer son empire sur les coeurs. D—s—e.


  1. Quand Tharin fut chargé de donner ses soins au duc de Bordeaux, il se démit quelques jours après de son évèché de Strasourg, ce qui n’empêcha pas la faction libérale de crier contre l’ambition du prélat. En vain il adhéra en 1826 à l’exposé des sentiments des évêques sur l’indépendance des rois dans l’ordre temporel, il nen fut pas moins signalé comme le chef des ultramontains. Telle est la justice des partis !



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