Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Albergati-Capacelli (le marquis François)


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ALBERGATI-CAPACELLI (le marquis François), sénateur de Bologne, naquit dans cette ville le 29 avril 1728. Il fit ses premières études dans la maison paternelle, sous les plus illustres savants, entre autres Zannotti, Manfredi et Taruffi. Ses goûts le portèrent dès sa jeunesse, vers les compositlions dramatiques et la déclamation théâtrale. Il avait établi dans son palais, à Bologne et à sa maison de campagne, où il passait une partie de l’année, un théâtre sur lequel il donnait, avec ses amis, des représentations des meilleures pièces de l’Italie et de celles de quelques auteurs français qu’il traduisait lui-même. Il fut très-lié avec Goldoni ; et il entretint une correspondance littéraire avec les hommes les plus remarquables de son siècle, tels que Voltaire, Fontenelle, Alfieri, Cesarotti, etc. La nature l’avait doué de grands talents ; il fut non-seulement un auteur dramatique élégant, correct et quelquefois sublime, mais encore un acteur judicieux, plein d’esprit et de vivacité, au point qu’on le nomma le Garrick de l’Italie. Sa comédie du Prisonnier fut couronnée par la députation de Parme[1] et il obtint le grand prix, qui était une médaille d’or. C’est à lui qu’on doit la suppression au théâtre italien de l’usage si ridicule et si peu vraisemblable des masques. Albergati contracta fort jeune une union assortie à son rang ; mais, bientôt las d’une épouse digne de plus d’égards, il l’abandonna pour aller chercher à Venise des plaisirs plus piquants. Subjugué par une comédienne nommée Bettina qui, à des charmes peu communs, joignait tout l’art, tout le manège de la coquetterie et la séduction du talent, il l’épousa lorsqu’il devint veuf, voulant, dit-il, donner un élat au fils qu’il avait eu d’elle. Mais celui qui n’avait pu trouver le bonheur auprès d’une femme vertueuse, s’était préparé avec une autre d’inévitables chagrins. Son penchant à la jalousie amenait sans cesse de nouvelles querelles entre les époux. A la suite d’une scène violente, Albergati, dans une sorte de délire, frappa de deux coups mortels celle qu’il avait tant aimée. Son crédit et sa fortune ne purent le sauver d’une procédure criminelle ; mais peut-être contribuèrent-ils à le préserver d’une condamnation capitale. Il s’exila de sa patrie en 1785, et lorsqu’il y revint, quelques années après, loin de mettre à profit la leçon du passé, il épousa en troisièmes noces, à l’âge de 70 ans, la danseuse Zampieri qui, par ses mauvais procédés et ses fureurs jalouses, sembla s’être chargée de venger celles qui l’avaient précédée. — Albergati parlait et écrivait avec facilité les principales langues de l’Europe. A l’exemple de son compatriote Goldoni, avec lequel il eut plus d’un trait de ressemblance et par sa vie aventureuse et par le talent de composer et de jouer des comédies, Il parvint a écrire en français avec une élégante simplicité. On connaît de lui une lettre à Voltaire[2], qui a été insérée dans l’Observateur Littéraire (tome 3, 1761, p. 242-257). Il y parle en homme de goût de l’art théâtral, et venge Goldoni, qu’il appelle auteur admirable et peintre de la nature, des critiques injustes auxquelles il avait été en butte. Ce commerce épistolaire dura plusieurs années. On trouve les lettres de Voltaire au marquis, dans les tomes 56 à 60 de sa correspondance générale (édition de Kehl). C’est dans une de ces lettres que le philosophe de Ferney a formellement désavoué la Pucelle, et qu’il fait une profession de foi religieuse bien peu sincère et très extraordinaire dans sa bouche. Il paraît que leurs relations cessèrent brusquement, lorsque Voltaire eut écrit d’une manière assez piquante, et presque dédaigneuse, sur la promotion à la chambellanie du roi de Sardaigne, qu’Albergati avait obtenue. « Je vous aimerais mieux, lui dit-il, dans votre palais à Bologne que dans l’antichambre d’un prince. J’ai été aussi chambellan d’un roi, mais j’aime cent fois mieux être dans ma chambre que dans la sienne. » La collection des comédies d’Albergati a été publiée à Bologne, en 1784., in-12. On y distingue celle qui a pour titre Il pregiudizio del falso onore, où il fronde la manie du duel. Il a traduit en italien les tragédies de Phèdre, de Sémiramis, d’Idoménée, de Ninus II, etc. Ses Novelle morali, publiées à Paris et à Bologne, 1783, 2 vol. in-12, jouissent aussi de quelque estime. On a publié à Bologne une collection de ses œuvres, 6 vol. in-8º, 1784. Albergati est encore auteur de plusieurs discours sur les beaux-arts, de l’éloge funèbre d’Albert Stalla, de différentes dissertations sur des médailles antiques, et de la version de l’ouvrage de Jean-Antoine Comparet sur l’éducation. Sa société était agréable, et sa conversation extrêmement piquante. Après avoir passé une grande partie de sa vie à Venise, dont les usages avaient plus de conformité avec son caractère philosophique, rappelé dans le sein de sa ville natale par des affaires domestiques, il y mourut le 16 mars 1804. Albergati a surtout excellé dans les petites pièces en un acte ; plusieurs peuvent être regardées comme les meilleures que possède le théâtre italien. La plus renommée est sans contredit la comédie des Convulsions, où l’auteur a su jeter un ridicule sanglant sur ces maux de nerfs simulés qui, vers la fin du siècle dernier, furent à la mode en Italie, et dont les femmes se servaient si adroitement pour en imposer à leurs faibles maris. L—m—x.


  1. En 1770, le duc de Parme proposa un prix pour les meilleures compositions théâtrales : le concours, qui finit en 1778, a produit plusieurs bonnes pièces.
  2. C’est une réponse à une des lettres les plus remarquables de la correspondance de Voltaire (Lettre 246, tome 56, édition de Kehl).



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