Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ALEXANDRE, Pierre

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ALEXANDRE (Pierre) théologien protestant, né à Bruxelles, vers 1510, de parents patriciens, mort dans l’exil à Londres et, très-probablement, lors de l’épidémie de 1563. Ayant fait profession aux Carmes d’Arras, il en devint bientôt le prédicateur le plus connu, fixa sur lui l’attention et fut appelé à remplir auprès de la reine Marie de Hongrie, sœur de Charles-Quint et gouvernante des Pays-Bas, les fonctions de chapelain. Sa conversion au protestantisme date de là. Peut-être a-t-elle été, en partie du moins, l’œuvre de cette princesse, qui lisait la Bible et à laquelle Luther avait dédié, en 1526, après la mort de son époux, quatre psaumes consolatoires. Ce qui nous semble donner quelque poids à cette supposition, est qu’en 1543, lorsque fut lancée contre Alexandre une accusation d’hérésie, sa noble pénitente ne l’abandonna point. Son crédit empêcha même les inquisiteurs de le tenir en prison pendant l’instruction de son procès : ce fut son salut. Il se sauva de Bruxelles au mois de novembre 1544, au moment où il jugea sa vie sérieusement menacée. L’empereur Charles-Quint en éprouva, dit-on, un si grand dépit qu’il s’écria : « Je jure d’être désormais sans pitié pour un luthérien comme pour un traître. » On sait s’il se tint parole ! Alexandre se rendit en Allemagne et devint l’un des professeurs de l’école latine de Heidelberg, que d’autres de nos compatriotes devaient plus tard illustrer. Les services qu’il rendit en ce lieu à la cause qu’il avait embrassée sont incontestables. Il voyait l’électeur palatin dans l’intimité, et il était parvenu à lui faire partager ses vues. Calvin en était instruit comme nous le prouve une lettre de lui du mois d’avril 1546, adressée à Jacques de Bourgogne, sire de Falais et de Bredam : « Je ne m’esbahis point, y est-il dit, si maistre Pierre Alexandre est hardy, ayant le menton ainsi soubstenu, avec ce qu’on est accoustumé à Heidelberg d’ouïr ceste doctrine desjà de longtemps. Mesmes il sçait qu’il n’a aultre moyen pour s’advancer. Ainsi ce n’est pas merveille s’il en use hors de tout péril. Mais je vois bien qu’il n’est pas homme trop suffisant, et ne fust que par ses conclusions. Qui pis est, il y a une lourde faulte en ce qu’il dit le jurement estre défendu de Dieu avec un blasphème en ce qu’il attribue autorité à saint Paul de permettre ce qui a esté deffendu de son maistre ; mais ce sont là résolutions magistrales. » En 1549, nous retrouvons Alexandre en Angleterre. Il doit à l’archevêque Cranmer sa nomination de pasteur d’une communauté de protestants wallons qui s’était formée à Londres. Cependant les persécutions qui éclatèrent en 1555, aussitôt après l’avénement au trône de Marie Tudor, rejetèrent sur le continent tous les émigrés. Alexandre se rendit avec quelques-uns d’entre eux à Strasbourg, où il succéda dans le ministère à Jean Garnier, menacé d’un procès criminel par les ultra luthériens. Il fut aussi persécuté, déposé de ses fonctions pastorales, et obligé de revenir à Londres après cinq ans d’absence. Pierre Martyr nous prend, dans une lettre qu’il écrit à Jean Van Utenhove, de Gand, réfugié à Emden, qu’Alexandre avait déjà abandonné alors sa doctrine légèrement entachée d’anabaptisme pour se rapprocher de Calvin, ce qui nous est confirmé par ce fait qu’en 1562, il signa avec les autres pasteurs réformés de Londres la confession de foi des Églises belges. Nous n’avons pu nous procurer la date exacte de son décès. Les registres de l’Église wallone de Londres disent seulement qu’en 1563, maître Jean Cousin lui avait succédé. Sa sentence d’excommunication prononcée à Bruxelles le 2 janvier 1545, nous livre un dernier renseignement bon à noter. Il y est dit que « trois livres de sermons, dont deux en latin et en français, composés par lui et reconnus par lui en jugement » seront livrés aux flammes dans l’église de Sainte-Gudule avec quelques autres écrits pernicieux qui avaient été trouvés dans sa maison. C’est sans doute à ces sermonnaires, très-probablement manuscrits, que Hofman et après lui Joecher font allusion en disant qu’il laissa plusieurs écrits théologiques.

C. A. Rahlenbeek.

W. Te water, Tweede Eeuwgetyde van de Geloofsbelydenisse, enz. Middel., 1762. — J. Bonnet, Lettres de J. Calvin, t. Ier. — Gerdesii Scrinium antiquarium, t. III et IV. — C. A. Campan, Mémoires de F. Enzinas, t. III, Bruxelles, 1863. — Trigland, Kerkelyke Geschiedenis, t. I. — Hofmanni Lexicon universale. — Joecher’s Gelehrten Lexicon, t. III.