Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BRYAS, Ghislain DE

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BRYAS, (Ghislain DE), fils de Jacques troisième du nom, gouverneur de Marienbourg et de sa seconde femme, Adrienne de Nédonchel, entra, en 1620, au service de l’Espagne, dans l’armée des Pays-Bas, et, passant par tous les grades, arriva rapidement à celui de maître de camp. Après la prise de Venloo, en 1637, il en fut nommé gouverneur. L’année suivante, les Hollandais assiégèrent Gueldres, Bryas vola à son secours; il traversa hardiment les lignes des assiégeants, leur causa une perte considérable et pénétra dans la ville, dont il fut reconnu l’un des deux gouverneurs. L’infant Ferdinand vint à son tour ravitailler la place; Bryas, pour faciliter l’entrée du secours, fit une sortie à la tête de deux mille fantassins et de cent chevaux, prit aux ennemis deux forts, six pièces de canon et trois étendards.

En 1639, la révolte de la Catalogne et la révolution de Portugal jetèrent l’Espagne dans un extrême embarras et Philippe IV recourut à une mesure jusques-là sans exemple. Connaissant la réputation de bravoure acquise par les troupes wallones sur les champs de bataille de Bohême, de Hongrie, d’Allemagne, des Pays-Bas et de France, il résolut de les appeler à concourir à la défense de son royaume. Bryas reçut mission d’y conduire un tercio wallon de vingt compagnies. Attaqué dans la traversée à la hauteur de Dunkerque, par la flotte hollandaise, il se défendit vaillamment et, malgré une grave blessure à la cuisse, il continua sa route. Mais le retard causé par cet incident inspira une vive inquiétude au ministre Olivarès, qui l’exprime en ces termes, dans une lettre adressée, le 19 mars, au cardinal-infant, frère du roi, gouverneur et capitaine général des Pays-Bas : « Car la sûreté de l’Espagne dépend entièrement de la présence de ces Wallons et nous tenons tous que quand ils seront arrivés, l’ennemi ne songera plus à nous inquiéter de ce côté; nous aurons avec eux une force propre à mettre obstacle à quelque dessein qu’il puisse avoir. » A peine débarqué en Espagne, Bryas, à la tête de ses Wallons, aida à reprendre Salses. Voici le témoignage rendu à ces troupes par le comte-duc : « Votre Altesse peut m’en croire, les Wallons qu’elle nous a envoyés sont ceux qui maintiennent le siége de Salses ; ils se sont battus comme des lions, se signalant extrêmement en tout. » (Lettre du 2 novembre 1639.) Bryas secourut ensuite Tarragone, assiégée par les Français et dans une sortie, luttant contre des forces bien supérieures, il fit prisonniers le maître de camp général d’Ardenne, trois capitaines, seize autres officiers, quatre-vingts soldats et prit deux cents chevaux. Il commandait l’artillerie royale en Arragon et au siége de Badajoz, il eut sous ses ordres cinq mille hommes d’infanterie et deux mille de cavalerie.

Il était capitaine général de la cavalerie espagnole, lorsque, le 26 mai 1644, près de Montijo, il battit avec trois mille trois cents fantassins et onze cents chevaux, l’armée portugaise, forte de huit mille hommes de pied et de treize cents chevaux et lui tua trois mille deux cents hommes. Il surprit ensuite San-Alexo et battit à plate couture l’ennemi, à Talavera. Les officiers de cette trempe ne se ménagent pas, aussi Ghislain de Bryas, « avait-il reçu sept mousquetades dans le corps et d’autres blessures. »

Il avait été créé chevalier de Calatrava, commandeur de Molinos et de Lagunaroto; en outre, par lettres patentes du 20 juin 1645, Philippe IV érigea en marquisat la terre de Molinghem, située près d’Aire en Artois et que lui avait léguée son oncle maternel, Ghislain de Nédonchel, archidiacre de Tournai. Ces lettres patentes, fort honorables pour la famille De Bryas, rappellent les services rendus par les ancêtres et les frères de Ghislain; l’un de ceux-ci, Charles, était gouverneur de Marienbourg; un second, Henri, seigneur de Grange, colonel de cavalerie et gouverneur de Philippeville, puis de Marienbourg et de Fumes, s’était distingué, comme le précedent, à la bataille de Rocroi; le troisième était colonel d’un régiment d’infanterie wallone; enfin deux autres avaient péri jeunes, en 1617, au siége de Verceil. Sa Majesté catholique ne se considérait pas encore quitte envers Ghislain de Bryas, puisque, dans un diplôme du 19 février 1652, elle déclare que « eu égard aux grands et signalés services de messire Ghislain de Bryas, marquis de Molinghem.... de notre conseil suprême de guerre, mestre de camp général de nos armées aux Pays-Bas... Afin qu’il demeure, en sa maison, quelque démonstration, qui puisse servir de récompense à ses mérites... lui donnons et accordons l’état de grand bailli de nos bois de Haynaut héréditairement en sa maison. »

Ghislain de Bryas mourut, sans postérité et laissa cet office, son titre et ses biens, à son neveu Englebert, comte de Bryas, baron de Morialmé.

A. de Robaulx de Soumoy.

Archives genérales du royaume, liasses de l’audience, nos 1172, 1175, 1147, 1149, 1156. — Lainé, Archives de la noblesse de France, IX, 41, 48, 49, 52. — Bulletin de la Commission royale d’histoire, 3e série, VI, 200 et suiv.