Chansons et chansonniers, Texte établi par Henri AvenelC. Marpon (p. 206-207).
Air : Nos aïeux connaissaient à peine

Quand mes yeux virent la lumière,
Par un pâle soleil d’avril,

Un petit lutin débonnaire
Me récréait de son babil.
D’une voix forte et glapissante,
Je criais à guérir les sourds,
Et le sylphe me disait : « Chante,
» Bon courage ! etchante toujours. »
Plus tard, pour m’assouplir le crâne,
En classe on m’offrit quelques mois
De la science en bonnet d’âne,
De la morale sur les doigts ;
Avec moi la secte savante
Perdait son temps et ses discours,
Et le sylphe me disait : « Chante,
» Bon courage ! et chante toujours. »
A l’époque où le cœur s’engage,
Entre nous, j’étais assez laid.
Et la fille la moins sauvage
Semblait m’écouter à regret ;
J’ignorais la langue brûlante
Qui sert d’interprète aux amours.
Et le sylphe me disait : « Chante,
» Bon coui’age ! et chante toujours. »
Un beau jour, la gloire étonnée
Me trouva dans un régiment,
Où je sus, en moins d’une année,
Tuer un homme proprement :
Chétif, et la jambe traînante.
Je marchais au bruit des tambours.
Et le sylphe me disait : « Chante,
» Bon courage ! etchante toujours ! »
Depuis, en poussant mon alêne.
Je me disais : « Suis-je certain
» D’avoir gagné, dans ma semaine,
» Assez pour acheter du pain ? »