Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BARTHÉLEMY, Antoine

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BARTHÉLEMY (Antoine), avocat et homme politique, naquit à Namur, en 1766, et mourut, frappé d’apoplexie foudroyante, au château de Franc-Waret (province de Namur), le 10 novembre 1832, à l’âge de soixante-six ans. Après de brillantes études faites à l’Université de Louvain, il fut reçu, en 1787, avocat au conseil souverain de Brabant. Ses facultés éminentes le firent bientôt remarquer et le placèrent aux premiers rangs parmi ses confrères, dont le nombre s’élevait au chiffre respectable de quatre cent quarante. Quelques années après, en 1794, à peine âgé de vingt-huit ans, Barthélemy devint échevin de la ville de Bruxelles et prit dès lors une part active à l’administration de cette ville à laquelle il rendit d’immenses services. Au moment où Barthélemy fut élevé à ces fonctions les circonstances étaient difficiles : la Belgique traversait une époque désastreuse. Envahie pour la seconde fois par les armées françaises, après la bataille de Fleurus, elle fut traitée en pays conquis et mise en quelque sorte au pillage. Bruxelles, comme les autres villes du pays, dut subir le maximum, la circulation forcée des assignats, les réquisitions de toute nature. Barthélemy se montra à la hauteur des circonstances, et résista autant qu’il était en son pouvoir à ces mesures illégales, et, certes, il fallait du courage pour tenir tête aux représentants du peuple. L’histoire nous a conservé le souvenir de la manière héroïque avec laquelle, au péril de sa vie, Barthélemy parvint à éviter une contribution de cinq millions mise sur la ville de Bruxelles. Le fait est trop honorable pour ne pas être rapporté.

Une première contribution de cinq millions avait été payée par la ville et le payement en avait été exigé avec une rigueur odieuse. Les représentants du peuple, abusant de leur pouvoir suprême, décrétèrent une nouvelle contribution de cinq millions. Le magistrat de Bruxelles refusa de publier et d’exécuter cet arrêté. Barthélemy, à la tête d’une députation, alla rendre compte des motifs de ce refus. Après une discussion violente de plus de deux heures, les représentants du peuple furieux s’écrièrent : « Savez-vous qu’il y va de votre tête ! » — « Il en jaillira du sang et non de l’or ! » répondit froidement Barthélemy. Cette superbe réponse frappa les représentants et la contribution ne fut pas exigée.

Après les événements de 1795, Barthélemy fut exclu par le gouvernement du conseil municipal : il n’y rentra que le 10 novembre 1807, par décret impérial. Cependant, dans cet intervalle, il ne cessa de s’occuper des affaires et surtout des finances de la ville. Aussi, à peine rentré en fonctions, il fut chargé du travail très-délicat et très-difficile de la liquidation des dettes de Bruxelles. La manière distinguée dont il s’acquitta de cette mission lui valut un témoignage de reconnaissance de la part de la ville. Les services importants qu’il rendit à Bruxelles sont relatés dans la notice biographique que lui a consacrée son petit-fils, M. Jules Gendebien, avocat à la cour d’appel de Bruxelles. C’est à cette notice que nous empruntons tous les éléments de la nôtre. En 1822, Barthélemy fut nommé receveur des hospices de Bruxelles, et une dispense lui fut octroyée par le roi Guillaume, pour pouvoir rester, malgré ces fonctions, membre de la régence. Cette dispense avait été sollicitée par le conseil de régence lui-même.

En 1815, Barthélémy fut un des fondateurs du premier journal belge libre, L’Observateur, auquel il donna de nombreux articles.

Au milieu de ces travaux administratifs, Barthélemy continuait à exercer avec honneur sa profession d’avocat : il fut, en 1820, l’un des signataires d’une consultation donnée en faveur d’un publiciste belge, le sieur Vanderstraeten, poursuivi pour avoir écrit une brochure sur la marche générale des affaires et du gouvernement des Pays-Bas. Les sept avocats qui signèrent cette consultation furent eux-mêmes l’objet de poursuites et subirent un emprisonnement préventif de quelques semaines[1].

En 1821, Barthélemy, qui, depuis plusieurs années, était membre du conseil provincial du Brabant, fut élu membre de la seconde chambre des états généraux. Ses connaissances variées, son mérite supérieur lui firent tout d’abord acquérir une grande influence dans cette assemblée : il fut à plusieurs reprises nommé rapporteur du budget.

Quand vint la révolution de 1830, Barthélemy eut sa place marquée dans cette assemblée à jamais mémorable qui dota la Belgique de la Constitution si sage et si libérale qui a fait notre prospérité et notre bonheur depuis cette époque. Envoyé au Congrès par la ville de Bruxelles, Barthélemy fit partie de la députation qui alla offrir au duc de Nemours la couronne de Belgique. Peu après, il fit, comme ministre de la justice, partie du second ministère du régent. C’est pendant qu’il remplissait ces fonctions qu’eut lieu l’avénement du roi Léopold Ier, le 21 juillet 1831. Barthélemy a donc été le premier ministre de la justice sous notre régime constitutionnel.

Il mourut au château de Franc-Waret, entouré des soins d’une noble famille dont le chef (le marquis de Croix), proscrit émigré, condamné à mort aux jours néfastes de la révolution française, avait trouvé un asile sur et dévoué dans la demeure de Barthélemy.

« Il avait, dit son biographe, une intelligence sûre, une prodigieuse facilité qui se jouait des travaux les plus ardus, une singulière aptitude pour les questions financières, une élocution facile et élégante et le talent d’écrire. À ces qualités, que les diverses circonstances au milieu desquelles il s’est trouvé et les postes importants qu’il a remplis lui ont permis de développer dans tout leur éclat, il joignait une aménité de formes et de caractère, une bonhomie spirituelle dont le souvenir n’est pas encore entièrement éteint, et une fermeté d’esprit, une intrépidité de cœur dont, à diverses époques de sa carrière, il a su donner des preuves éclatantes. »

C’est pour honorer sa mémoire que l’un des boulevards de Bruxelles porte le nom de Boulevard Barthélemy.

Nous connaissons de cet homme remarquable les publications suivantes : 1o Exposé succinct de l’état des Pays-Bas, depuis le xve siècle jusqu’au traité de paix de Paris, le 30 mai 1814, etc. Bruxelles, 1814 ; in-8o, 97 pp. — 2o Des gouvernements passés et du gouvernement à créer, suite de l’exposé succinct, etc., par B. Bruxelles, Stapleaux, 1815 ; in-8o, 76 pp. — 3o Mémoire sur l’établissement d’une communication entre Bruxelles et Charleroi, au moyen d’un canal de petite dimension, etc. Bruxelles, 1817. L’activité de Barthélemy aida puissamment à faire décider l’exécution de ce canal. Il posa, en 1826, la première pierre du canal souterrain, et quelques mois avant sa mort, en 1832, il en fit l’ouverture solennelle. — 4o Dissertation sur l’ancien et le nouveau système hypothécaire. Bruxelles, Tarte, 1806 ; in-8o, 99 pp. — 5o Réflexions d’un vieux théologien, ancien licencié en droit canon à l’Université de Louvain, sur les discussions de la seconde chambre des états généraux, dans les séances des 13, 14 et 15 décembre 1825. Bruxelles, 1826 ; in-8o, 27 pp.

J. Delecourt.

J. Gendebien, Notice sur Barthélemy.


  1. Cet épisode du règne de Guillaume Ier a été retracé d’une manière complète dans la Belgique judiciaire, t. XIII, p. 1425.