Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Andry (Nicolas)

Biographie universelle ancienne et moderne
Michaud frères (tome 2p. 161-163).

ANDRY (Nicolas), surnommé Bois-Regard, né à Lyon, en 1658, sans fortune, vint à Paris, étudier en philosophie, au collège des Grassins, où il fut réduit à faire l’éducation de quelques élèves pour subvenir aux frais de ses études en théologie. Il devint professeur au collège des Grassins, et, en 1687, il commença à se faire connaître, dans les lettres, par sa traduction du Panégyrique de Théodose-le-Grand, par Pacatus, Dégoûté de la théologie, il étudia la médecine, fut reçu docteur à Reims, et, en 1697, à la faculté de Paris. Un peu de mérite, et un grand talent d’intrigue, le firent connaître et réussir ; il fut nommé successivement professeur au collège royal, censeur, et collaborateur au Journal des Savants. Malgré les justes préventions qu’avait inspirées la manière adroite dont Andry avait préparé ses succès, et malgré son caractère satirique et emporté, qui ne lui faisait épargner ni rivaux ni amis, il fut, en 1724, élu doyen de la faculté. Les premiers temps de son décanat furent marqués par les vues les plus sages ; frappé de la supériorité de talent qu’exige l’exercice de la médecine, Andry voulut lui assurer la prééminence sur la chirurgie, et fit conserver, à la faculté, le droit d’inspection, qu’elle avait toujours eu sur les chirurgiens ; mais, en même temps, il voulut assujétir les élèves médecins à des études chirurgicales ; il fit aussi décréter que nul chirurgien ne pourrait pratiquer l’opération de la taille qu’en présence d’un médecin, etc. Bientôt, il voulut dominer la faculté elle-même, et aspira dès-lors à faire nommer Helvétius, son ami, premier médecin du roi, et protecteur de la faculté ; mais, deviné par cette compagnie, qui reconnut dans cette apparence de zèle l’ambition particulière du doyen, il ne lui pardonna pas de lui avoir fait éprouver un refus. Dès ce moment, Andry s’efforça de perdre ceux des membres de la faculté qui s’étaient opposés à son projet, et, dans cette vue, il ne rougit pas d’altérer l’opinion que cette faculté avait émise sur la bulle Unigenitus, afin de la perdre dans l’esprit du ministre. L’affaire se termina à sa honte, en 1726, et, pour prévenir un semblable abus, il fut décidé que les décrets de la faculté seraient dorénavant signés par plusieurs docteurs, afin que le doyen ne pût rien y changer. L’on devine la haine que, dès-lors, la faculté porta à Andry ; elle s’augmenta encore par les querelles particulières qu’il eut avec plusieurs de ses membres, Hecquet, Lemery, le célèbre J.-L. Petit, et par divers écrits polémiques et injurieux auxquels ces querelles donnèrent lieu. Andry ne fut pas réélu doyen. La composition de quelques libelles contre Geoffroy, son successeur, et contre la faculté, parut d’abord le venger ; elle lui valut même la censure, au prix de laquelle on crut acheter la paix ; mais son triomphe ne fut que de peu de durée ; le cardinal de Fleury connut enfin les excès dans lesquels le dépit et l’orgueil précipitaient un homme qui devait sa réputation plus à l’intrigue qu’au talent ; il cessa de l’écouter, et devint le protecteur et le vengeur de la médecine et de l’université. Andry mourut le 13 mai 1742, âgé de 84 ans, doyen d’âge des professeurs du collège royal. Voici la liste de ses nombreux écrits : I. en 1710, il publia la première édition de son Traité de la génération des vers dans le corps de l’homme, ouvrage qui a été plusieurs fois réimprimé, traduit en plusieurs langues ; Lemery en imprima une critique assez sévère dans le Journal de Trévoux, pour se venger de celle qu’Andry avait faite de son Traité des aliments ; Valisnieri l’attaqua avec moins de ménagement encore ; il valut à notre satirique l’épithète d’Homo vermiculosus, parce qu’il ne voyait partout et dans toutes les maladies que vers. Andry répondit à toutes ces censures, en publiant, sur le même sujet, en 1704, Paris, in-12, ses Éclaircissements sur le livre de la génération des vers dans le corps de l’homme, contenant des remarques nouvelles sur les vers et les maladies vermineuses. II. Remarques de médecine sur différents sujets, principalement sur ce qui regarde la saignée et la purgation, Paris, 1710, in-12 ; III. le Régime du Carême, considéré par rapport à la nature du corps et des aliments, Paris, 1710, in-12 ; Traité des aliments du Carême, Paris, 1713, 2 vol. in-12, puis 5 vol. in-12, parce qu’on y a joint l’ouvrage précédent. Dans ces trois productions, l’auteur a pour but de réfuter toutes les opinions d’Hecquet, et la discussion des faits n’est pour lui qu’un prétexte de faire la guerre ; IV. le Thé de l’Europe, ou les Propriétés de la véronique, Paris, 1712, in-12 ; V. Examen de différents points d’anatomie, de chirurgie, de physique et de médecine, Paris, 1723, in-8o. Ici Andry fait une critique trop amère du fameux Traité de J.-L. Petit, sur les maladies des os, ouvrage qui étonna alors, et à juste titre, la chirurgie européenne, et contre lequel Andry, dans son zèle amer et injuste, réunit des accusations très-souvent fausses, telles que celles qui traitaient de chimérique la rupture du tendon d’Achille. VI. Remarques de chimie touchant la préparation de certains remèdes, Paris, 1735, in-12, écrit polémique encore, et dirigé contre la première édition de la Chimie médicale de Malouin. VII. Cléon à Eudoxe, touchant la prééminence de la médecine sur la chirurgie, Paris, 1738, in-12, où l’auteur veut prouver, par l’ancienneté des usages, et la raison elle-même, la justice de la conduite qu’il avait tenue à cet égard pendant son décanat : VIII. Orthopédie, ou l’Art de prévenir et de corriger, dans les enfants, les difformités du corps, Paris, 2 vol. 1741. Andry est encore auteur de quelques Thèses. Dionis, son gendre, a publié de lui un Traité sur la Peste, qu’il avait dicté en français, au collége royal, par ordre du régent. Du reste, le caractère de tous ces écrits confirme le jugement que nous avons porté sur Andry ; aucune de ces grandes vues spéculatives et pratiques qui rappellent la médecine antique d’Hippocrate, l’observation de la nature, et la connaissance de ses lois ; tout y est sacrifié à cet esprit de satire qui seul a semblé exciter l’auteur à prendre la plume ; aussi, de nos jours, où l’intérêt de ces controverses locales est évanoui, ces productions sont-elles oubliées, et n’ornent-elles plus que la bibliothèque de nos plus infatigables érudits. C. et A—n.