Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thébaudin (Pierre-Alexandre-Marie, baron de Dordigné)


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THÉBAUDIN (Pierre-Alexandre-Marie, baron de Dordigné) d’une famille noble du Maine, naquit à Paris, le 14 juin 1783. Quoique enfant encore à l’époque de notre première révolution, les impressions qu’il en reçut, restèrent gravées dans sa mémoire, et c’est à partir de ces instants d’orages qu’il se prépara à en devenir un des plus courageux adversaires. A l’âge de vingt ans il épousa Mlle  de Vendé, jeune personne d’une famille distinguée, aussi remarquable par sa beauté que par les grâces de son esprit et les qualités de son cœur. Heureux dans son intérieur, possesseur d’une belle fortune, se livrant avec ardeur et passion à l’étude de l’histoire et des langues mortes et vivantes, il vit paisiblement s’écouler la longue et glorieuse période de l’empire, sans chercher à l’entraver dans sa marche, bien que toutes ses sympathies ne fussent point pour elle. Il salua avec joie, en 1814, le retour des Bourbons. Sans ambition personnelle, il ne sollicita aucunes fonctions, ni charges de cour, et continua sa vie heureuse et d’études. Cependant, après la seconde Restauration, Louis XVIII le créa baron. Au bout de quelque années du rétablissement des Bourbons, l’esprit perspicace du baron de Dordigné ne tarda point à lui faire entrevoir l’abîme qui se creusait sous leurs pas. Il fit part en haut lieu de ses alarmes, et donna de sages conseils pour un changement de direction ; mais comme beaucoup d’autres ses avis furent inutiles ; le char était lancé dans une mauvaise voie et il s’y brisa. La révolution de 1830 l’affligea vivement sans le surprendre ; mais à partir de ce moment, il entra en lutte contre toutes les révolutions survenues en Europe, à la suite de celle de Paris. Son énergie, ses sacrifices pécuniaires et son dévouement ne connurent aucunes bornes. Il fit plusieurs voyages en Angleterre, en Allemagne, pour rendre des services aux exilés. On se rappelle qu’en 1832, une courageuse princesse fut appelée en Vendée. Nous ne prétendons émettre ici aucune opinion sur le plus ou moins d’opportunité de la prise d’armes, fixée au 24 mai, par un ordre donné au nom de la duchesse de Berry. Le 22, il y eut un contre-ordre envoyé aux chefs nommés pour coopérer à cette levée de boucliers ; mais ce contre-ordre ne put parvenir assez tôt à tous. Le baron de Dordigné, n’en eut aucune connaissance, et obéissant au premier ordre il se rendit, avec quinze cents hommes qui avaient foi en lui, au rendez-vous assigné pour le combat. Ses efforts furent inutiles ; on le pense bien. Comme François Ier, le brave Breton ne put que s’écrier : « Tout est perdu, fors l’honneur ! » En 1833, il fut condamné à mort, par contumace, et ses propriétés furent sequestrées. Alors reportant toute sa foi monarchique à la cause de don Miguel et de Charles V, il écrivit pour la défense de ces deux rois détrônés des ouvrages pleins de zèle et de savoir. Il fit mieux encore, lui, époux, père de famille, étranger au métier des armes, et parvenu à l’âge de cinquante ans, il alla guerroyer comme un simple volontaire dans l’armée de Sa Majesté très-fidèle, et s’y distingua par plusieurs beaux faits d’armes. Le roi Miguel, touché d’un si généreux dévouement, le nomma commandeur de l’ordre du Christ. C’est en Portugal que ce moderne croisé vendéen connut la famille royale d’Espagne, qu’il s’y attacha, et lui rendit par la suite de très-grands services. Les malheurs de don Miguel le ramenèrent en Angleterre, et il y resta une année. En 1835, une circonstance douloureuse, la maladie, suivie bientôt de la mort, de Mme  de Dordigné, le força de rentrer en France, où durant plusieurs années, il vécut sous un nom supposé. En 1838, le terme fixé par la loi étant arrivé, il se constitua prisonnier à Orléans, pour y purger sa contumace. La cour d’assises, cette fois, l’acquitta. Redevenu ainsi libre, il passait une grande partie de ses journées dans les bibliothèques publiques, à faire des recherches historiques, ou bien, nouveau Blondel, il allait servir, consoler les familles exilées sur diverses terres étrangères. En 1848, il alla en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, présenter ses hommages à d’illustres hôtes, desquels il reçut l’accueil le plus bienveillant. Il alla également à Brunsée saluer une auguste princesse, qui l’honorait de sa confiance. Après ces différentes courses, il retourna à Londres, pour voir de nouveau le roi don Miguel. La mort de cet homme si dévoué à toutes les légitimités fut pour ces royaux représentants un événement pénible, et qui ajouta beaucoup à leur propre infortune. Don Miguel, la duchesse de Berry, le comte de Chambord et la duchesse d’Angoulême, parlèrent de la perte du baron de Dordigné avec un attendrissement qui toucha profondément ceux qui en eurent connaissance. C’était un homme éminemment bon, généreux et d’une obligeance extrême. Son érudition ne le rendait point pédant ; loin de là, il était simple, modeste, conteur aimable, gracieux et spirituel. Avec des opinions sévères, il était très-tolérant pour celles des autres, et d’un esprit conciliant. Toujours excellent catholique, il eut le bonheur, durant sa maladie, en pleine connaissance, d’avoir plusieurs entretiens religieux avec un de nos plus célèbres orateurs, le R. P. Ravignan. Ses derniers voyages, pendant lesquels il fit, avec une grande célérité, près de mille lieues, avaient considérablement altéré sa santé. De sinistres pressentiments l’avertirent de sa fin prochaine, et il en parlait fréquemment. Quinze jours avant sa mort, il dit à un ami qui était venu le visiter : « Nous ne nous reverrons plus ! » Sa prédiction ne fut que trop justifiée ; il mourut le 11 juillet 1849. Son imagination vive, dévorante, a abrégé son existence ; et c’est bien de lui qu’on peut dire : la lame a usé le fourreau. Quelques jours avant sa mort, un ami lui ayant demandé s’il lui serait agréable d’apprendre les nouvelles du jour, il fit entendre qu’il en serait bien aise. On lui annonça l’entrée de l’armée française dans la capitale du monde chrétien. — « Et le pape, demanda-t-il vivement, est-il rentré à Rome ? — Non, lui fut-il répondu. — Oh ! alors tout n’est pas fini, répliqua tristement le pauvre mourant. » Sa dernière pensée lucide fut donc pour le Saint-Père émigré. La mort, enleva le baron de Dordigné au moment où il terminait plusieurs ouvrages sur les langues mortes. Les livres qu’il a publiés de son vivant, sans y mettre son nom, par excès de modestie, sont : 1o Légitimité portugaise, Paris, 1830, in-4º de 800 pages ; 2o D. Carlos et D. Miguel, — Oui ou non, est-il de l’intérêt des puissances légitimes et monarchiques de laisser périr dans la Péninsule la monarchie et la légitimité ? Paris, 1838, in-4º. 2o Leuchtenberg et Cobourg, Paris, in-4º.Z.


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