Biographie nationale de Belgique/Tome 9/HENRI DE BRABANT

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HENRI DE BRABANT (Henricus Brabantinus), moine bénédictin de l’abbaye de Saint-Gilles, à Brunswick, originaire du Brabant, comme son surnom l’indique. Les historiens ne sont pas d’accord dans leur chronologie. Ainsi, selon Fabricius, Possevin et Jöcher, il monta sur le siège épiscopal en 1270 et mourut en 1274 : anachronisme évident, puisque l’abbé de Lubeck Arnold, qui a raconté les principaux faits de sa vie, mourut en 1213 ou 1214. L’Histoire littéraire de la France avance ces dates d’un siècle, tandis que l’Histoire ecclésiastique d’Allemagne, de son côté, prétend qu’Henri de Brabant fut « sacré l’an 1177, par Bernon, évêque de Schwérin, assisté des évêques de Halberstadt et Ratzebourg. Il trépassa l’an 1183. » Enfin, au témoignage d’Arnold, il prit la crosse épiscopale en 1173 et décéda le 29 novembre 1182 : l’autorité de ce chroniqueur est décisive quant aux dates, puisqu’il fut directement mêlé aux circonstances de l’élévation de Henri de Brabant à l’épiscopat (Arnoldi Chronica Slavorum, ap. Pertz, Monumenta Germaniæ, t. XXI, p. 125, 21), et qu’il assista à la mort du prélat, dont il recueillit les dernières paroles (ibid., p. 134, 27). Après avoir successivement dirigé les écoles d’Hildesheim et de Brunswick, Henri de Brabant fut élu abbé du monastère de Saint-Gilles, et c’est en cette qualité qu’il accompagna, en 1172, dans son pèlerinage en Terre-Sainte, le duc de Saxe Henri le Lion, et non Henri Léon, comme l’appelle l’Histoire littéraire de la France. En passant par Constantinople, il justifia brillamment sa renommée de savoir et d’éloquence. Vir sui temporis et doctissimus, et per omnia disertissimus, dit Crantzius. En présence de Henri le Lion et de l’empereur Manuel Comnène, et non Michel Paléologue, comme le prétend l’Histoire littéraire de la France, il engagea avec les subtils docteurs byzantins une disputation sur la procession du Saint-Esprit. Henri de Brabant sortit vainqueur de cette joute théologique, applaudi par ses adversaires mêmes, émerveillés, rapporte Crantzius, de son éloquence claire et limpide en matière si abstruse. Arnold qui, de son côté, relate tout le détail de cette controverse ajoute : Et magnificatus est abbas Heinricus in conspectu regis et pontificum, collandantes doctrinam ejus, et fidem non modicam adhibentes verbis illius.

Au cours de ce voyage, 17 juillet 1172, mourut l’évêque de Lubeck, Conrad, qui avait également suivi en Orient le duc de Saxe. Lors du retour d’Henri le Lion, l’année suivante, les chanoines de Lubeck pourvurent au siège vacant et élurent à l’unanimité Henri de Brabant ; mais comme leur choix devait être ratifié par le prince, ils lui envoyèrent une députation, dont fit partie notre chroniqueur Arnold, alors trésorier du chapitre de Lubeck. Henri le Lion, partagé entre le regret de se séparer d’un homme dont la fidélité et les lumières lui étaient précieuses, comme il le dit aux envoyés, et la joie qu’il éprouvait de son élévation, finit cependant par octroyer son consentement. C’est à cette époque que fut bâtie la cathédrale de Lubeck, dont le duc posa, avec Henri de Brabant, la première pierre. Notre prélat fonda, en outre, à Lubeck, l’abbaye bénédictine de Saint-Jean-Baptiste, dont Arnould, comme il est démontré dans Pertz, fut le premier abbé, et il assura l’existence du nouveau monastère en lui faisant don de champs et de dîmes.

En 1181, Frédéric Barberousse vint mettre le siège devant Lubeck. La ville, incapable de résister, ne voulait cependant capituler, par reconnaissance pour tout ce qu’elle devait à Henri le Lion, que lorsque le duc lui en aurait accordé l’autorisation. Henri de Brabant, chargé de porté à l’empereur la résolution des assiégés, fut reçu avec une insigne faveur. Grâce à son crédit, les hostilités furent suspendues pendant que les Lubeckois, avant de céder à la force, envoyaient vers leur prince et s’honoraient ainsi par une démarche de fidélité et de gratitude.

Selon Arnold, qui assista à la mort d’Henri de Brabant et en rapporte le détail, il expira le 29 novembre 1182, et fut enterré à Lubeck, dans le monastère de Saint-Jean qu’il avait fondé.

Crantzius, poussé par cette fréquente et pieuse illusion qui s’exagère les mérites des défunts, va jusqu’à lui décerner les palmes de l’immortalité : Immortale nomen cum plurima laude relinquens apud posteros. Il signale, parmi ses œuvres, une homélie sur l’Évangile, Stabat juxtà Crucem, comme un monument littéraire, remarquable par la profondeur de la pensée et l’élégance du style. Mais, pressé sans doute par la vérité, il finit par atténuer ses éloges et par avouer que Henri de Brabant excellait surtout par sa piété sincère.
Émile Van Arenbergh.

Arnoldus, Chronica Slavorum, apud Pertz, Monumenta Germaniæ, t. XXI, passim. — Crantzius, Saxonia et Metropolis, éd. 1574, l. VI, ch. 29, 31, 43. — Crantzius, Historia ecclesiastica, sive metropolis, de primis christianæ in Saxonia mitiis, deque ejus episcopis. Francofurti, 1576, in fol, lib. 7, cap. 2, p. 170. — Hist. litt. de la France, t. XIV, p. 608. — Jöcher, Allgem. Gelehrten-Lexicon. — Possevin, Apparatus sacer. — Fabricius, Bibl. med. et infimæ latin., t. III, p. 669. — Hist. ecclés. d’Allemagne, 1712, t. II, p. 336.