Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BLONDEEL, Lancelot
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BLONDEEL, (Lancelot), peintre d’architecture, de ruines, d’histoire, etc., naquit à Bruges, très-probablement en 1495, ainsi que le disent les vieux auteurs. Blondeel débuta par être maçon, et beaucoup d’écrivains en ont déduit qu’il appartenait à une famille pauvre. Sans condamner cette opinion d’une manière absolue, nous ferons cependant remarquer qu’au XVe siècle, les artisans, surtout ceux qui étaient doués de talent et qui possédaient de l’instruction, composaient la bourgeoisie ; c’étaient eux, ainsi que les détaillants, drapiers, merciers, bouchers, corroyeurs, etc., qui constituaient ces corporations puissantes, ces gildes flamandes qui firent parfois trembler les empereurs et les rois et qui souvent décidèrent du sort de la patrie. Blondeel ne devait certes pas être un maçon ordinaire, un ouvrier obscur ; nous en trouvons la preuve dans le degré d’instruction qu’il possédait. En effet, il était excessivement habile à dresser les plans d’architecture, il les dessinait avec science, avec talent, et c’est en voyant les résultats qu’il obtenait, qu’il eut l’idée de servir du pinceau ; bientôt le succès l’engagea à s’essayer dans plusieurs genres ; à ses vues d’architecture, il joignit l’histoire, le paysage avec ruines, les effets de lumière traduits par des incendies nocturnes, enfin c’est assurément celui de nos vieux peintres qui aborda le plus de genres différents. Il existe des témoignages que, dès 1520, il travaillait pour la ville de Bruges. Mais Blondeel fut non-seulement constructeur et peintre : nommé architecte juré du Franc de Bruges, il donna, en même temps, des preuves de grandes capacités comme ingénieur. Nous parlerons plus loin des traces diverses qu’il laissa du génie dont la nature l’avait doué. En 1530, nous trouvons l’inscription de Lancelot Blondeel, comme maître peintre, dans la corporation de Saint-Luc ; il y remplit successivement plusieurs dignités. L’année de son admission, il fut nommé deuxième vynder (juge conciliateur), et premier vynder en 1537 et en 1556.
La femme du peintre s’appelait Catherine Scriers ; elle lui donna une fille qui épousa Pierre Pourbus. Dans le catalogue de l’Académie de Bruges, dressé par M. James Weale, et qui nous a fourni quelques détails de cette biographie, il est dit : « Notre peintre, qui demeurait dans la rue du Pont Flamand, dans une maison dont l’emplacement est occupé aujourd’hui par la maison marquée E 18-10, décéda le 4 mars 1561, et sa veuve au mois de janvier suivant. Tous les deux furent enterrés au cimetière de Saint-Gilles. »
Il existe à Bruges quelques œuvres de Lancelot Blondeel qui nous permettent d’analyser son talent ; ce qui le caractérise c’est un mélange du vieux et naïf style flamand et de celui de la renaissance italienne, mélange qui produit le plus souvent des effets peu agréables ; les figures sont presque toujours maniérées, le ton des chairs est froid, le sentiment manque de profondeur et d’élévation ; d’autre part, les œuvres de Blondeel sont exécutées avec un pinceau fin et soigne ; des détails d’architecture très-grandioses les accompagnent ; ils sont hardis de dessin, dorés, mais ils témoignent souvent d’une grande bizarrerie d’invention. C’est à lui qu’on fait remonter l’origine de la renaissance dans l’école flamande ; il est, prétend-on, le premier qui se soit écarté de cette naïveté pleine de grandeur, qui fit la gloire de Memlinc et de quelques-uns de ses contemporains. Nous ne prononcerons point dans cette question délicate, qui a été controversée par plusieurs écrivains. L’Académie de Bruges possède de Blondeel un Saint Luc peignant la Vierge, entouré de beaux ornements en style de la renaissance. La tradition fait du saint Luc le portrait du peintre. Le tableau est daté de 1545 et porte le monogramme de Blondeel, les initiales de son nom avec la truelle. Le même sujet, augmenté du personnage de saint Eloi, se trouve à la cathédrale de Saint-Sauveur, et là, comme à l’Académie, le saint Luc rappelle à ce qu’on assure, les traits de l’artiste. Dans l’église de Saint-Jacques, également à Bruges, on voit le Martyre des saints Côme et Damien, un tableau d’autel peint en 1523 pour la corporation des chirurgiens-barbiers ; là les ornements d’architecture en or et noir forment la partie importante de l’œuvre divisée en trois volets ou compartiments. Toute la légende des saints Côme et Damien se déroule en divers épisodes. C’est évidemment le plus important des tableaux de Bruges. D’après M. James Weale, la plupart des figures en sont copiées de Raphaël. Nous ne relevons cette assertion qu’afin de signaler derechef le style évidemment italianisé de Blondeel. L’artiste aurait-il donc visité la Péninsule ? Il ne reste aucune trace de ce voyage ; cependant, il n’est pas impossible qu’il ait eu lieu dans sa jeunesse, car, s’il est vrai que Lancelot est né en 1495, il avait déjà vingt-cinq ans lorsqu’il fut, pour la première fois, employé par la ville de Bruges. Nous avons assez de peine à croire que cette imitation du style italien lui fut inspirée par la vue de gravures ; il y avait, sans doute, à cette époque, celles de Raimondi, mais elles n’étaient pas répandues au point de modifier une école de peinture. Il faut en conclure que Lancelot Blondeel avait subi l’influence d’un maître ou d’un collègue qui avait visité l’Italie, ou qu’il y avait été lui-même.
Enfin Bruges renferme encore, dans la salle de la confrérie de Saint-George, une œuvre du même artiste. C’est un travail divisé en cinq compartiments. Au milieu, saint George à cheval terrassant le dragon, puis quatre parties latérales représentant divers épisodes du martyre du saint.
Deux des tableaux de l’artiste, servant de blasons à la Société de rhétorique, furent offerts à l’Académie en 1699 ; malheureusement l’incendie de 1755 les détruisit.
Berlin possède dans son Musée deux compositions de Blondeel. L’une représente le Dernier jugement, tableau d’autel à volets : sur le volet de droite, le ciel, symbolisé par un beau jardin où sont représentées les sept œuvres de miséricorde ; sur le volet de gauche, l’enfer, où sont punis les sept péchés capitaux. Le second tableau de Berlin a pour sujet la Vierge avec l’enfant, assise sur un trône très-richement orné.
Vasari vante beaucoup le talent avec lequel Blondeel représentait les incendies pendant la nuit ; mais nous ne pouvons vérifier l’exactitide de cette assertion, car il n’existe plus une seule composition de ce genre. L’auteur italien nous dit qu’il tient la plupart de ses renseignements sur les peintres flamands de Jean Stradan ou Stradanus.
En 1550, Lancelot Blondeel, aidé de Jean Schoreel, restaura l’Adoration de l’Agneau des Van Eyck. C’étaient deux hommes de talent, il est donc probable qu’en enlevant l’épaisse couehe de poussière qui avait envahi le chef-d’œuvre, en rendant à celui-ci son brillant éclat, ils respectèrent l’œuvre primitive de l’auteur et exécutèrent leur mission avec une scrupuleuse conscience. On sait qu’elle eut l’approbation des chanoines de Saint-Bavon et que Jean Schoreel reçut, en témoignage de leur satisfaction, une coupe en argent. C’est Lancelot Blondeel qui a fourni les dessins de la célèbre cheminée, ornement principal de la salle où se réunissait autrefois le magistrat du Franc de Bruges. Cette magnifique cheminée a été reproduite des centaines de fois par la gravure.
Comme ingénieur, Blondeel dressa un plan qui, malheureusement, peut-être, ne fut point exécuté : il s’agissait de l’établissement d’un port de mer entre Heyst et Knocke, avec des canaux communiquant directement avec Bruges, Damme et l’Ecluse. Ce plan, soumis au magistrat de Bruges, en 1556, ne fut point adopté ; il est probable que la grandeur des dépenses effraya les tuteurs de la ville.
Lancelot Blondeel a gravé sur bois avec talent ; il existe de lui de grandes figures et une suite de huit planches, avec des paysans dansant, fort bien dessinées. Il mourut en 1560. Un vieux poëte brugeois contemporain, Edouard de Dene, composa pour notre artiste l’épitaphe suivante :
Uijt alle bezwaer.
Delivrée de toute peine.