Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Théodore, abbé du monastère de Groyland


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THÉODORE, abbé du monastère de Groyland, dans le royaume des Merciens, s’est illustré par un dévouement, qui mérite d’être comparé à celui des anciens Romains. Il gouvernait sa maison depuis soixante-deux ans, lorsqu’en 870 les Normands désolaient et dévastaient l’Angleterre. Théodore, apprenant qu’un de leurs détachements s’approchait, ordonna à trente de ses religieux, qui étaient dans la force de l’âge, de prendre avec eux les reliques de l’Église, les titres du monastère, et d’aller se cacher dans les marais voisins. Gardant avec lui les plus âgés etles enfants que l’on élevait dans le monastère, espérant que le soldat barbare aurait pitié d’eux, il se revêtit de ses habillements sacrés, et les conduisit au chœur, pour chanter l’office, en attendant ce qui pourrait arriver. Il avait célébré une messe solennelle et, après avoir communié, il distribuait le pain eucharistique à ses vieillards et à ses enfants, lorsque les Normands se précipitèrent dans l’église, en poussant des cris de fureur. Un des chefs, s’avançant vers l’autel, fit tomber du premier coup Théodore. Les enfants et les vieillards furent cruellement frappés, pour les forcer de découvrir où étaient cachés les trésors de l’église. Comme ils ne pouvaient rien montrer, ils furent tous mis à mort. Un enfant de dix ans, appelé Tugar, voyant que l’on faisait mourir sous ses yeux le sous-prieur qui s’était sauvé avec lui dans le réfectoire, priait les soldats à grands cris de ne point l’épargner et de lui ôter la vie. Un des soldats ayant pitié de sa jeunesse, lui jeta son manteau sur les épaules, lui disant de le suivre, et seul il fut conservé dans cet effroyable massacre. Après avoir tout égorgé, les Normands, furieux de ne trouver aucun trésor, mirent le feu au monastère, qu’ils avaient pillé pendant trois jours. C’était le 26 août 870. Le jeune Tugar s’étant échappé, revint à Groyland, où il retrouva les trente religieux qui, après avoir quitté leurs marais, étaient occupés à éteindre l’incendie. Il leur raconta ce qui s’était passé en leur absence. Après avoir répandu beaucoup de larmes, ils reprirent leur travail. Ayant ensuite remué les décombres pendant trois jours, ils trouvèrent devant l’autel, leur saint abbé Théodore, sans tête, dépouillé de ses habits, à demi brulé, écrasé par la chute des poutres, et enfoncé en terre. Ils découvrirent successivement les autres victimes. Deux religieux, plus que centenaires, avaient été égorgés, comme ils cherchaient à fuir dans le parloir. G—y.




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