Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BRETEX, Jacques

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BRETEX (Jacques), poète, né en Hainaut, au XIIIe siècle. Ce personnage est probablement le même que celui nommé Jacques Bertaut, mais il ne faut pas le confondre avec Jehan Bretel, Bretex ou Bretiaux, généralement classé parmi les trouvères artésiens. Un fait important milite en faveur de notre opinion. A l’époque où notre poëte écrivit ses Tournois de Chauvency, c’est-à-dire en l’an 1285, nous trouvons plusieurs écrits attribués à Jacques Bertaut, entre autres le Roman du chevalier Vaillant et des deux filles de Blondel de Luxembourg. Dans les deux ouvrages, la maison de Luxembourg est glorifiée, dans tous les deux, l’on trouve la relation de fêtes semblables. Rapprochement qui mérite d’être signalé, on croirait entendre dans le Roman du chevalier Vaillant, la même interprétation des usages, des fêtes et des coutumes de la chevalerie que dans le récit des Tournois de Chauvency. Jacques Bretex appartenait au Hainaut. L’on est généralement d’accord sur ce point. Lui-même d’ailleurs semble s’abandonner à son amour patriotique quand, après avoir vanté plusieurs Belges, il parle si chaleureusement des succès remportés par Florent de Hainaut, applaudi des dames, tandis que les hérauts font retentir l’enceinte de ce glorieux cri d’armes : « Hainnau! Hainnau! »

Jacques Bretex écrit en vers, langage presque exclusif de tous ceux qui à cette époque cultivaient les lettres; il mêle souvent, dans ses écrits, aux expressions les plus profanes le saint nom de Dieu et des mots consacrés habituellement aux prières et aux cantiques. Voici ses premiers vers qui forment une espèce d’invocation à l’Amour, sous la protection de qui il paraît se mettre :

Amors est blaus commencemens :
Or doint Diex que le finemens
Soit aussi biaus en son fenir
Com li comanciers el venir!
Dites amen, que Diex l’octroie.


Bretex raconte qu’il commença son livre à Salm, en Alsace, dans le château du comte Henri de Blamont, le huitième jour d’août 1285. La scène se passe à Chauvency-le-Château, au manoir de Louis de Looz, comte de Chiny. Le poëte s’étend avec complaisance sur les beaux coups qui signalèrent la joute de Chauvency, portés par de nobles chevaliers et applaudis par de gentilless dames. Le poëme fournit de précieux enseignements sur les relations d’hospitalité qu’entretenaient les nobles du XIIIe siècle; on y trouve des indications sur les chansons en faveur à cette époque; enfin les jeux et les plaisirs y sont dépeints avec grâce et naïveté. Il faut citer, à ce propos, le Tour du chapelet, joué par la belle comtesse de Luxembourg, c’est une petite ballade détachée du poëme. — Cet ouvrage est, comme le dit le poëte, une œuvre de galanterie, un chant de guerre et de joie :

D’amors d’armes et de joie
Est ma matière, et de tel gent
Qui sont et bon, et bel, et gent,
Mignot, jolif et envoisé,
Et ès maint loing païs prisié.

Le poëme de Bretex est le complément de l’Ordene de chevalerie, écrit par Hue de Tabarié, châtelain de Saint-Omer, au commencement du XIIe siècle; il forme un ensemble avec cet ouvrage et avec Le pas d’armes de la Bergère, maintenu au tournoi de Tarascon. Les tournois de Chauvency servirent au Père Ménestrier, qui en fit une longue étude et en inséra de nombreuses citations dans son Origine des ornements et des armoiries.

M. Delmotte, de Mons, fit une publication complète des Tournois de Chauvency; il en avait trouvé une copie parmi les manuscrits de la bibliothèque confiée à ses soins. MM. Serrure et Voisin s’occupèrent aussi des mêmes Tournois dans les préliminaires du livre de Baudoyin; ils les désignent comme appartenant à la littérature de l’ancienne Belgique. Enfin il est fait mention du poëme de Jacques Bretex dans l’Histoire littéraire de la France due à M. Victor Leclerc. L’œuvre la plus curieuse de notre trouvère est la collection de toutes les chansons de son siècle couronnées par les puys d’amour de nos provinces et du Nord de la France (1285). Ces pièces sont divisées en six chapitres que l’auteur nomme Abécélaires. Cette division fait combattre les différentes espèces de vers admises au concours. Le premier chapitre comprend les pièces nommées les Grans chants, ce qui signifie : Chansons d’amour, les principales suivant le goût de l’époque; il y en a soixante-treize, parmi lesquelles se sont glissés quelques cantiques. La deuxième division est celle des Estampies : ce sont des descriptions spéciales d’un événement, d’un lieu, d’une personne; il y en a dix-huit. La troisième division comprend les Jeux-partis, au nombre de trente-six. La quatrième est celle des Pastorelles; on en compte cinquante-sept. La cinquième est consacrée aux Ballettes ou balades, elles atteignent le chiffre de cent quatre-vingt-huit. Enfin la sixième division contient vingt-deux Sottes chansons contre l’amour, mises à dessein à la suite des autres. Ce récueil se trouve en Angleterre. L’abbé de la Rue, qui en rend compte dans ses Essais historiques sur les bardes, les jongleurs et les trouvères (Caen, 1834), en prit connaissance quand il se trouvait encore dans la bibliothèque de sir Francis Douce.

Bon Albéric de Crombrugghe.