Biographie nationale de Belgique/Tome 1/AIGUILLON, François D’

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AIGUILLON (François D’), mathématicien, architecte, physicien, né à Bruxelles en 1566, mort à Anvers, le 20 mars 1617. Il appartenait à une famille distinguée. Son père, Pierre d’Aiguillon, avait été secrétaire de Philippe II, ce qui fait supposer qu’il jouissait de quelque considération. Voué de bonne heure à la carrière religieuse, le jeune François reçut, dès l’âge de dix ans, la tonsure, que lui donna le cardinal de Granvelle. En 1586, après avoir fini ses humanités, il se présenta pour être admis dans l’ordre des Jésuites. Le provincial, François Costerus, l’envoya à Tournai, où il fit son noviciat. Lorsqu’il eut prononcé ses vœux, le 15 septembre 1588, ses supérieurs le destinèrent à l’enseignement, et il professa la syntaxe et la logique ; puis ayant reçu la prêtrise à Ypres, en 1596, il fut chargé d’enseigner la théologie à Anvers.

C’est alors que commence vraiment la carrière scientifique de d’Aiguillon. Les jésuites avaient résolu d’introduire l’étude des sciences exactes dans leur établissement d’Anvers, et c’est lui qui fut chargé d’organiser cet enseignement. Il projeta, à cette occasion, la composition d’un grand traité d’optique, dans lequel il voulait rassembler tout ce que l’on connaissait de son temps sur cette branche de la science. D’après ce qu’il dit lui-même, l’ouvrage était divisé en trois parties, selon les trois manières dont l’œil perçoit les objets : 1o directement, 2o par réflexion sur des corps polis, 3o par réfraction à travers des corps transparents. Six livres devaient traiter de la première partie, l’optique proprement dite ; quatre livres, de la seconde partie ou catoptrique ; et les suivants, de la dioptrique et en particulier de cet instrument nouveau, la lunette astronomique, qui permet de voir des objets situés à des distances considérables[1]. Un dernier livre traitait des phénomènes lumineux, tels qu’arcs-en-ciel, halos, parhélies, etc.

Ce travail devait former deux volumes, mais la mort a surpris l’auteur avant qu’il eût pu le terminer. Un seul volume a été imprimé ; il renferme l’optique proprement dite sous ce titre : Francisci Aguilonii e Societate Jesu opticorum libri sex, philosophis juxta ac mathematicis utiles. Antverpiæ, ex officina Plantiniana, MDCXIII. Le premier livre, qui est une espèce d’introduction, traite de la nature des objets et de celle de l’œil ; le deuxième traite des propriétés et des caractères principaux des rayons optiques ; le troisième, de la figure des corps, de leur grandeur, de leur distance, de leur état de mouvement ou de repos ; le quatrième, des apparences trompeuses que peuvent faire naître les objets par suite de leur distance, d’un mouvement rapide, etc. ; le cinquième traite de la nature des corps lumineux et opaques et des ombres ; le sixième enfin traite des trois genres de projections, orthographique, stéréographique et scénographique. Il est connu que c’est d’Aiguillon qui a donné au second genre le nom de projection stéréographique adopté depuis par tous les auteurs.

Ces diverses parties sont traitées avec talent pour l’époque ; mais l’auteur paraît avoir développé avec prédilection la sixième, qui forme plus du tiers du volume. Après avoir exposé la nature et les propriétés des trois systèmes de projection, il en donne des applications nombreuses à la cosmographie, à la géographie, etc. Ce traité des projections peut encore aujourd’hui être lu avec avantage.

Il paraît que d’Aiguillon possédait des connaissances variées. Plusieurs auteurs lui attribuent les plans de la célèbre église des Jésuites à Anvers, qui passait pour une des plus belles et des plus riches qui existassent. Elle a malheureusement été incendiée[2] par la foudre en 1718.

D’Aiguillon avait été nommé recteur de la société des Jésuites à Anvers. Ses supérieurs lui donnèrent pour aide Grégoire de Saint-Vincent (voir ce nom), géomètre de premier ordre, mais qui alors était encore très-jeune. Il est probable que le voisinage de d’Aiguillon n’aura pas été sans influence sur la carrière de ce savant.

Ern. Quetelet.

Moreri, Dictionnaire historique. Basle, 1731. — De Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus. Liége, 1859. — Goethals, Histoire des Lettres, des Sciences et des Arts. Bruxelles, 1840. — Chasles, Aperçu historique sur l’origine et le développement des méthodes en géométrie. Bruxelles, 1837. — Ad. Quetelet. Histoire des Sciences mathématiques chez les Belges. Bruxelles, 1864.


  1. Hinc omne construemus Dioptrarum genus, illudque prœcipuè nuper inventum, quo res immani intervallo distantes, atque adeò extra aspectus vim constitutas, velut intra prœfinitos naturœ terminos positas, ipsisque prope modum oculis cohœrentes videmur intueri. Plane ut argonautam illum qui ob intuitus perspicuitatem Lyncei cognomen accepit, orbi restitutum esse possis suspicari.
  2. ERRATA ET RECTIFICATIONS DU Ier VOLUME : après le mot : incendiée, ajoutez : en partie.