Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BENING, Simon
BENING (Simon) ou BENINC, latinisé Benichius ; dessinateur à la plume, enlumineur et miniaturiste, fiorissait dans la première moitié du xvie siècle. L’année et le lieu de sa naissance sont incertains ; mais il est probable qu’il naquit à Gand, ou son père, Alexandre Bening, habita, selon toute apparence, de 1468 à 1485, et avait épousé Catherine Vander Goes. Il mourut à Bruges, en 1561. Reçu en 1508 membre et franc maître de la corporation brugeoise de Saint-Luc et Saint-Eloi (métier des peintres, sculpteurs et selliers), Simon Bening quitta bientôt cette ville, y revint en 1512, s’en éloigna de nouveau, jusqu’en 1516, et s’y établit définitivement. En 1519, après la mort de son père, il y acquit les droits et les prérogatives de la bourgeoisie. Il continua néanmoins à se rendre et à séjourner à Gand, à Anvers, à Bruxelles, à Londres, où l’appelaient, sans doute, des commandes et le soin de la vente de ses productions. Il se maria deux fois ; il perdit en 1542 sa première femme, Catherine Stroo, étrangère à la ville de Bruges, et dont il eut cinq filles : Liévine, la miniaturiste ; Alexandrine, marchande d’objets d’art, épouse de Clément Claissens ; Anne, Claire et Barbe. Sa seconde femme, nom inconnu, décéda le 8 mai 1555, sans postérité. Il eut aussi une fille naturelle, Laurence Dullaert, à laquelle il fit donation et legs, par acte du 28 septembre 1554, du quart de sa succession. Ce quart fut fixé, le 6 novembre 1561, d’après l’inventaire, acté en chambre pupillaire, à Bruges, dans les quarante jours du décès, selon la coutume, à la somme de vingt-huit livres et demie de gros de Flandre (trois cent quarante-deux livres parisis ou environ trois mille francs en monnaie actuelle). Il eut à Bruges atelier et apprentis. Une annotation inscrite au livre de la gilde de Saint-Luc et Saint-Eloi mentionne qu’il gratifia la corporation, en 1522, d’une miniature représentant le Christ en croix, pour être placée dans un missel. En retour de ce don. il fut dispensé du payement de la contribution de l’année et de la taxe, payable en cire, de l’un de ses apprentis. Mre Simon Bening fut, en 1524, doyen du métier artistique, et plusieurs fois il fit à la chapelle des gratuités d’argent ; il souscrivit, et pour lui-même, et au nom de chacune de ses deux épouses, des dettes mortuaires.
Simon Bening est cité par Louis Guichardin, dans sa Description de tous les Pays-Bas ; par Georges Vasari, dans ses Vies des peintres ; par Denis Harduin, dans sa nomenclature des écrivains illustres de la Flandre : Elenchus sive Catalogus illustrium scriptorum Flandriæ, où il traite aussi des peintres et des imprimeurs flamands ; par Antoine Sanderus, dans sa Flandre illustrée : Flandria illustrata, rerum brugensium, liber II. Ils parlent de cet artiste avec grand éloge. Denis Harduin dit que ce Brugeois était un excellent peintre en miniature, opérant à l’aquarelle et à l’huile. Le manuscrit de Denis Harduin, écrivain érudit, né et mort à Gand, où il fut échevin de la seigneurie de Saint-Bavon et auditeur militaire, fut laissé dans l’abbaye d’Afflighem par Antoine Sanderus, qui s’en était servi dans les ouvrages qu’il a consacrés aux célébrités littéraires et artistiques de la Flandre. Sanderus a répété et renforcé l’appréciation d’Harduin : « Simon Bening, écrit-il, était un miniaturiste et un peintre renommé ; il avait une fille, Liévine, très-habile dans ces deux spécialités de l’art. » François de Hollande (MS. du xve siècle, cité par Raczynski : Les arts en Portugal, Paris, 1846) s’exprime tout aussi explicitement : « Maître Simon, parmi les Flamands, fut le plus gracieux coloriste, et celui qui fit le mieux les arbres et les lointains. »
Au nombre des productions de Simon Bening est rangée une œuvre capitale, conservée au Musée britannique, à Londres (Add. mss. No 12531). C’est l’Arbre généalogique de la maison souveraine de Portugal, commencé en 1530, par ordre de l’infant Don Fernando, et resté inachevé au décès de ce prince, en 1534. La généalogie est établie sur onze feuilles de parchemin in-folio maximo et comprend une série de miniatures, des plus splendides et des plus parfaites qu’ait produites l’art du miniaturiste au xvie siècle. Les compositions épisodiques sont agencées avec naturel et animation. Les plus remarquables sont : Don Fernando et Don Garcia conversant avec un moine cistérien, avant le tournoi, 5e feuille ; Don Fernando et Don Garcia aux pieds de Don Sancho, confessant la fausseté de l’accusation qu’ils ont portée contre leur mère, 6e feuille ; la défaite d’Abul Hassan, en 1340, 9e feuille. La dixième feuille, inachevée, est une des belles pages de la série : l’admirable figure de Philippine de Portugal est magnifique de coloris ; celles de Jean de Lancastre et de la Duchesse Constance ne sont guère inférieures. La dernière feuille n’est dessinée qu’à la plume ; le trait en est tracé de main expérimentée. Ces précieuses miniatures, dont on peut signaler encore les bordures en arabesques et les motifs architecturaux, sont arrivées au Musée britannique sous le nom de Benninc ; leur authenticité et leur attribution paraissent hors de doute.
Dans un des registres de la chambre des comptes de l’empereur Charles-Quint, volume F., no 222, des archives de Lille, se trouve annoté que « Simon Bering (Bening), enlumineur, demeurant à Bruges, » peignit pour la chancellerie de l’Ordre de la Toison d’Or, à Bruxelles, en miniature et de grande dimension, les portraits du duc de Bourgogne et comte de Flandre Philippe le Bon, fondateur de cette confrérie de chevalerie ; de son fils et successeur Charles le Téméraire ; de l’empereur Maximilien d’Autriche, époux de Marguerite de Bourgogne ; de leur fils Philippe le Beau, roi de Castille, et de Charles-Quint, l’empereur régnant. Les portraits étaient suivis des écussons armoriés de tous les chevaliers créés depuis l’établissement de l’ordre, en 1430, jusques à 1537, au nombre de cent quatre-vingt-quatre. Cette importante commande fut payée à l’artiste, avec ses frais de voyage de Bruges à Bruxelles et ses dépenses de séjour en cette ville, cent soixante-neuf livres de gros de Flandre ou deux mille vingt-huit livres parisis, somme très-considérable pour l’époque.
Mêmes sources que pour Alexandre Bening.