Biographie nationale de Belgique/Tome 12/LUC

◄  Tome 11 Tome 12 Tome 13  ►



LUC, abbé de Mont-Cornillon, près de Liège, s’était voué jeune à la vie monastique dans l’abbaye de Prémontré, qui venait d’être fondée (1121). Lors de la fondation de Floreffe-sur-Sambre, en 1122, il fut un des religieux qui vinrent, avec l’abbé Richard, prendre possession de cette maison. Quelque temps après, Albéron, évêque de Liège, voulant attirer dans sa ville épiscopale les membres de l’ordre naissant, mit à leur disposition la chapelle des Saints-Apôtres, fondée au Mont-Cornillon par son prédécesseur, Otbert, en 1116, en même temps que le prieuré adjacent. Cédant aux instances de l’évêque de Liège, l’abbé Richard envoya Luc prendre la direction de l’établissement nouveau, transformé en abbaye (1124). Luc fut ainsi le premier abbé de Mont-Cornillon, où s’écoula le reste de sa carrière. La maison prospéra sous sa direction : nous voyons, par un acte de 1140, que, dès cette date, une maison de religieux y était annexée, et que les libéralités ne lui faisaient pas défaut (Daris, Notices sur les églises du diocèse de Liège, t. IV, 2e  partie, p. 32). Au reste, la vie de Luc est peu connue. D’après Langius, cité par Hugo, il aurait rendu de grands services aux Liégeois pendant la guerre de Bouillon (1143). Le 4 mai 1143, à sa demande sans doute, le pape Innocent II confirma les biens et les privilèges de Mont-Cornillon, déjà considérables, et prit l’abbaye sous sa protection (Hugo, Ordinis Præmonstratensis Annales, I, p. 243). Nous voyons encore Luc figurer comme témoin, en 1149, dans un acte de Henri de Leyen pour Averbode (Hugo, o. c., probationes, CXXVII ; Wolters, Notice historique sur l’ancienne abbaye d’Averbode, p. 85). En 1160, l’antipape Victor IV donna à Mont-Cornillon un bref confirmant ses privilèges : on en a conclu que Luc avait peut-être accompagné son évêque Henri de Leyen dans le voyage qu’il fit en Italie, en 1160, à la suite de Frédéric Barberousse. La dernière trace que nous ayons de l’existence de Luc est dans une charte de Sifried, doyen de Saint-Servais, de Maestricht, attestant une libéralité faite à l’abbaye de Mont-Cornillon (Daris, o. c., p. 43). Il y est parlé de lui comme d’un vivant, ce qui prouve qu’il a dû atteindre un âge assez avancé. On célébrait son anniversaire dans la communauté, le 24 octobre. Lorsque, en 1287, les moines de Mont-Cornillon quittèrent leur maison pour aller s’établir à Beaurepart, ils emportèrent les cendres d’un grand nombre de personnes enterrées chez eux : il y a lieu de supposer que celles de Luc, leur premier abbé, reçurent les mêmes honneurs. Les écrivains ecclésiastiques vantent les vertus de Luc : sa charité, son humilité, sa vigilance, son zèle pour défendre la cause de Dieu. Il confondit plus d’une fois les hérétiques par ses éloquentes prédications. On dit qu’il avait des révélations, qu’il s’entretenait fréquemment avec les anges, surtout avec son ange gardien ; qu’il fut assisté par eux dans ses derniers jours, et qu’il mourut brillant d’un éclat céleste. Luc était versé aussi dans les lettres profanes, et plus encore dans les lettres sacrées ; il était réputé surtout pour ses travaux d’exégèse. Il avait beaucoup écrit ; on parle de ses commentaires sur saint Mathieu et sur saint Jean, d’un recueil de sermons et de sa correspondance ; mais tous ces écrits sont perdus. Il ne reste sous son nom qu’un seul ouvrage intitulé : Summariola in Aponii Commentaria in cantica ; c’est un résumé du commentaire d’Aponius sur le Cantique des cantiques ; il a été publié à la suite de cet ouvrage dans la Bibliotheca maxima Patrum, t. XVI, p. 128-139. La paternité de cet ouvrage a été attribuée par Tritheim à un abbé Luc de Cornelimünster, dont il n’est d’ailleurs parlé nulle part ; mais Paquot a montré d’une manière péremptoire que Tritheim se trompe, et que le Luc dont il parle est un personnage imaginaire (Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, t. I, p. 634 et suiv.). L’ouvrage de Luc est dédié à Milon, évêque de Térouane.

God. Kurth.

Hugo, o. c., I col. 315 et 316. — Lepaige, Bibliotheca Præmonstratensis, p. 467. — Fisen, Flores ecclesiæ Leodiensis, p. 461. — Paquot, o. c. — Barbier, Histoire de l’abbaye de Floreffe, 2e  édit., t. I, p. 23. — Daris, o. c.