Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAILLET-LATOUR, Charles-Antoine-Maximilien-Joseph comte DE

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BAILLET-LATOUR, Charles-Antoine-Maximilien-Joseph comte DE



BAILLET-LATOUR (Charles-Antoine-Maximilien-Joseph comte DE), feldmaréchal des armées impériales, conseiller intime et chambellan de Sa Majesté, président du conseil aulique de guerre, grand’croix de l’ordre de Marie-Thérèse, etc., etc., naquit le 14 décembre 1737, au château de Latour, dans le Luxembourg et mourut à Vienne le 22 juillet 1806. Le comte de Baillet débuta dans la carrière des armes à l’âge de 18 ans. Ayant été admis au régiment de Salm-Salm en qualité d’enseigne(1755), il conquit le grade de capitaine par la bravoure qu’il déploya à la bataille de Collin (1757). Il obtint successivement les patentes de major en 1767, de lieutenant-colonel en 1769, de colonel en 1772. En 1777, il fut investi du commandement d’un corps à Wieliczka, aux confins de la Pologne, mission qu’il accomplit avec tant de distinction que l’empereur Joseph II lui en témoigna sa satisfaction par une lettre autographe. Nommé général en 1782, il exerçait les fonctions de ce grade dans la Carinthie, lorsque, en 1787, il fut subitement appelé dans les Pays-Bas, où se manifestaient déjà les premiers symptômes de la révolution brabançonne. L’empereur l’éleva, à cette époque, à la dignité de maréchal de la diète des états de Luxembourg. Lorsque le développement de la révolution qui avait éclaté dans la Belgique contraignit les garnisons impériales à se retirer dans le Luxembourg, seule province qui ne se fût pas associée au mouvement insurrectionnel des autres parties du pays, le comte de Baillet fut chargé du commandement provisoire des troupes jusqu’à l’arrivée des renforts, qui étaient attendus des États héréditaires. Le tact, la prudence et la fermeté que le comte de Baillet déploya dans ce commandement difficile lui valurent, outre le grade de feld-maréchal-lieutenant (1790), la propriété du régiment de cavalerie belge qui, sous le nom de dragons de Latour, se montra si souvent redoutable aux ennemis et se couvrit d’une gloire immortelle.

Pendant les combats multipliés que se livrèrent les patriotes belges et les troupes impériales, combats qui aboutirent, en moins d’une année, au rétablissement des autorités autrichiennes en Belgique, le comte de Baillet défendit énergiquement la ligne de la Meuse, entre Givet et Namur. Il fit évacuer le Limbourg, s’empara de la citadelle de Namur, puis de Mons, enfin il amena la soumission de Gand, de Bruges, d’Ostende et conserva le commandement de la Flandre jusqu’au début de la révolution française.

Appelé au commandement de l’aile droite de l’armée du duc de Saxe Teschen, qui devait protéger les provinces belgiques, dont il exerçait le gouvernement général, contre les agressions des républicains français, le comte de Baillet défendit victorieusement ses positions, puis prenant hardiment l’offensive, il s’empara de Lannoy, d’Orchies, de Saint-Amand, dont il fit les garnisons prisonnières. Il tint le général Dumouriez en échec, pendant trois mois, dans son camp retranché de Maulde, le chassa enfin de cette position, le poursuivit sans relâche et s’empara de tous ses magasins. Il assista ensuite au bombardement de Lille et, après la levée du siège, il défendit la Flandre jusqu’à ce que la perte de la bataille de Jemmapes obligeât l’armée autrichienne à opérer sa retraite derrière la Roer.

Lorsque, en 1793, le prince de Cobourg reprit l’offensive contre les Français, le comte de Baillet eut pour mission de couvrir le flanc droit de l’armée impériale ; il prit Stephanswert, s’avança jusqu’à Ruremonde, battit le général français La Mortière, s’empara de la ville et des magasins considérables qu’elle renfermait, traversa audacieusement la Meuse et poussa ses opérations jusqu’à Reichen. Alors il reçut du prince de Cobourg l’ordre de se mettre à la tête du corps d’armée qui avait été assemblé à Liége : il devait protéger le flanc gauche de la grande armée et chasser l’ennemi de Namur. Il exécuta ce programme de point en point : après avoir repoussé les républicains de Huy, il culbuta partout l’ennemi, lui coupa toute communication avec l’armée de Dumouriez et entra dans Namur. Les Français furent poursuivis jusqu’à Charleroi et durent renoncer à la ligne de la Sambre et de la Meuse.

Après ces succès, le comte de Baillet pénétra dans le Hainaut français, s’avança jusqu’à Maubeuge et, par l’habileté de ses manœuvres, parvint à maintenir l’ennemi en échec pendant les opérations de l’armée principale, qui assiégeait Condé et Valenciennes ; enfin il mit le blocus devant Maestricht.

L’année suivante, ayant reçu le commandement des troupes impériales de l’armée austro-hollandaise du prince d’Orange, il attaqua le camp retranché de Landrecies. Malgré la défense opiniâtre des Français, il emporta cette position sous les yeux de l’Empereur et commença le siége de la place, qui fut forcée de capituler au bout de dix jours. Sept mille prisonniers, soixante-dix-huit pièces d’artillerie et des approvisionnements considérables furent les trophées de cette victoire.

Le chef des troupes républicaines crut devoir venger la prise de Landrecies sur les propriétés du vainqueur : il fit incendier le château de Latour. Le comte de Baillet se vengea à son tour, mais plus noblement : il offrit au comte de Kaunitz, qui avait été refoulé de Thuin et de Merbes-le-Château jusqu’à Rouvroy, d’attaquer l’ennemi et il remporta sur l’armée française, qu’il rejeta de l’autre côté de la Sambre, une victoire éclatante qui eut pour conséquence importante de sauver Mons et d’empêcher le général Jourdan de séparer les deux ailes de l’armée impériale. Peu de temps après, il attaqua les Français à Forchies-Lamarche et Fontaine-l’Évêque, les défit et, grâce à ses manœuvres habiles, délivra Charleroi. Mais l’ennemi ayant reçu des renforts, reprit l’offensive et assiégea de nouveau cette place. Le comte de Baillet attaqua les villages d’Oignies et d’Heppignies, força tous les retranchements des républicains, s’y maintint avec opiniâtreté et amena de nouveau la délivrance de Charleroi. Il couvrit ensuite la retraite de l’armée du prince d’Orange : sa vigilance, son activité et son énergie assurèrent le succès de cette opération dangereuse.

Le comte de Baillet reçut ensuite le commandement d’un corps détaché dans les environs de Liége, afin de protéger les convois d’approvisionnements destinés à la forteresse de Luxembourg.

Pendant l’année 1795, il fut investi successivement du commandement d’un corps posté entre le Mein et le Necker, puis de celui de l’armée stationnée sur le Haut-Rhin. Il passa ce fleuve avec quatorze bataillons et quarante escadrons, seconda les opérations du général Clerfayt sur le Pfrim et s’empara de Frankenthal par une de ces résolutions audacieuses qui trouvent leur excuse dans le succès et qui révèlent chez ceux qui les conçoivent une grande énergie de caractère.

Après ce coup hardi, le comte de Baillet défendit héroïquement Frankenthal contre les attaques du général Pichegru, chassa les républicains de la position d’Oggersheim qu’ils occupaient en force, les poursuivit jusqu’à la Queich, occupa Spire et fit lever le siége de Manheim.

Les services éminents du comte de Baillet, pendant la campagne de 1795, furent récompensés par le grade de général d’artillerie et la grand’croix de l’ordre illustre de Marie-Thérèse.

Après avoir remplacé provisoirement le général Wurmser dans le commandement de l’armée du Haut-Rhin, le comte de Baillet fut chargé de couvrir le Lech et le Tyrol avec un corps de vingt bataillons et trente escadrons ; malgré l’infériorité numérique des forces qu’il put opposer à l’armée du général Moreau, sur l’immense frontière du Tyrol au Danube, il parvint à contenir l’ennemi, puis il reprit l’offensive, grâce aux succès que l’archiduc Charles avait remportés à Amberg et à Wurtzbourg, poussa les Français jusqu’à Ulm et termina la campagne par le siége et la prise de la forteresse de Kehl, que défendit vaillamment une nombreuse garnison appuyée par toute l’armée du général Moreau.

Après la signature du traité de Campo-Formio, le comte de Baillet fut nommé plénipotentiaire pour l’Autriche au congrès de Rastadt. Il exerça ensuite, pendant six années, le commandement en chef dans le margraviat de Moravie et dans la Silésie autrichienne ; enfin il fut appelé à la dignité de président du conseil aulique de guerre. C’est dans ce poste éminent qu’il mourut, après une glorieuse carrière de plus de cinquante années de service. Il fut enterré dans le cimetière militaire de Vienne.

Le comte de Baillet avait une âme élevée, une loyauté incorruptible et le sentiment le plus rigide de ses devoirs ; d’une activité infatigable, doué d’un courage et d’un sang-froid qu’il avait l’art de communiquer à ceux qu’il commandait, il obtenait de ses troupes les plus grands efforts d’héroïsme ; ses vertus privées, non moins que ses talents militaires, l’avaient fait classer parmi les hommes les plus distingués de son temps. L’un de ses fils, le comte Théodore de Baillet-Latour, né à Linz, en 1780, conseiller privé et chambellan de l’empereur d’Autriche, feld-maréchal et ministre de la guerre, l’une des illustrations de l’empire d’Autriche, fut lâchement assassiné à Vienne, pendant les événements du mois d’octobre 1848.

Le général Guillaume.

Soudain de Niederwerth, dans Les Belges illustres. — Jomini, Histoire critique et militaire des guerres de la révolution. — Guillaume, Histoire des régiments nationaux. — Neyen, Biographie luxembourgeoise.