Biographie nationale de Belgique/Tome 1/AUFFAY, Jean D’

◄  - Tome 1 Tome 2  ►



*AUFFAY (Jean D’) ou DAUFFAY, né à Béthune, fut maître des requêtes au grand conseil de la duchesse Marie de Bourgogne. Ce conseil, fixé à Malines par Charles le Téméraire (1473), avait été rendu ambulant par sa fille. A dater de 1477, il devait se réunir dans la ville où siégeait la duchesse. Le Jean Offuys qui figure parmi les huit commissaires choisis par le gouvernement ducal pour juger, conjointement avec les autorités de la commune de Gand, messires d’Hugonet, d’Himbercourt (voir ces noms) et le protonotaire de Clugny, paraît n’être autre que Jean d’Auffay. La précieuse cédule du 28 mars 1476, qui contient ce nom, ne lui donne point la qualité de monseigneur et ne le range point au nombre des chevaliers. Un pareil choix indique que d’Auffay n’était pas mal en cour, et qu’il n’inspirait cependant aucune défiance aux partisans des priviléges populaires et de la nationalité flamande.

Aux importantes négociations dont il fut chargé dans la suite, on voit qu’il sut mériter par sa science juridique et son fidèle dévouement la confiance dont l’avaient honoré ses maîtres. L’histoire le mentionne parmi les hauts mandataires qui signèrent, le 27 août 1480, une trêve entre le duc Maximilien et le roi Louis XI, vet qui entamèrent aussitôt des négociations laborieuses en vue d’une paix définitive. C’est sans doute à cette époque que Jean d’Auffay composa le mémoire assez volumineux qui nous est resté de lui, pour soutenir les droits de Marie de Bourgogne et de son époux Maximilien « aux duchez de Bourgongne, comtez d’Artois, Bourgongne, Boulogne, Gruisnes, villes et châtellenies de Lille, Douay et Orchies avec les appartenances, etc. » Jean d’Auffay avait été spécialement choisi pour écrire cette justification. Louis XI jugea le plaidoyer digne d’une réplique, et il en chargea son procureur général, Jean de Saint-Romain. Le manuscrit original de Jean d’Auffay repose à la Bibliothèque impériale de Paris. On y voit, dans une miniature allégorique, Marie de Bourgogne défendant sa cause devant son implacable adversaire. La réponse se trouve à Lille : publiée, tandis que l’écrit justificatif de Jean d’Auffay figure dans le Codex juris gentium diplomaticus, édité par Leibnitz en 1693 ; mais l’illustre éditeur enlève l’œuvre à son véritable auteur pour l’attribuer au chancelier de Bourgogne. Il prend aussi avec le texte certaines libertés que ne se permettrait plus la critique allemande contemporaine, si scrupuleuse en son exactitude. Les manuscrits du mémoire de d’Auffay sont fort nombreux. On en trouve un à la Haye, un à Lille, un à Amiens, deux à Arras, dont l’un est une copie de l’époque ; un à Florence, dans lequel l’auteur est appelé seigneur de Lambres ; un enfin à Gand, lequel paraît correct, quoique d’une écriture assez récente (xviiie siècle). En voici le début : « Pour obéir à ceulx qui sur moy ont autorité et puissance de commander, j’ai en mon rude, inepte et mal aorné (Leibnitz imprime : ordonné) langaige maternel mémorié et » recueillit par escrit ce qu’en diverses journées, assemblées, parlemens et communications des gens et ambassadeurs du roy de France, etc. »

Il proteste, plus loin, de sa bonne foi et de sa véracité en termes qui dénotent une nature franche et honnête, pleine de simplicité et de modestie. « J’expose, dit-il, ce que j’en ai trouvé au vray, sans y avoir adjouté, posé ou escript chose gisant en fait que ne l’aye trouvée par enseignement si authentique que je m’en tiens bien pour apaisé ; et requiers que se je dis rien ou reprens aucuns points trop aigrement (au jugement des gens du roy) ou trop laschement (au jugement du Conseil de mesdits sr et dame), qu’il me soit pardonné. Car, nageant entre deux, j’ai labouré et se je n’y ai sceu parvenir, c’est mon ignorance, etc. »

Il fait lui-même ensuite l’analyse de son travail, divisé en deux parties principales. « En la première, dit-il, je déduiray le droit universel possessoire à ma très-redoutée dame (lors damoiselle) escheu par le trespas de feu monsgr le duc Charles, son père, que Dieu absoille. En la seconde partie, qui sera la plus grande et contiendra autant de parcelles (paroles, imprime Leibnitz) que de pays dont poeult estre question, je monstreray particulièrement le droit que madite dame en seigneurie et propriété a en chascun desdits pays, villes, terres et sgries : respondant aux objections que font au contraire les gens du Roy. »

On voit que d’Auffay fut l’un des champions de notre nationalité, au milieu des grands périls que lui faisait courir, au xve siècle, l’ambition du roi de France. À ce titre, il ne saurait être indifférent aux Belges du xixe siècle.

F. Hennebert.

J. de Saint-Genois, Procès contre Hugonet et Himbercourt (Bulletins de l’Académie de Belgique, année 1839). — Kervyn, Histoire de Flandre. — Bulletins de la Commission royale d’histoire, t. VII, p. 9. — Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Tournai. — Manuscrits de la Bibliothèque de Gand (n° 37 du catalogue). — Leibnitz, Codex diplomaticus, 2e partie.