Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOEYERMANS, Théodore ou Thierry
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BOEYERMANS (Théodore ou Thierry), peintre d’histoire, était, par son grand-père, d’origine hollandaise; ce dernier, nommé également Thierry, naquit à Haarlem. Le père du peintre s’établit et se maria à Anvers, où Théodore vit le jour en 1620, au mois de novembre. On a fait de lui, tour à tour, un élève de Rubens et de Van Dyck; le fait est qu’on ne sait dans quel atelier il étudia; mais, que les deux grands peintres cités lui aient directement enseigné leur art, ou bien qu’il développa son talent en voyant leurs œuvres, toujours est-il que notre artiste appartient à la magnifique pléiade du XVIIe siècle et qu’il y occupe, sinon le premier rang, du moins une place des plus honorables. Une circonstance nous permet de croire que Boeyermans se destina tout d’abord aux lettres ou à la magistrature; il est qualifié de licencié; mais la vocation artistique l’emporta sans doute sur la science, et, de cette façon, nous eûmes un grand peintre de plus. Thierry ne fut reçu dans la corporation de Saint-Luc qu’en 1654. C’est le style de Van Dyck qui séduisit surtout Boeyermans; c’est celui qu’il choisit pour modèle et dont parfois il s’approcha de très-près, bien qu’il soit impossible de confondre les toiles des deux maîtres; Boeyermans étudia le grand portraitiste, mais il ne l’imita point servilement; il conserva un caractère individuel, et cela à tel point que ses tableaux sont reconnaissables à la première vue. Il ne paraît pas que notre artiste ait jamais quitté son pays; il resta essentiellement flamand.
En 1664, Boeyermans fut reçu, comme amateur, dans la société de rhétorique le Rameau d’Olivier. En 1665, il entreprit des travaux importants pour orner la chambre des directeurs de l’Académie royale des arts de la peinture et de la sculpture. Cette chambre ou salle, que l’on nommait Schilderskamer (chambre des peintres), contenait déjà plusieurs œuvres d’art remarquables; outre les portraits des doyens et chefs-hommes, on y voyait un magnifique buste en marbre de Louis de Benavidès, marquis de Caracena, gouverneur général des Pays-Bas; Jordaens y avait peint des plafonds et d’autres sujets encore. Boeyermans embellit la salle de peintures jusqu’à la voûte, depuis l’entrée jusques aux compositions de Jordaens. Sur l’un de ces tableaux on voit la Vierge d’Anvers; auprès d’une tête antique, Rubens et Van Dyck; à gauche, le Temps et l’Escaut; sous les pieds de la Vierge se lit l’inscription :
Pictorum nutrici P. M.
Cet ouvrage occupait un côté de la coupole, près du théâtre où les rhétoriciens tenaient leurs séances et jouaient leurs pièces. Selon la tradition, le portrait de la belle Marie Ruthven, femme de Van Dyck, servit pour la figure de la Vierge d’Anvers. Ce travail excita une admiration si vive et satisfit si complètement les membres de la corporation de l’Olyftak, qu’en reconnaissance la Chambre de rhétorique offrit à Boeyermans un grand calice à vin en vermeil et qu’on lui adressa une pièce de vers qui est parvenue jusqu’à nous. Le tableau est aujourd’hui au Musée d’Anvers.
Les vieux registres renseignent encore qu’en 1666, Thierry van Delen, bourgmestre d’Arnemuyden, en Zélande, et peintre de talent, offrit à la même Chambre de rhétorique un tableau dans lequel Théodore Boeyermans peignit l’union de la Peinture et de la Poésie.
Boeyermans aimait les grandes compositions consacrées à retracer des scènes bibliques ou des allégories; peut-être, s’il avait condensé davantage ses sujets, serait-il arrivé à un effet plus réel; tel qu’il est, l’aspect de ses œuvres paraît souvent théâtral; ce fut, du reste, le défaut de l’école à cette époque; mais chez quelques-uns le génie le fait oublier. Son dessin est bon, son coloris harmonieux et riche, mais là où il déployait un talent hors ligne, c’est dans l’entente du clair-obscur. Cette qualité se remarque dans la belle Assomption de la Vierge qu’il peignit, en 1671, pour l’église de Saint-Jacques. Il y a d’autres traces de notre peintre dans cette église; on y trouve, entre autres, son nom inscrit de sa main sur le registre de la confrérie de Saint-Roch. L’expression des figures de l’Assomption est remarquable et le coloris égale le dessin. Avec le Saint François-Xavier convertissant un chef indien, cette œuvre constitue ce que l’artiste a produit de meilleur. Le Musée possède de lui plusieurs tableaux : l’Ambassadeur, auquel s’attache encore une tradition de la gilde. Cette toile fut donnée à la corporation de Saint-Luc, en 1737, par le marchand de tableaux Jacques Myin, alors doyen de la gilde, « à condition que ses deux fils seraient affranchis des charges de la confrérie. »
La Piscine de Bethsaïde, grande toile, allégorie chrétienne; la Visite, tableau de famille; selon une mode du temps, les divers personnages sont réunis dans un beau jardin; Anvers, mère nourricière des peintres, grande composition pour un plafond, dont nous avons parlé plus haut; enfin, une Tête de femme, probablement un portrait. A la chapelle des Sœurs-Noires se trouve le pendant de la Piscine de Bethsaïde, une Guérison du paralytique. A Gand, on voit une Vision de sainte Marie-Madeleine de Pazzi. Malines et d’autres villes flamandes renferment aussi des œuvres de Boeyermans.
Ce peintre resta célibataire; il avait été exempté par la Chambre de rhétorique du paiement de la contribution annuelle, et ce fait est mentionné pour la dernière fois, à côté de son nom, entre 1670 et 1677. Une autre singulière clause le dispensait du décanat, dans la confrérie de Saint-Luc, aussi longtemps qu’il ne se marierait point.
La mère de Boeyermans était veuve, en premières noces, d’un sieur Léonard Lenaerts; quatre filles étaient issues de cette union; en 1657, Thierry fit un testament par devant le notaire De Costere, d’Anvers, par lequel il institua ses quatre sœurs ses légataires universelles et désigna pour sa sépulture le caveau de sa famille, dans l’église de Saint-Michel.
Boeyermans mourut en 1677-1678.