Pierre Glemet


Pierre Glemet était un des principaux négociants de Québec. Il faisait un commerce d’importation assez étendu et possédait plusieurs bâtiments de mer. L’une de ses goélettes portait le nom de Reine du Nord.[1]

Les registres paroissiaux de Québec ne font aucune mention de Pierre Glemet ; ce qui nous fait supposer qu’il était protestant.

Glemet s’occupa du commerce et de la traite sur la côte Nord. Nous voyons par un jugement de MM. Duquesne et Bigot du 25 septembre 1754 qu’il était fermier du poste de la baie de Phelippeaux et dépendances, conjointement avec François-Joseph de Vienne.[2]

Dans le Mémoire de Bigot, on lit :

« Aux mois de janvier et février 1756, le garde-magasin de Québec avait acheté chez le sieur de la Malétie, négociant à Québec, des marchandises nécessaires pour le service, à raison de 80 pour cent de bénéfice. Il vint se plaindre au sieur Bigot de ce que le sieur Glemet, autre négociant à Québec, lui en refusait au même prix. Le sieur Bigot manda le sieur Glemet et lui donna ordre de livrer au magasin les marchandises qu’on lui demandait sur le pied du même bénéfice de 80 pour cent. »[3]

Glemet, il semble, était joliment glouton. Un bénéfice de quatre-vingt pour cent est un bon profit pour un marchand. En tout cas, Glemet se remit vite de son indisposition contre Bigot car il devint un des fournisseurs les plus favorisés des magasins du Roi. Il faut croire qu’on finit par lui accorder des bénéfices bien supérieurs à quatre-vingt pour cent.

Quand vint la débâcle, Glemet fit comme les autres protégés de Bigot et lui tourna le dos. En 1763, il traversa même les mers pour aller témoigner contre lui devant le Châtelet de Paris. Glemet n’avait pas digéré la concurrence déloyale que la Friponne avait faite à tous les magasins de Québec.

Le sieur Glemet, pendant son séjour à Paris pour témoigner devant le Châtelet, eut une aventure qui nous est révélée par un rapport de police. Le 11 novembre 1763, un inspecteur de police de la capitale écrivait à son chef :

« M. Glemet, négociant du Canada, qui est venu à, ce qu’il dit, à Paris, à cause de l’affaire des Canadiens, est depuis quelque temps amoureux de la nommée Dervieux, soi-disant mariée avec le nommé Dervieux, intendant du marquis Tricart, demeurant près les Petites Maisons, rue de Sèvres fort complaisant de toutes façons, car il laisse à sa prétendue femme toute la commodité, le long de la journée, d’augmenter son mobilier. Il se trouve content pourvu qu’elle ne retienne personne à coucher et que le souper soit prêt et bon lorsqu’il rentre le soir au gîte. Cette Dervieux n’est plus de la première jeunesse, mais est encore bien de figure. Elle a une petite fille âgée de 10 ans, à laquelle elle donne toutes sortes de talents et qui danse déjà très bien. Elle la destine pour le théâtre et elle a été du nombre de celles qui ont été nommées pour le voyage de Fontaineblau actuel. Cet enfant est fort aimable et sera un jour un bâton de vieillesse pour la mère. En attendant, M. Glemet paie les mois de tous ses maîtres et fournit à la mère tout son nécessaire et sa subsistance. Il lui a fait présent dernièrement d’une très belle tabatière d’or, mais il a grand soin de se retirer à huit heures du soir. Cette femme a demeuré rue de l’Arbre Sec, cul-de-sac des Provençaux ».[4]

Ce rapport laisse supposer que tous les témoins appelés à témoigner devant le Châtelet dans l’Affaire du Canada étaient étroitement surveillés par la police. On craignait probablement que les amis des accusés n’interviennent auprès d’eux pour acheter leur silence ou tout au moins atténuer leurs dépositions.

Quant à Glemet nous ignorons s’il revint au Canada.

  1. Inventaire des Jugements du Conseil Supérieur, vol. VI p. 64.
  2. P.-G. Roy, Ordonnances des Intendants, vol. III, p. 188.
  3. Mémoire, 2e partie, p. 469.
  4. Camille Piton (Paris sous Louis XV — Rapport des Inspecteurs de Police au Roi publiés et anotés par) 1ère série Paris, Société du Mercure de France, 1911, pp. 356-357.