Bibliothèque historique et militaire/Histoire générale/Livre XXXIV

Histoire générale
Traduction par Vincent Thuillier.
Texte établi par Jean-Baptiste Sauvan, François Charles LiskenneAsselin (Volume 2p. 997-1009).
FRAGMENS
DU

LIVRE TRENTE-QUATRIÈME.


I.


Quelques écrivains, comme Éphore et Polybe, ont fait entrer dans l’histoire générale des peuples la description de leurs pays respectifs. (Strabo, Geograph. lib. viii, sub init.) Schweighæuser.


Polybe, après avoir fait de grands éloges d’Éphore, et avoir dit qu’Eudoxe raconte fort bien l’histoire grecque, mais qu’Éphore nous fait mieux connaître les fondations des cités, les familles, les transmigrations, les chefs d’établissement, ajoute : « Moi, j’exposerai l’état actuel des choses, quant à la situation des lieux et leurs distances ; car voilà ce qui appartient le plus proprement à la chorographie. » (Strabo, Geograph. lib. x.) Schweigh.


Quelques personnes me demanderont peut-être pourquoi je n’ai pas parlé, et avec beaucoup de détails, du détroit placé vers les Colonnes d’Hercule, de la mer extérieure et de sa nature, des îles Britanniques et de la confection de l’éiain, des mines d’or et d’argent qui se trouvent en Ibérie, dont plusieurs auteurs ont raconté tant de choses et même tant de faits contradictoires. Je répondrai que j’ai passé toutes ces choses sous silence non pas parce que je les jugeais peu dignes de l’histoire, mais d’abord parce que je ne voulais pas interrompre ma narration pour faire un ensemble de chacune des choses en particulier, et détourner ainsi de l’attention qu’on doit porter à la série des faits, l’esprit de ceux qui aiment des renseignemens de ce genre, et qu’ensuite j’avais décidé d’en faire mention, non pas çà et là et en passant, mais bien d’expliquer dans le temps et le lieu choisis par moi à cet effet tout ce qu’il m’avait été possible de trouver de vrai. (Polybii Hist. lib. iii, c. 57.) Schweigh.


II.


N’attacher à rien de vrai un merveilleux de son invention, ce n’est pas là un artifice d’Homère ; il savait trop que le moyen de se rendre croyable est de mêler au mensonge un peu de vérité : c’est une observation que fait Polybe en traitant des voyages d’Ulysse. (Strabo, lib. i.) Schweigh.


Polybe interprète fort bien ce qui concerne ces voyages ; selon lui, « Éole enseignait aux navigateurs la façon de se conduire au passage du détroit où les côtes sont tortueuses, où des flux et reflux rendent la navigation difficile. De là Éole fut surnommé le dispensateur, le roi des vents. Ainsi Danaüs, pour avoir indiqué les sources dans l’Argolide, et Atrée, pour avoir découvert le mouvement rétrograde du soleil, de devins et d’auspices qu’ils étaient, devinrent des rois. Ainsi les prêtres des Égyptiens, les Chaldéens, les mages, à cause de leurs lumières supérieures, passèrent chez nos ancêtres pour des princes ou des grands ; ainsi, dans chaque dieu, trouvons-nous l’inventeur de quelqu’une des choses les plus utiles. »

Cela posé, Polybe ne veut pas qu’on prenne pour de pures mythes ce que le poëte raconte, soit en particulier d’Éole, soit en général des voyages d’Ulysse. Dans le récit de ces courses, ainsi que dans le récit de la guerre de Troie, il aura mêlé quelques mythes ; mais, en total, à l’égard de la Sicile, le poëte s’accorde avec tous ceux des autres écrivains qui rapportent les traditions locales concernant cette île et l’Italie. Polybe ne loue donc point le mot d’Ératosthène : « On trouvera le théâtre des voyages d’Ulysse, quand on aura trouvé le corroyeur de l’outre des vents. » — « Même, ajoute Polybe, tout ce qu’Homère dit de Scylla :

Vers ce roc elle attaque, en son avide rage,
Les dauphins et les chiens et les monstres plus grands
Qu’amène le hasard.....

est conforme à ce qui se passe au Scyllæon et à ce qui se voit à la pêche des galiotes. En effet, les thons qui nagent en troupe le long de l’Italie, repoussés de la Sicile et entraînés dans le détroit, y rencontrent les poissons les plus forts, tels que les dauphins, les chiens et les autres cétacés ; et c’est, dit-on, de cette proie que s’engraissent les espadons et les chiens du genre des galiotes. En cet endroit, comme sur les bords du Nil et des autres fleuves sujets à des crues, il arrive la même chose qu’à un incendie de forêt, où une foule d’animaux, pour échapper, soit à la flamme, soit à l’eau, devient la proie du plus fort. » Polybe conte ensuite comment se pêchent les galiotes près du Scyllæon. « Un observateur commun dirige tous les pêcheurs stationnés deux à deux sur différentes barques birèmes ; l’un rame, l’autre se tient à la proue, armé d’une lance. L’observateur annonce l’apparition du galiote. Ce poisson, en nageant, s’élève d’un tiers de son épaisseur au-dessus du niveau de la mer, et dès que la barque est à portée, le pêcheur armé lui enfonce sa lance dans le corps, d’où il ne la retire qu’en y laissant le harpon de fer dont elle est garnie à son extrémité. Ce harpon, agencé de manière à se détacher aisément de la lance, tient d’ailleurs à une longue corde qu’on laisse filer tant que l’animal blessé fait des bonds et des efforts pour échapper ; quand il est fatigué, au moyen de la corde on l’amène à terre, ou même, s’il n’est pas de la plus grande taille, dans la barque. Encore que la lance tombe dans la mer, elle ne se perd point ; comme elle est en partie de chêne et de sapin, le chêne plonge par son poids, mais le sapin tend à ressortir : ainsi on la retrouve facilement. Quelquefois le rameur est blessé, même au travers de la barque : tant est longue l’épée de ces galiotes, et tant cette pêche, vu la force de l’animal, ressemble pour le danger à la chasse du sanglier !

« On peut donc juger qu’Homère fait errer Ulysse autour de la Sicile, puisque le poëte attribue à Scylla une pêche qui se pratique particulièrement au Scyllæon. Au sujet de Charybde, il rappelle ce qui se passa au détroit ; car dans les vers :

Trois fois le jour vient, etc.,

trois mis au lieu de deux, est une erreur de l’observateur ou du copiste. Tout ce qu’on voit à Messine s’accorde également avec ce qu’Homère dit des lotophages. Si quelque chose diffère, on doit l’attribuer au temps, au défaut de notions ; on doit l’attribuer surtout aux licences de la poésie, qui se compose d’historique, de dispositif et de mythique. Les poëtes se proposent pour but : dans l’historique, d’exprimer la vérité, comme quand, au livre du dénombrement (iie livre), Homère rappelle les traits caractéristiques de chaque lieu, et qualifie les cités de puissance, de frontière, de féconde en colombes, de maritime ; dans le dispositif, d’animer, comme quand il décrit les combats ; dans le mythique, de plaire et d’étonner. Tout inventer, c’est renoncer à paraître croyable, et ce n’est pas en ce genre qu’Homère a composé, car tous regardent sa poésie comme vraiment philosophique. Nul n’en juge comme Ératosthène, qui ne veut pas que dans aucun poème on cherche ni la saine raison ni l’histoire..... Lorsque Ulysse nous dit :

De là, durant neuf jours,
Des vents pernicieux malgré moi m’emportèrent,

probablement nous devons entendre qu’il erra dans une espèce de mer assez peu étendue (car des vents pernicieux ne font pas cheminer droit), et non qu’il fut entraîné jusque sur l’Océan, comme si des vents constamment favorables eussent pu l’y porter. En effet, ajoute Polybe (après avoir compté 22 500 stades de distance des Malées aux Colonnes), supposons que le trajet eût été fait d’une vitesse également soutenue pendant neuf jours, c’eût été pour chaque jours 2 500 stades. Or, a-t-on jamais ouï dire que les 4 000 stades qui se comptent d’Alexandrie jusqu’à Rhodes ou la Lycie, aient été faits en deux jours ? Quant à ceux qui demandent comment Ulysse, ayant abordé trois fois en Sicile, n’aurait pas une seule fois traversé le détroit, on leur répondra que bien des siècles encore après lui on évitait soigneusement ce passage. »

Ainsi parle Polybe, et en général il dit bien. Toutefois, lorsqu’il prétend qu’Ulysse n’a point pénétré jusque sur l’Océan, et que, pour le prouver, il combine exactement les journées de navigation avec les distances, il est inconséquent à l’excès. En effet, Polybe tout à la fois cite le poëte,

Des vents pernicieux malgré moi m’emportèrent ;

et il ne le cite pas ; car Homère a dit également :

Mais du fleuve Océan bientôt suivant le cours,
Le vaisseau.....

Comme aussi :

Dans l’île d’Ogygée, au milieu de la mer,

où, selon lui, habitait la fille d’Atlas ; à quoi l’on peut ajouter ce qu’il fait dire par les Phocéens :

Reculés dans le sein de la mer ondoyante,
Nous vivons séparés du reste des humains ;

tous passages dans lesquels évidemment il s’agit de la mer Atlantique, et que Polybe omet pour détruire le sens des expressions les plus claires. Mais quand il soutient qu’Ulysse erra autour de la Sicile et de l’Italie, il a raison. (Strabo, lib. i.) Schweigh.


III.


Polybe, dans sa description des diverses contrées de l’Europe, annonce qu’il ne parlera point des anciens géographes, mais qu’il examinera les opinions de ceux qui les ont critiqués, comme, par exemple, celle de Dicéarque et d’Ératosthène, le dernier des auteurs qui jusqu’alors eussent travaillé sur la géographie ; comme encore celle de ce Pythéas par qui tant de monde s’en est laissé imposer. En effet, c’est Pythéas qui prétend avoir parcouru toutes les parties accessibles de la Bretagne, et qui dit que la circonférence de cette île a plus de 40 000 stades. C’est Pythéas qui nous parle de Thulé et de ces régions où il ne subsiste plus de terre proprement dite, ni mer, ni air, mais où l’on trouve seulement une espèce de concrétion de ces élémens, semblable au poumon marin, « matière, nous dit-il, qui, enveloppant de tous côtés la terre, la mer, toutes les parties de l’univers, en est comme le lien commun, et au travers de laquelle on ne saurait naviguer, ni marcher ; » à quoi il ajoute que, quant à la matière pareille à la substance du poumon marin, il peut attester qu’elle existe, parce qu’il l’a vue, mais que le reste il le rapporte sur la foi d’autrui. Tels sont les récits de ce voyageur, qui, de plus, assure qu’à son retour de ces contrées, il parcourut toutes les côtes de l’Europe sur l’Océan, depuis Gadès jusqu’au Tanaïs.

« Mais, nous dit Polybe, un particulier, et un particulier peu riche, comme Pythéas, a-t-il donc pu faire des voyages de si long cours, tant par terre que par mer ? Comment Ératosthène, doutant s’il devait en général ajouter foi aux relations de ce navigateur, les adopte-t-il en particulier à l’égard de la Bretagne, de Gadès et de l’Ibérie ? Autant et mieux vaudrait s’en rapporter à Évhémère de Messine : au moins celui-ci ne prétend-il avoir été par mer que dans une seule contrée inconnue, dans la Panchaïe ; l’autre se donne pour avoir visité toute l’Europe septentrionale jusqu’aux bornes du monde. Hermès lui-même se vantât-il d’en avoir fait autant, on ne le croirait pas. Toutefois, Ératosthène, qui traite Évhémère de bergéen[1], veut croire aux récits de Pythéas, et cela quand Dicéarque lui-même n’y croit pas. »

L’idée d’ajouter foi à Pythéas, quand Dicéarque lui-même n’y croit pas, est bizarre. On dirait qu’Ératosthène eût dû se régler sur celui que si souvent Polybe est le premier à critiquer. Au reste, nous avons déjà dit qu’Ératosthène parlait peu pertinemment des parties occidentale et septentrionale de l’Europe. On doit le lui pardonner ainsi qu’à Dicéarque : ni l’un ni l’autre ne connaissaient les régions par eux-mêmes. Mais quelle excuse reste-t-il à Posidonius ainsi qu’à Polybe, et surtout à ce dernier, qui traite de ouï-dire populaires ce qu’Ératosthène et Dicéarque rapportent concernant les distances respectives des lieux dans certaines contrées, tandis que lui-même, non-seulement sur bien d’autres points, mais encore sur ceux à l’égard desquels il reprend l’un et l’autre, n’est pas exempt d’erreur ?

Dicéarque compte 10 000 stades du Péloponnèse aux Colonnes d’Hercule, et plus de 10 000 stades du Péloponnèse au fond du golfe Adriatique. Des 10 000 stades qui, selon lui, doivent se trouver entre le Péloponnèse et les Colonnes d’Hercule, il en assigne 3 000 à la partie qui s’étend depuis le Péloponnèse jusqu’au détroit de Sicile ; restent 7 000 pour le trajet depuis ce détroit jusqu’aux Colonnes.

« Je n’examine point, dit Polybe, si la distance du Péloponnèse au détroit de Sicile est effectivement de 3 000 stades ; mais quant aux 7 000 autres stades, ils ne sauraient former la mesure exacte du trajet depuis le détroit de Sicile jusqu’aux Colonnes, soit en longeant la côte, soit en traversant la mer, et je le prouve. La côte forme une espèce d’angle obtus dont les côtés aboutissent, l’un au détroit de Sicile, l’autre aux Colonnes, et dont le sommet est à Narbonne. Nous pouvons donc supposer un triangle ayant pour base une ligne droite tirée au travers de la mer, et pour côtés ceux qui forment l’angle dont il vient d’être parlé. Celui de ces côtés qui tend du détroit de Sicile à Narbonne a plus de 11 200 stades, l’autre n’en a guère moins de 8 000. On convient d’ailleurs que le plus long trajet d’Europe en Libye, au travers de la mer Tyrrhénienne, n’a pas plus de 3 000 stades, et qu’au travers de la mer de Sardaigne il est encore moins long. Mais posons qu’au travers de la mer de Sardaigne ce trajet soit aussi de 10 000 stades ; puis, en sus de ces données, prenons comme mesure d’une perpendiculaire abaissée du sommet de l’angle obtus du triangle sur sa base, les 2 000 stades de profondeur que le golfe Galatique peut avoir à Narbonne, dès lors il suffira des notions géométriques d’un enfant pour reconnaître que la longueur totale de la côte, depuis le détroit de Sicile jusqu’aux Colonnes d’Hercule, ne surpasse que d’environ 500 stades la ligne droite tirée au travers de la mer. Ajoutez à cette ligne les 3 000 stades qui forment la distance du Péloponnèse au détroit de Sicile, vous aurez en total, pour la ligne droite du Péloponnèse aux Colonnes, plus du double de stades que Dicéarque n’en assigne ; et, dans son système, vous devrez en compter encore davantage pour le trajet du Péloponnèse au fond du golfe Adriatique. »

Oui, sans doute, répondra-t-on à Polybe, sur ce dernier point l’erreur de Dicéarque devient évidente par la preuve que vous-même en donnez lorsque vous comptez du Péloponnèse à Leucade 700 stades, de Leucade à Corcyre 700, de Corcyre aux monts Cérauniens 700, des monts Cérauniens, en suivant à droite la côte d’Illyrie, jusqu’à l’Iapygie 6 130 ; mais quant à la distance depuis le détroit de Sicile jusqu’aux Colonnes d’Hercule, on trouvera également faux et le calcul par lequel Dicéarque ne le fait que de 7 000 stades et celui dont vous pouvez avoir démontré la justesse ; car l’opinion la plus généralement reçue est que cette distance, prise directement au travers de la mer, doit être de 12 000 stades : calcul qui s’accorde avec la longueur que l’on donne à la terre habitée. Cette longueur est supposée, au plus, de 70 000 stades, dont environ 30 000 se prennent pour la portion qui s’étend vers l’ouest, depuis le golfe d’Issus jusqu’à l’extrémité la plus occidentale de l’Ibérie, et se compte ainsi : du golfe d’Issus à Rhodes, 5 000 stades ; de Rhodes au cap Salmonéon, qui forme l’extrémité orientale de la Crète, 1 000 ; pour la longueur de la Crète jusqu’au Criu-Métopon, plus de 2 000 ; de là au cap Pachynum en Sicile, 4 500 ; du cap Pachynum, au détroit de Sicile, plus de 1 000 ; du détroit de Sicile aux Colonnes d’Hercule, 15 000 ; enfin, des Colonnes à l’extrémité du promontoire sacré de l’Ibérie, environ 3 000.

De plus, la mesure de la perpendiculaire dont parle Polybe n’est point juste, si toutefois il est vrai que le parallèle de Narbonne est à peu près celui de Marseille, et que Marseille, comme Hipparque lui-même en est persuadé, se trouve sous le parallèle de Byzance. En effet, la ligne tirée directement au travers de la mer suit le parallèle de Rhodes et du détroit des Colonnes : or, entre Rhodes et Byzance, censées se trouver toutes deux sous le même méridien, on compte environ 5 000 stades ; ainsi la perpendiculaire dont il s’agit devrait en avoir autant. Mais comme on prétend aussi que le plus grand trajet d’Europe en Libye (Afrique), au travers de la Méditerranée, à partir du golfe Galatique, est de 5 000 stades, il doit y avoir ici de l’erreur ; ou bien il faudrait donc que dans cette partie les côtes de la Libye avançassent beaucoup vers le nord et atteignissent le parallèle des Colonnes d’Hercule.

Polybe s’égare encore lorsqu’il suppose que cette même perpendiculaire doit passer près de l’île de Sardaigne : elle passe bien plus à l’ouest, laissant entre elle et l’île toute la mer de Sardaigne, même presque toute la mer de Ligurie.

On peut dire aussi que la longueur assignée par Polybe aux côtes est exagérée[2], mais sur ce dernier article son erreur est moins forte que sur les deux autres.

Polybe s’attache à rectifier les erreurs d’Ératosthène, et tantôt le reprend avec justice, tantôt se trompe plus que lui.

Par exemple, Ératosthène compte d’Ithaque à Corcyre 500 stades, et Polybe plus de 900. D’Épidamne à Thessalonique, Ératosthène marque seulement 900 stades, et Polybe dit qu’il y en a plus de 2 000. Sur les deux points, Polybe a raison.

Mais Polybe se trompe plus qu’Ératosthène lorsque, voyant que celui-ci avait compté 7 000 stades de Marseille au détroit des Colonnes, et 6 000 depuis les Pyrénées jusqu’à ce même détroit, il veut qu’à partir des Pyrénées la distance jusqu’aux Colonnes n’ait guère moins de 8 000 stades, et qu’à prendre de Marseille elle soit de plus de 9 000. Ératosthène, à cet égard, s’éloigne moins du vrai. En effet, l’on convient aujourd’hui que, sauf les détours de la route, la longueur totale de l’Ibérie, prise des Pyrénées à la côte occidentale, n’est pas de plus de 6 000 stades. Polybe donne au Tage, depuis sa source jusqu’à son embouchure, un cours de 8 000 stades, non pas en y comprenant les sinuosités auxquelles un géographe n’a jamais égard, mais en ligne droite, et cela bien que de la source du Tage aux Pyrénées il y ait encore plus de 1 000 stades.

C’est sans doute avec fondement que Polybe accuse Ératosthène de connaître peu l’Ibérie, et de se contredire quelquefois lui-même au sujet de ce pays : véritablement, comme Polybe le remarque, après avoir annoncé en un endroit de son ouvrage que les parties de cette contrée sises sur la mer extérieure, jusqu’à Gadès, doivent être habitées par les Galates, ce qu’il paraît bien établir en affirmant que ceux-ci occupent toute l’Europe occidentale jusqu’à Gadès, Ératosthène oublie ensuite ce point dans sa description de l’Ibérie, et n’y fait aucune mention des Galates.

Mais quand Polybe veut prouver que la longueur de l’Europe n’égale point celle de la Libye (l’Afrique) et de l’Asie réunies, la comparaison qu’il établit entre ces trois parties de la terre habitée n’est pas juste. « La direction du détroit des Colonnes, nous dit-il, répond au couchant équinoxial, et celle du Tanaïs part du levant d’été. L’Europe comparée à la Libye et à l’Asie prises ensemble a donc de moins qu’elles, en longueur, tout l’intervalle qui sépare le levant d’été du levant équinoxial, puisque cette portion du demi-cercle septentrional se trouve occupée par l’Asie. » (Strabo, Geograph. lib. ii.) Schweigh.


Plusieurs parties de l’Europe forment comme autant de grands promontoires qui s’avancent beaucoup dans la mer. Polybe distingue ces promontoires mieux qu’Ératosthène, mais point encore assez bien. Ératosthène n’en compte que trois, dont l’un, aboutissant vers les Colonnes d’Hercule, renferme l’Ibérie ; l’autre, se prolongeant vers le détroit de Sicile, contient l’Italie ; le troisième, terminé par le cap des Malées, embrasse tous les pays situés entre la mer Adriatique et le Pont-Euxin et le Tanaïs. À l’égard des deux premiers promontoires, Polybe ne diffère point d’Ératosthène ; mais, selon lui, le troisième, dont le cap Sunium forme l’extrémité, autant que le cap des Malées, ne comprend que l’Illyrie, la Grèce entière et une portion de la Thrace. D’après cela, il en compte un quatrième qui, contenant avec la Chersonèse de Thrace les pays voisins du détroit situé entre les villes de Sestos et d’Abydos, est occupé par les Thraces ; puis un cinquième qui aboutit vers le Bosphore Cimmérien, à l’embouchure du Palus-Méotide. (Ibid.)

IV.


Polybe de Mégalopolis, en parlant, dans son livre xxxiv, des pays d’Ibérie et de Lusitanie, dit que, dans les profondeurs de la mer, il y a des chênes à glands dont se nourrissent et s’engraissent les thons. Ce ne serait donc pas s’éloigner beaucoup de la vérité que de dire que les thons sont des espèces de porcs de mer, et que, semblables aux cochons de terre, ils se nourrissent et s’engraissent à l’aide de glands. (Athenæi lib. vii, c. 14.) Schweigh.


Polybe prétend que la mer pousse ces glands jusque sur les côtes du Latium, à moins, ajoute-t-il, qu’il n’en croisse de semblables en Sardaigne, et dans les pays voisins de cette île. (Strabo, lib. iii.) Schweigh.


Polybe, en décrivant, dans son livre xxxiv, la félicité de la Lusitanie, pays de l’Ibérie que les Romains appellent Hispania (Espagne), raconte que dans ce pays telle est l’excellence de la température, que la race humaine et les autres animaux y sont très-prolifiques, et que les fruits n’y meurent jamais. Les roses, les lis, les asperges et autres fruits semblables n’y manquent que pendant trois mois de l’année. La nourriture qu’on y tire de la mer est aussi plus abondante, meilleure et plus belle que dans notre mer. On achète pour une drachme un boisseau d’orge. Un boisseau de froment se vend pour neuf oboles d’Alexandrie ; l’amphore de vin, pour une drachme ; un chevreau de moyenne grosseur, pour trois ou quatre oboles ; un lièvre autant ; un agneau, trois ou quatre oboles ; un porc gras, pesant cent livres, cinq drachmes ; une brebis, deux drachmes ; un figuier, trois oboles ; un veau, cinq drachmes ; un bœuf propre au joug, dix. La chair des animaux n’a presque aucune valeur ; on la distribue gratuitement ou on l’échange contre d’autres marchandises. (Athenæi lib. viii, sub init.) Schweigh.


V.


Du fleuve Bétis, la contrée a pris le nom de Bétique, comme elle a pris celui de Turditanie de ses habitans, qui s’appellent Turditans ou Turdules. Ces deux noms, suivant quelques-uns, ne désignent qu’un même peuple ; mais d’autres pensent qu’ils désignent deux peuples différens. Polybe est de ce dernier sentiment, puisqu’il dit que les Turdules sont au nord des Turditans. .....

À l’avantage d’un pays fertile, la Turditanie joint celui des mœurs douces et civilisées de ses habitans, ce qui, suivant Polybe, doit s’entendre aussi des Celtiques, non-seulement à cause du voisinage de ces peuples, mais encore parce qu’ils sont unis aux Turditans par les liens du sang. Ils sont cependant moins civilisés que ces derniers, parce qu’ils vivent dispersés dans des villages. (Strabo, lib. iii.) Schweigh.


Dicéarque, Ératosthène, Polybe et la plupart des écrivains grecs placent les Colonnes près du détroit. (Ibid.)


Polybe raconte que, dans le temple d’Hercule, bâti dans l’île de Gadès, il y a une source d’eau potable, dans laquelle on descend par un petit nombre de degrés ; que cette source éprouve des accroissêmens et des décroissemens régulièrement opposés au flux et reflux de la mer, de manière que lorsque celle-ci est basse, la source est pleine d’eau, et qu’elle tarit quand la mer est haute. Il donne pour cause de ce phénomène l’air qui s’échappe de l’intérieur de la terre. Lorsque la haute marée vient à couvrir la surface de cette dernière, l’air, ne pouvant plus s’exhaler par ses soupiraux naturels, retourne dans l’intérieur, bouche les conduits de la source et la fait tarir ; mais, dès que la mer se retire, reprenant sa route ordinaire, il laisse les conduits libres, et les eaux jaillissent en abondance. (Ibid.)


Polybe, en parlant des mines d’argent qui existent près de Carthage-la-Neuve, dit qu’elles sont à 20 stades de la ville ; qu’elles sont si vastes, qu’elles embrassent un terrain de 400 stades de circonférence ; qu’elles occupent habituellement 40 000 ouvriers, dont le travail rapporte au peuple romain 25 000 drachmes par jour[3]. Je n’entre pas dans le détail de toutes les opérations d’exploitation, ce qui serait trop long ; je me borne à ce que Polybe rapporte de la manière dont on traite le minerai d’argent que les fleuves et les torrens entraînent. Après l’avoir trouvé et tamisé dans des sacs sur l’eau, ce qui reste on le sépare de l’eau, on le broie de nouveau, et, après l’avoir tamisé de la même manière, on le broie et on le ressasse encore, ce qui se répète jusqu’à cinq fois ; après quoi on fait fondre la matière pulvérisée que le feu débarrasse du plomb qu’elle contient, et l’argent reste pur. Ces mines d’argent existent encore aujourd’hui ; mais là et ailleurs elles n’appartiennent plus à l’état ; ce sont des particuliers qui en ont pris possession. Celles d’or, au contraire, appartiennent pour la plus grande partie à l’état. (Ibid.)


Selon Polybe, le Bétis et l’Anas ont leurs sources dans la Celtibérie, quoique éloignés l’un de l’autre par un espace de 900 stades. (Ibid.)


Polybe, dans la description qu’il fait des peuples vaccéens et celtibères et de leur pays, met au nombre des autres villes Segesama et Intercaia. (Ibid.)


Polybe décrit de semblables édifices, remarquables par leur structure et l’éclat de leurs ornemens, en parlant d’un certain roi d’Ibérie qu’il montre comme ambitieux de rivaliser avec le luxe de la Phénicie. Seulement, au milieu de la maison se trouvaient des vases d’or et d’argent toujours remplis de vin d’orge. (Athenæi lib. i, c. 44.) Schweigh.


VI.


Polybe, dans son livre xxxiv, rapporte que, depuis les Pyrénées jusqu’à Narbonne, on trouve des plaines dans lesquelles coulent l’Ilebernis et le Roscinus, près des villes de ce nom, habitées par les Celtes. Dans ces plaines, on trouve habituellement des poissons auxquels les habitans donnent le nom de fossiles. Le sol y est très-léger et couvert d’un gazon très-fin. Si l’on creuse à deux ou trois coudées au-dessous de cette terre, on trouve une couche de sable, et au-dessous de cette dernière couche on rencontre des sources qui proviennent de fleuves errant ainsi dans les parties souterraines. Les poissons pénètrent avec cette eau partout où elle se répand pour chercher leur nourriture ; ils aiment en effet beaucoup les racines du gazon. Ainsi, toute cette plaine est remplie de poissons souterrains que les hommes déterrent et prennent. (Athenæi lib. viii, c. 2.)


Quant aux bouches du Rhône, Polybe prétend qu’il n’en a que deux, et il blâme Timée de lui en avoir donné cinq. (Strabo, lib. iv.) Schweigh.


La Loire se décharge entre les Pictones et les Namnètes. Autrefois il y avait sur ce fleuve une place de commerce, nommée Corbilon ; Polybe en parle à l’occasion des fables qu’avait débitées Pythéas au sujet de l’île de Bretagne. « Les Marseillais, dit-il, dans un entretien qu’ils eurent avec Scipion (Émilien), ayant été questionnés sur cette île, aucun d’eux n’eut rien à dire de remarquable. Il en fut de même des habitans de Narbonne et de Corbilon ; ils n’en étaient pas plus instruits que ces derniers, quoique ces deux villes fussent les plus considérables de ce canton. Pythéas seul osa débiter beaucoup de mensonges sur l’île de Bretagne. » (Ibid.)


Polybe raconte qu’il naît dans les Alpes un animal d’une forme singulière ; il ressemble à un cerf, si ce n’est que par le cou et le poil il tient du sanglier. Il porte sous le menton une caroncule de la forme d’un cône, velue à son extrémité, longue à peu près d’un empan et aussi grosse que la queue d’un cheval[4]. (Ibid.)


Polybe rapporte que, de son temps, on trouva chez les Taurisci-Norici, aux environs d’Aquilée, des mines d’or si riches, qu’en creusant la terre de deux pieds seulement on rencontrait l’or, et que les fouilles ordinaires n’allaient pas au-delà de quinze pieds ; qu’une partie était de l’or natif en grains de la grosseur d’une fève ou d’un lupin, qui, au feu, ne diminuait que d’un huitième, et que le reste, quoique ayant besoin d’être plus épuré, donnait encore un produit considérable. Il ajoute que des Italiens s’étant associés aux Barbares pour exploiter ces mines, dans l’espace de deux mois le prix de l’or baissa d’un tiers dans toute l’Italie, et que les Taurisci s’en étant aperçus, chassèrent leurs collaborateurs étrangers, et vendirent seuls ce métal. (Ibid.)


Polybe, en parlant de l’étendue et de la hauteur des Alpes, compare avec celles-ci les montagnes les plus considérables de la Grèce, telles que le Taygète, le Lycée, le Parnasse, l’Olympe, le Pélion, l’Ossa et celles de Thrace, l’Hæmus, le Rhodope et le Dunax ; et il ajoute qu’un homme sans bagage pourrait aisément parvenir au bout de chacune de ces montagnes en un seul jour à peu près, ou en faire le tour dans le même espace de temps : on sait que deux jours ne suffisent pas pour monter au haut des Alpes. Quant à leur étendue le long des plaines, il dit qu’elle va jusqu’à 2 200 stades, et ne nomme que quatre passages de ces montagnes : l’un par la Ligurie, près de la mer Tyrrhénienne ; un autre, qui est celui par lequel Annibal passa, et qui traverse le pays des Taurini ; un troisième qui passe par le pays des Salassi, et un quatrième par celui des Rhœti : tous quatre sont, dit-il, pleins de précipices.

Il rapporte enfin qu’il y a dans ces montagnes plusieurs lacs dont on compte trois fort grands : ce sont le lac Benacus (de Garda), qui a 800 stades de longueur sur 50 de largeur, et duquel sort le fleuve Mincius (Mincio) ; le lac Verbanus (lac Majeur), long de 400 stades et moins large que le précédent : il donne naissance au fleuve Ticinus (le Tésin) ; le troisième est le lac Larius (de Como), long de près de 300 stades sur 30 de largeur : il donne naissance à l’Adda, fleuve considérable. Tous ces fleuves vont se jeter dans le Pô. (Ibid.)


VII.


Polybe dit qu’il naît à Capoue un vin excellent de l’anadendron, et qu’on ne saurait rien lui comparer. (Athenæi lib. i, c. 24.) Schweigh.


Suivant Polybe, du cap Iapygien (de Leuca) jusqu’au détroit de Sicile, on compte par terre, en suivant la côte, au moins 3 000 stades, et toute la côte est baignée par la mer de Sicile ; mais par mer il y a 500 stades de moins. (Strabo, lib. v.) Schweigh.


On dit que la plus grande longueur de la Tyrrhénie, devant se prendre sur la côte, depuis Luna jusqu’à Ostia, est de 2 500 stades, et que la plus grande largeur, qui se prend depuis la mer jusqu’aux montagnes, est de moitié moindre. On compte de Luna jusqu’à Pise plus de 400 stades ; de Pise à Volaterra, 290 ; de Volaterra jusqu’à Poplonium, 270 ; de Poplonium jusqu’auprès de Cossa, 800, et selon quelques auteurs, seulement 600, ce qui donne pour la distance de Luna jusqu’à Cossa, 1 760, ou au moins 1 560 stades. Mais, suivant Polybe, cette distance n’est pas en totalité de 1 460 stades. (Ibid.)


L’île d’Æthalia (l’île d’Elbe), a un port appelé Argoüs (Porto-Ferraio), nom déduit, à ce que l’on prétend, de celui du navire Argo..... Polybe, dans son livre xxxiv, dit que l’île d’Æthalia s’appelait Lemnos. (Ibid.)


Depuis Sinuesse jusqu’à Misenum, la côte forme un golfe assez vaste, après lequel il s’en présente un autre bien plus grand que l’on nomme le Cratère, fermé par deux caps, le Misenum et l’Athénæum. C’est le long du rivage de ces golfes qu’est située la Campanie. Ce pays de plaines, le plus heureux que l’on connaisse, est totalement environné tant par des collines très-fertiles que par les montagnes des Samnites et des Osci. Antiochus prétend que la Campanie fut jadis habitée par les Osci, qui, selon lui, s’appelaient aussi Amones. Polybe paraît distinguer ces deux peuples, car il dit que les Osci et les Amones habitaient la contrée voisine du Cratère. (Ibid.)


Polybe dit que les distances, à partir de l’Iapygie, ont été mesurées en milles ; que de l’Iapygie jusqu’à la ville de Sila on trouve 562 milles, et que de Sila jusqu’à la ville d’Acylina, il y 178 milles. (Strabo, lib. vi.) Schweigh.


Polybe compte au plus 2 000 stades depuis le détroit de Sicile jusqu’au cap Lacinium, et 700 stades de Lacinium, lieu consacré à Junon, jadis très-riche et rempli d’une multitude d’offrandes, au cap Iapygien. Ce dernier intervalle forme ce qu’on appelle l’ouverture du golfe de Tarente. (Ibid.)


Polybe nous dit : « Des trois escaliers d’Hiera, l’un est en partie détruit ; mais il en subsiste deux dont le plus vaste présente un orifice rond de cinq stades de tour ; cet orifice se rétrécit en forme d’entonnoir jusqu’au point où il n’a plus que cinquante pieds de diamètre, et où il se trouve élevé d’un stade au-dessus du niveau de la mer, qui s’aperçoit au fond du Cratère quand l’air est serein. »

Si ces rapports sont croyables, peut-être faut-il aussi ne pas rejeter les traditions mythiques concernant Empédocle. « Chaque fois, ajoute Polybe, que c’est le vent du sud qui doit souffler, il se forme autour de l’île un nuage ténébreux qui empêche d’apercevoir la Sicile ; mais quand c’est le vent du nord, on voit s’élever du Cratère, dont il vient d’être parlé, des flammes claires, et le bruit qui en sort est plus violent. L’effet du vent d’ouest tient une sorte de milieu entre les effets respectifs de ces deux vents. Les autres cratères sont semblables à celui-ci pour la forme ; mais leurs exhalaisons ne sont pas aussi fortes. Selon l’intensité du bruit, comme suivant l’endroit d’où commencent à sortir les exhalaisons, les flammes et la fumée, on peut prédire quel vent soufflera dans trois jours ; quelquefois même, d’après le calme total des vents à Lipara, les habitans du lieu ont prédit, et toujours sans se tromper, des tremblemens de terre. (Ibid.)


VIII.


Près du Pont-Euxin on trouve le mont Hæmus (le Balkan), qui est la plus haute des montagnes de ce pays. Il divise la Thrace presque en deux parties égales. Polybe se trompe, lorsqu’il avance que du sommet de l’Hæmus on aperçoit les deux mers ; car, outre que la distance de cette montagne à la mer Adriatique est considérable, il y a dans l’intervalle trop d’obstacles pour que la vue puisse se porter jusqu’à cette mer (id., lib. vii.)


Les premières parties de la côte du golfe Ionien sont les environs d’Épidamne (Durazzo) et d’Apollonie (Polina). De cette dernière ville, on va en Macédoine par la voie Egnatia, dirigée vers l’est, et mesurée par des pierres milliaires jusqu’à Cypsèle et au fleuve Hébrus (Mariza), ce qui comprend un espace de 535 milles[5]. Si, comme on fait ordinairement, on évalue le mille à 8 stades, on aura la somme de 4 280 stades ; mais si l’on suit le calcul de Polybe, qui ajoute deux plèthres, c’est-à-dire un tiers de stade à chaque mille, on doit ajouter à la somme que nous venons de nommer 178 stades, ce qui fait le tiers de 535 milles. Ceux qui parlent d’Épidamne, et ceux qui partent d’Apollonie, après avoir parcouru une égale distance de chemin, se rencontrent au même point de la voie.

Toute cette voie porte le nom d’Egnatia ; mais sa première partie porte encore celui de chemin de Candavie. Candavie est le nom d’une montagne d’Illyrie, où mène ce chemin, entre la ville de Lychindus (Achrida) et un lieu nommé Pylon qui sépare l’Illyrie de la Macédoine. De là il passe près de Barenus, et va par Héraclée, par les Lyncestes et par les Eordi, à la ville d’Édesse, à celle de Pella et jusqu’à Thessalonique. Toute cette distance est, selon Polybe, de 267 milles. (Ibid.)


Le circuit du Péloponnèse, sans suivre les contours des golfes, est de 4 000 stades, selon Polybe. (Strabo, lib, viii.) Schweigh.


Ce n’est pas sans raison qu’Artémidore relève l’erreur de Polybe qui compte environ 10 000 stades depuis le cap Malée jusqu’à l’Ister (le Danube) au nord. Artémidore assure qu’il n’y en a que 6 500. La cause de cette erreur est que Polybe ne parle point du plus court chemin, mais de celui qu’un général d’armée aura par hasard suivi. (Ibid.)


IX.


Quant aux lieux qui suivent en ligne droite le fleuve d’Euphrate et la ville de Tomisa, fort de la Sophène, jusqu’à l’Inde, les distances qu’Artémidore en donne sont conformes à celles d’Ératosthène. Polybe dit aussi que, pour ces lieux, il faut s’en rapporter de préférence à Ératosthène. Il commence par Samosata de la Comagène, située près du passage et du Zeugma (pont) de l’Euphrate, et il compte, depuis la frontière de la Cappadoce, près de Tomisa, jusqu’à cette ville, 450 stades. (id., lib. xiv.) Schweigh.


X.


Polybe, qui visita la ville d’Alexandrie sous les rois, déplore amèrement la situation où il la trouva depuis. Elle avait, dit-il, trois espèces d’habitans : 1o  les Égyptiens ou natifs du pays, intelligens et soumis aux lois ; 2o  les mercenaires, très-nombreux et indisciplinés. C’était en effet un ancien usage d’entretenir des troupes étrangères ; mais la nullité des princes leur avait appris à commander plutôt qu’à obéir ; 3o  les Alexandriens qui, par la même raison, n’étaient pas faciles à gouverner. Ils valaient cependant mieux que les mercenaires, parce que, bien que formés d’une population mêlée, ils étaient Grecs d’origine, et, comme tels, gardaient quelque chose du caractère propre de la nation grecque. Au reste, cette classe d’habitans fut presque anéantie, principalement par Évergète Physcon, sous le règne duquel Polybe vint à Alexandrie. Ce prince, irrité de leurs révoltes, les livra plusieurs fois à la fureur des soldats et les fit massacrer. D’après l’état de cette ville, ajoute le même auteur, il ne reste plus qu’à dire avec Homère :

Parcourir l’Égypte, route longue et pénible.

(id., lib. xvii.) Schweigh.



  1. Aristophane de Bergée s’était fait connaître par ses mensonges.
  2. Cette longueur, prise le long de toutes les côtes, est assez juste. Elle ne paraît excessive dans Polybe que parce qu’il l’employait en ligne droite. Au reste les reconnaissances géographiques les plus modernes nous prouvent que dans cette discussion, Polybe est toujours plus près de la vérité qu’Ératosthène et Strabon.
  3. Ce qui ferait plus de 8 000 000 de livres de notre monnaie par an.
  4. C’est l’élan (cervus alcos). Cet animal n’existe plus en France ni dans les Alpes. Le mâle porte cette caroncule ou loupe charnue dont parle Polybe, et qui est un des caractères qui le distinguent du cerf, auquel d’ailleurs il ressemble beaucoup.
  5. 142 lieues 2/3 de 20 au degré.