Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BLOIS, Guillaume DE

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*BLOIS (Guillaume DE), homme de guerre du xvie siècle, né vers 1530, mort en 1594 au château de Zwieten, en Hollande. On suppose qu’il reçut le jour à la Brille, ancienne ville du comté de Zélande, située à l’embouchure de la Meuse, où son père avait rempli les fonctions de gouverneur ou de bailli. 11 faisait volontiers remonter l’origine de son nom aux anciens comtes de Blois, en France, de la maison de Châtillon. Ses biens étaient considérables : il possédait, en Belgique, la magnifique terre de Treslong, celles d’Oudenhoorn, de Greysoort et de Peteghem ; en Hollande, le pays de Stein et les seigneuries de Berenthuysen et de Gabouw. Il avait été page de Maximilien de Bourgogne, marquis de Vere et gouverneur de Zélande, qui l’appuya en toute occasion de son crédit. C’est ainsi qu’en 1556 il fut du voyage de Charles-Quint en Espagne, A son retour, il accompagna, en qualité de secrétaire, l’amiral de Boschuysen en Danemark. Pour lui, comme pour la plupart des gentilshommes de son temps, la diplomatie était un passe-temps, mais la guerre une occupation sérieuse. Il est donc juste que nous mentionnions sa présence à Gravelines et à Saint-Quentin et sa campagne contre les Turcs, sous les drapeaux de la France. Quand la révolution éclata, en 1566, il venait de rentrer dans sa patrie, comme nous le prouve la signature qu’il apposa sur l’acte de confédération des Nobles et sa présence au congrès de Saint-Trond. L’intimité de ses rapports avec Brederode et les autres chefs du mouvement lui eût fait partager le sort de son frère aîné, Jean, décapité en 1568, à Bruxelles, par les ordres du duc d’Albe, s’il n’avait point été hors d’atteinte. Il répondit à la citation du conseil des troubles en se battant bravement pour l’affranchissement national à Heyligherlée et à Jemmingen. A peine remis de graves blessures reçues dans cette dernière affaire, il équipa à ses frais un vaisseau, et s’en alla rejoindre les Gueux de mer. Étant revenu, en 1571, à Emden pour y embrasser sa mère, le comte d’Ost-Frise, dont il était l’un des gentilshommes, le retint plus de trois mois en prison, sous l’accusation de piraterie. Guillaume de Blois s’échappa. Monté à bord de son vaisseau, il voulait rallier au Texel la flotte des Gueux, mais l’état de la mer s’y opposa. Il dut relâcher devant Wieringen. Son navire y fut pris par les glaces. Les Espagnols envoyèrent aussitôt contre lui quatre enseignes de piétons avec de l’artillerie. Il refusa de se rendre, démonta l’un après l’autre les canons ennemis, et, prenant l’offensive à son tour, il chassa devant lui les soldats de Philippe II. Il réussit ensuite à accomplir un autre tour de force : il rompit à coups de canon la glace qui l’enserrait, se fraya un passage et s’éloigna dans la direction de l’Angleterre en saluant de joyeuses clameurs les rivages qui bientôt allaient lui devoir leur affranchissement du joug étranger. Ce fut lui, en effet, qui, en sa qualité de fils de l’ancien gouverneur de la Brille, facilita grandement à ses compagnons d’armes la prise et la conservation de cette place dont la conquête rendit du cœur à tous ceux qui doutaient du succès de la révolution. Le titre de commandant de la ville conquise et de capitaine général de l’île de Voorn lui revenait ; il l’obtint et le conserva jusqu’en 1576. L’amiral de Zélande, Louis de Boisot, étant mort sur ces entrefaites, il devint son successeur. Malheureusement des démarches tentées à diverses reprises pour le ramener sous l’autorité du roi d’Espagne vinrent le compromettre. Il eut beau, après cela, se dévouer à la cause qu’il avait embrassée avec tant d’ardeur, d’odieux soupçons le suivirent à Dunkerque, à Nieuport, à Ostende, et finirent par amener son arrestation, à Middelbourg, en 1585. Aurait-il pu, à ce moment-là, sauver Anvers et délivrer l’Escaut, ou bien ne le voulut-il point ? Cette question n’a pas encore été convenablement élucidée. Nous savons toutefois qu’on lui refusa l’argent qu’il demandait, et que les officiers de la flotte hollandaise déclarèrent folle et téméraire toute entreprise contre le duc de Parme. De quel côté convient-il de faire peser une accusation de trahison et de lâcheté ?

La reine d’Angleterre, qui vit probablement en Guillaume de Blois la victime des plus odieuses machinations, demanda que son procès fût promptement instruit, mais ce ne fut qu’en 1591 qu’un arrêt de la cour de Hollande proclama son innocence. Le titre de lieutenant grand-fauconnier de Hollande, que lui octroya Maurice de Nassau, en 1593, fut le témoignage public de sa réconciliation avec la maison d’Orange. Son fils Gaspard publia, longtemps après sa mort, sa justification sous le titre de : Corte en waerachtighe verantwoordinghe van Jonckheer Jaspar van Bloys gheseit Treslong, teghen de onwaerachtighe ; , valsche en versierde injurien, in druck uytgegeven tot nadeel en oneere van de memorie van Jonckheer Willem van Bloys gheseit Treslong.

Le but de ce tardif écrit était surtout de répondre aux calomnies répandues par le résident français Maurier, dont le principal grief contre la mémoire de l’amiral des Gueux consistait dans la préférence accordée par celui-ci au patronage de la couronne d’Angleterre et dans sa vive amitié pour le comte de Leicester. L’historien Van Meteren fut au nombre de ceux qui réformèrent leur jugement après avoir lu cette justification, mais il n’en est pas moins constant, qu’en pareil cas, un fils est nécessairement partial, et nous ne pouvons que regretter davantage que la biographie de Guillaume de Blois, écrite par O.-Z. van Haren et destinée à l’impression, ait été dévorée par un incendie avec la bibliothèque de ce savant.

C.-A. Rahlenbeck.

J.-W. te Water, Historie van het Verbond en de smeekschriften der nederlandsche Edelen, t. II. — A.-P. van Groningen, Geschiedenis der Watergeusen. — P. Bor, Nederlandsche historien, liv. VIII, IX, XV. XVII, XVIII et XX. — Altmeyer, Revue trimestrielle, vol. XXXVII. — Voir aussi Strada, Hooft, Van Meteren, Wagenaar et Van Reyd.