Bibliothèque historique et militaire/César/Guerre d'Espagne

HIRTIUS.

Guerre d’Espagne.

Séparateur


Arrivée de César en Espagne, avec le secours donné à Monte-Maior. — Siège de Tébala-Véja. — Évenemens divers qui ont lieu jusqu’à la bataille de Munda. — Description de cette bataille. Prise de Cordoue et de Séville. Mort de Pompée l’aîné. — Les troupes de César s’emparent de Munda, etc.
An avant J. C. 43, de Rome 610.

1. Pharnace vaincu et l’Afrique reconquise, ceux qui purent échapper au glaive du vainqueur se retirèrent en Espagne avec le jeune Cn. Pompée. Celui-ci s’étant rendu maître de la province ultérieure, tandis que César s’occupait en Italie de distribuer des récompenses, s’efforça d’attirer les villes à son parti pour être plus en état de résister. Ayant ainsi, par prières et par contrainte, assemblé une armée nombreuse, il se mit à ravager la province. Dans ces circonstances, plusieurs villes lui envoyèrent volontairement des secours ; d’autres lui fermaient leurs portes. Dans tes places qu’il emportait d’assaut, s’il se trouvait quelque citoyen qui fût riche, alors même qu’il eût rendu des services à Cn. Pompée son père, on imaginait un prétexte pour le perdre et lui enlever son bien, qui servait ensuite à enrichir des brigands. En gagnant ainsi, à peu de frais, ceux qui lui étaient contraires, son armée s’augmentait à tous momens aussi les villes opposées à ses Intérêts envoyaient-elles courriers sur courriers en Italie, pour solliciter des secours.

2. Dictateur pour la troisième fois, et promu de nouveau à cette dignité pour l’année suivante, après tant d’expéditions militaires, César accourt de suite en Espagne, pour terminer cette guerre. À peine arrivé, des députés de Cordoue, qui avait abandonné le parti de Pompée, vinrent l’avertir que leur ville pouvait être emportée la nuit même, s’il voulait, parce qu’on ignorait qu’il fût encore dans le pays ; les courriers que Pompée avait mis partout pour l’instruire de son approche ayant été interceptés. Ils ajoutèrent plusieurs autres raisons assez apparentes. Sur cet avis, il informa de son arrivée Q. Pédius et Q. Fabius Maximus qu’il avait mis à la tête des troupes, leur mandant de lui envoyer pour escorte la cavalerie qu’ils avaient levée dans la province. Mais il les joignit plus tôt qu’ils ne se l’étaient imaginé ; en sorte qu’il ne put se faire escorter par cette cavalerie, comme il l’aurait désiré.

3. Sextus Pompée, frère de Cn., se trouvait alors avec une garnison dans Cordoue, qui passait pour la capitale de la province, tandis que l’aîné, depuis quelques mois, était occupé au siége de Monte-Maior. Instruits de l’approche de César, les assiégés lui envoyèrent des ambassadeurs qui, ayant passé secrètement au travers du camp de Pompée, vinrent le prier de les secourir le plus promptement possible. César, qui savait que de tout temps en cette ville avait eu un attachement extrême pour tes Romains, fit partir vers les neuf heures du soir, six cohortes avec un nombre égal de cavaliers, sous les ordres de L. Julius Paciécus, brave officier, et bien connu dans la province. À peine ces troupes furent-elles au camp de Pompée, qu’il survint un si terrible orage, accompagné d’un vent si fort, qu’on ne se voyait pas, et qu’à peine pouvait-on reconnaître son voisin ; ce qui fut très-favorable pour cette entreprise : car Paciécus, étant arrivé là, fit marcher ses cavaliers deux à deux droit vers la ville au travers du camp des assiégeans ; et une sentinelle leur ayant demandé qui ils étaient, un des nôtres lui dit de garder le silence et de ne point faire de bruit, parce qu’ils cherchaient à s’approcher du mur pour surprendre la place. Ainsi la garnison que l’orage empêchait déjà de faire une surveillance très-exacte en fut encore détournée par cette réponse. Arrivés donc aux portes de la ville, à un certain signal les habitans nous y introduisent ; et lui toutes nos troupes, tant cavaliers que fantassins, après avoir laissé une partie des leurs dans la place, poussant en même temps un grand cri, firent une sortie sur le camp des assiégeans, lesquels ne s’y attendant pas, se crurent presque tous perdus.

4. Après avoir envoyé ce secours à Monte-Maior pour contraindre Pompée à en lever le siège, César marche sur Cordoue. En chemin, il fait prendre les devans à une troupe de cavalerie, suivie de braves soldats couverts de cuirasses, qui, en approchant de la ville, montèrent en croupe derrière les cavaliers, sans que les habitans aient pu le savoir. Lorsqu’ils en furent tout près, les ennemis sortirent en foule pour accabler la cavalerie ; mais les légionnaires dont on vient de parler, s’élançant de leurs chevaux, les attaquent avec tant de vivacité, que de cette multitude sortie de la ville il n’en rentra qu’un petit nombre. Effrayé de cette disgrâce, Sextus Pompée en donne aussitôt avis à son frère, pour qu’il vienne en diligence à son secours, avant que César ne se fût rendu maître de la place. Ainsi Cn. Pompée, qui était sur le point de prendre Maior, levant le siége de cette ville sur les lettres de son frère, marcha vers Cordoue avec toutes ses troupes.

5. Arrivé au Guadalquivir, qu’il ne put traverser à gué à cause de sa profondeur, César y fit jeter de grands mannequins remplis de pierres, sur lesquels il construisit un pont composé de deux rangs de grosses poutres, qui prenaient depuis la tête du pont jusqu’à l’autre bord vers la ville ; par ce moyen son armée passa en trois fois. Pompée se rendit au même endroit soutenu des siens, et campa de même en face de lui. Pour lui couper les vivres et lui intercepter toute communication avec la ville, César fit tirer un retranchement depuis son camp jusqu’au pont. Pompée suivit son exemple : en sorte que ces deux généraux se disputaient à qui s’emparerait le premier du pont ; c’est ce qui tous les jours donnait lieu à de légers combats, où tantôt l’un, tantôt l’autre avait l’avantage. Enfin, les deux partis s’étant échauffés, on en vient aux mains ; et tandis que de part et d’autre on s’efforce d’atteindre le pont, plus on s’approche, plus on se trouve resserré par les bords du fleuve ; des deux côtés on s’y précipite, on se donne à l’envi mille morts, et l’on ne voit plus que des monceaux de cadavres entassés les uns sur les autres. C’est ainsi que, durant plusieurs jours, César fit tous ses efforts pour attirer les ennemis au combat dans la plaine, afin de finir promptement la guerre.

6. Lorsqu’il vit qu’il ne pouvait les y contraindre, quoiqu’il n’eût mis obstacle à l’exécution de leurs desseins que pour les engager en rase campagne, il allume pendant la nuit de grands feux, passe la rivière avec ses troupes et marche sur Tébala-Véja, une des plus fortes places qui tenaient pour ses adversaires. Averti par quelques transfuges que César avait franchi le fleuve, Pompée retira le même jour plusieurs de ses chariots et de ses balistes, qu’il s’était vu forcé de laisser en chemin à cause de la difficulté et de l’embarras de la route, et entra dans Cordoue. De son côté, César se retranche devant Tébala-Véja, et commence à l’investir. Sur cette nouvelle, Pompée part le même jour pour aller la secourir. Mais César s’était d’abord assuré de tous les postes avantageux des environs, et y avait fait construire des forts, tant pour y mettre sa cavalerie que pour y placer des corps de garde de fantassins, afin de pourvoir à la sûreté du camp. Le matin qu’arriva Pompée, il y eut un brouillard si épais, qu’à la faveur des ténèbres, il trouva le moyen avec quelques cohortes et quelques escadrons d’envelopper la cavalerie de César, dont les ennemis firent un si grand carnage qu’il s’en échappa très-peu.

7. La nuit suivante Pompée incendie son camp, passe la rivière de Guadajos, et, traversant plusieurs vallons, vient camper sur une montagne entre les deux villes de Tébala-Véja et de Lucubi. Cependant César était dans ses lignes, où il avait fait préparer des mantelets, et tout ce qui est nécessaire à un siége. Ces pays élevés et montueux semblent faits pour la guerre. Le fleuve de Guadajos coule au milieu de la plaine, mais plus proche de Tébala-Véja, qui n’en est éloignée que d’environ deux milles. Vis-à-vis de cette place, Pompée était campé sur des hauteurs, et à la vue de l’une et de l’autre ville, il n’osa secourir les assiégés. Il avait cependant treize légions ; mais il ne comptait guère que sur les deux composées des troupes de la province, lesquelles avaient quitté Trébonius ; sur un autre tirée des colonies romaines établies dans le canton, et sur une quatrième qu’Afranius avait amenée d’Afrique avec lui : le reste consistait en déserteurs et en fugitifs. À l’égard de ses cavaliers et de son infanterie légère, celle de César était de beaucoup supérieure en nombre ainsi qu’en valeur.

8. Ce qui facilitait du reste à Pompée les moyens de prolonger la campagne, c’est que ce pays est fort montueux, et très-propre à établir des camps fortifiés : car presque toute cette province ultérieure de l’Espagne, par la raison même qu’elle est très-fertile et très-abondante en eau, présente peu d’accès faciles pour l’attaque. Ajoutez que, par suite des fréquentes incursions des Barbares, tous les lieux éloignés des villes sont munis de forts et de tours ; et on les y couvre comme en Afrique, de ciment et non de tuiles. Là se trouvent disposées des guérites, d’où, à cause de leur hauteur, la vue s’étend fort loin. La plupart des villes de cette province ont également été bâties sur des éminences et dans des terrains excellens ; de sorte qu’il n’est pas aisé d’y gravir et d’y atteindre. Ainsi la situation seule de ces places de l’Espagne en rend l’attaque presque impossible, et l’on ne peut les emporter qu’avec la plus grande peine ; c’est ce qui parut dans cette guerre car Pompée ayant pris ses positions (nous l’avons rapporté plus haut) entre Tébala-Véja et Lucubi, et en face de ces deux postes, à quatre milles environ de son camp était une élévation très-avantageusement située, nommée le camp de Postumius, où César avait construit un fort et placé garnison.

9. Se trouvant couvert par cette même hauteur à une assez grande distance du camp de son ennemi, Pompée reconnut l’avantage du poste et comme la rivière de Guadajos nous en séparait, il crut que nous renoncerions à le secourir, vu la difficulté qu’offrait le terrain. Dans cette persuasion, il part vers minuit pour venir attaquer ce fort, qui incommodait beaucoup les assiégeans. Les nôtres le voyant approcher, poussent de grands cris, lancent une grêle de traits, et lui font un grand nombre de blessés. Ainsi ceux du fort s’étant mis en défense, César qui était dans son grand camp, averti de ce qui se passait, y accourut aussitôt avec trois légions. À son arrivée, les ennemis pleins d’effroi prennent la fuite laissant plusieurs morts et plusieurs prisonniers : beaucoup abandonnèrent leurs armes pour se sauver plus promptement, et l’on rapporta quatre-vingts de leurs bouchers.

10. Le jour suivant, Arguétius arriva d’Italie avec un renfort de cavaliers, et apporta cinq enseignes prises sur les Sagontins. On ne lui fit pas grand accueil, César ayant déjà reçu d’Italie des chevaux conduits par Asprenas. Cette nuit même, Pompée mit le feu à son camp, et marcha "vers Cordoue. Un roi nommé Indo qui nous avait amené de la cavalerie et des fantassins, s’étant trop vivement engagé à la poursuite des ennemis fut pris et tué par quelques soldats des deux légions levées dans la province.

11. Le lendemain, nos cavaliers poursuivirent très-loin vers Cordoue ceux qui amenaient de cette ville des vivres au camp de Pompée ; cinquante furent pris entre autres, avec leurs chevaux, et conduits au camp. Le même jour, Quintus Marcius, qui servait sous Pompée comme tribun militaire, vint se rendre à nous. Vers minuit, les assiégés firent sur nos troupes une sortie très-vive, et nous lancèrent de la ville des feux de toute espèce. Quelque temps après, C. Fundanius, chevalier romain, passa du camp ennemi dans le nôtre.

12. Notre cavalerie, le lendemain, prit deux soldats d’une des deux légions indigènes. Ils se disaient esclaves mais comme on les amenait au camp, ils furent reconnus par ceux des nôtres qui avaient porté les armes sous Fabius et Pédius, et quitté Trébonius. Ils ne purent obtenir grâce et furent massacrés. On intercepta le même jour des courriers de Cordoue se rendant auprès de Pompée, lesquels par imprudence étaient tombés dans notre camp. On, leur coupa les mains, et on les renvoya. Suivant leur coutume, sur les neuf heures du soir, les assiégés, nous accablant d’une quantité prodigieuse de feux et de traits nous blessèrent beaucoup de monde. La nuit s’étant écoutée, ils vinrent assaillir la sixième légion alors occupée aux travaux on se battit avec acharnement mais l’ennemi fut repoussé, bien qu’il eût l’avantage de combattre des hauteurs. Ainsi, malgré leur sortie, et quoique nos troupes eussent désavantage de combattre d’en bas, ceux de Pompée rentrèrent dans la place, après avoir éprouvé une perte considérable.

13. Le lendemain, Pompée fit tirer un retranchement depuis ses fortifications jusqu’au fleuve de Guadajos, et quelques-uns de nos cavaliers qui étaient de garde, ayant été aperçus par un parti nombreux de l’ennemi, furent débusqués de leur poste, et on leur tua trois hommes. Le même jour, A. Valgius, fils de sénateur, qui avait son frère dans le camp de Pompée, sa monte à cheval et s’enfuit sans rien emporter de ce qui lui appartenait s’en les nôtres prirent un espion de la seconde légion ennemie, et le massacrèrent. Dans le même temps, on fit partir de la ville une espèce de boulet, sur lequel on avait inscrit que l’on donnerait avec un bouclier le signal du moment où il faudrait attaquer la place. Sur cette assurance, plusieurs des nôtres flattés de l’espoir d’escalader sans péril les murs de cette ville, et de s’en rendre maîtres, commencèrent le jour suivant à les saper, et détruisirent une grande partie du premier mur ; toutefois ayant voulu monter à l’assaut, ils furent pris. Les assiégés, les conservant avec autant de soin que s’ils eussent été des leurs, offrirent de les rendre, pourvu qu’on laissât sortir la garnison de Pompée ; mais César répondit que sa coutume était de donner la loi, et non de la recevoir. Cette réponse rapportée aux habitans par ceux qu’ils avaient envoyés, ils cor poussent de grands cris, bordent leurs remparts, et lancent contre nous une grêle de traits ; ce qui nous fit généralement croire que, ce jour-là, l’ennemi un ferait une sortie vigoureuse. On donna un assaut général à la ville, et l’on se battit vivement durant quelques heures, jusqu’à ce qu’un coup parti d’une de nos balistes renversa une tour des ennemis avec cinq hommes qui s’y trouvaient, et un jeune homme que l’on y avait placé en sentinelle, pour avertir quand jouerait notre machine.

14. Peu de temps après, Pompée fit construire un fort au-delà de la rivière, sans que nous paraissions nous y opposer ; ce qui le remplit d’une folle vanité, dans la fausse opinion où il était de l’avoir bâti presque sur notre terrain. Le jour suivant, tandis que, selon sa coutume, il s’approche de notre poste de cavalerie, quelques escadrons s’en étant détachés avec de l’infanterie légère pour l’assaillir, ils furent mis en fuite, et, à cause de leur petit nombre, foulés aux pieds par l’ennemi et les troupes légères qui l’accompagnaient. Comme l’action se passait à la vue des deux camps, ceux de Pompée en étaient d’autant plus fiers, qu’ils nous avaient poussés assez loin. Cependant les nôtres se ralliant à la faveur de leurs compagnons qui les soutiennent, suivant leur tactique, reviennent à la charge avec de grands cris ; mais l’ennemi refuse d’en venir aux mains.

15. Il arrive presque toujours dans les combats, lorsque la cavalerie met pied à terre pour se battre contre les fantassins, qu’elle ait le désavantage ; le contraire eut lieu dans cette rencontre car quelques troupes d’élite de l’infanterie légère ennemie étant venues attaquer nos cavaliers qui ne s’y attendaient pas, plusieurs d’entre eux en combattant s’aperçurent qu’ils n’avaient affaire qu’à de l’infanterie, et descendirent de cheval. Ainsi en peu de temps, le cavalier combattit comme un piéton, et le piéton comme un cavalier ; la mêlée fut même si sanglante que l’on s’égorgea jusque sous les retranchemens. Dans l’action les ennemis perdirent cent vingt trois hommes ; un grand nombre d’autres furent dépouillés de leurs armes ; d’autres couverts de blessures et reportés au camp. Nous n’eûmes à regretter que trois des nôtres ; douze fantassins et cinq de nos cavaliers furent blessés. Le même jour, à la suite de cette affaire, il y eut suivant l’usage un assaut donné à la place. Après avoir lancé sur nous un amas considérable de traits et de feux auxquels nous répondîmes courageusement, les assiégés commirent le plus horrible et le plus cruel des attentats après avoir égorgé sous nos yeux leurs hôtes, ils jetèrent leurs corps du haut des remparts : trait de férocité inouï jusqu’alors et dont les nations Barbares pouvaient seules offrir des exemples.

16. Sur la fin du même jour, Pompée envoya secrètement donner ordre aux assiégés d’incendier pendant la nuit les tours et les retranchemens, et de faire une sortie vers minuit. En effet, après nous avoir accablés d’une grêle de traits et de feux, et avoir réduit en cendres une grande partie de la muraille, ils ouvrirent la porte qui conduisait au camp de Pompée, et sortirent tous en armes, portant des fascines pour combler nos fossés, et des crocs de fer pour abattre et brûler les tentes de paille dont s’étaient servis nos soldats afin de s’abriter contre le froid. Ils portèrent aussi avec eux de l’argent et des habits pour répandre l’un et l’autre, tomber sur nous, lorsque nous serions occupés au pillage, et se sauver ensuite au camp ennemi. Dans l’espoir qu’ils réussiraient, Pompée se tint pendant toute la nuit en bataille au-delà du fleuve de Guadajos. Bien que les nôtres eussent essuyé une attaque inattendue, cependant soutenus de leur courage, ils repoussent les ennemis, les contraignent de rentrer dans la ville en blessent plusieurs, s’emparent de leurs armes et des effets qu’ils avaient apportés, et font quelques prisonniers qu’ils massacrent le lendemain. Dans le même temps, un déserteur venant de la ville nous apprit que Junius, sorti d’une mine où il était, après le massacre des habitans, s’était écrié qu’on avait commis un crime affreux ; que ces infortunés ne méritaient nullement un traitement pareil, eux qui les avaient reçus dans leurs foyers et jusqu’au pied des autels ; qu’on avait violé le droit sacré de l’hospitalité à leur égard ; qu’il avait ajouté beaucoup d’autres reproches, et que les assassins effrayés de ses discours avaient cessé le massacre.

17. Le lendemain, Tullius et Caton, Portugais vinrent trouver César de la part de la garnison ; alors le premier prenant la parole : « Que n’a-t-il plu aux dieux immortels, lui dit-il, que j’eusse plutôt servi sous toi que sous Pompée, et qu’il m’eût été permis d’éprouver mon courage et ma constance en triomphant à ta suite au lieu de partager sa disgrâce ! puisque ses funestes louanges n’ont eu pour tout résultat que de contraindre de malheureux citoyens romains sans secours, à se rendre comme ennemis, après avoir été témoins de la ruine déplorable de leur patrie : puisque nous avons subi toutes les calamités de sa défaite sans avoir participé aux avantages de ses premiers succès, lassés d’être sans cesse en butte aux attaques de tes légions, de nous voir nuit et jour exposés au glaive et aux traits de tes soldats : soumis et vaincus par fa valeur, abandonnés de Pompée, nous avons recours à ta clémence. Cette grâce que tu as faite à tant de peuples, daigne l’accorder à des citoyens supplians. — Tel je me suis montré à l’égard des nations étrangères, tel je me montrerai envers les citoyens qui se rendront à moi ! » Ainsi répliqua César.

18. Lorsque les députés congédiés par lui furent à la porte de la ville, Tib. Tullius ne suivit pas Antoine qui entrait ; mais retournant à la porte, il se saisit d’un homme. À cette vue, Antoine tira de son sein un poignard dont il lui perça la main. Ensuite ils se réfugièrent tous deux auprès de César. À la même époque, un enseigne de la première légion vint se rendre, et nous apprit que le jour de l’escarmouche, sa compagnie avait perdu trente-cinq hommes, mais que dans le camp de Pompée, il était défendu de le dire, ni même d’avouer qu’on eût fait la moindre perte. Un citoyen qui, s’étant retiré au camp de César, avait laissé sa femme et son fils dans la ville, fut égorgé par son esclave qui s’enfuit secrètement vers Pompée, d’où il nous envoya un boulet, portant une inscription par laquelle il nous donnait avis des préparatifs que l’on faisait dans la place pour la défendre. Après avoir reçu ces lettres, ceux qui avaient coutume de lancer le boulet avec une inscription étant rentrés dans la ville, deux frères portugais vinrent se rendre à nous au bout de quelque temps, et nous apprirent que Pompée, dans une harangue qu’il avait adressée à ses troupes réunies, avait déclaré que, puisqu’il ne pouvait venir au secours de la place, il fallait que les assiégés l’évacuassent pendant la nuit, et prissent le chemin de la mer : qu’un des assistans ayant dit qu’il valait mieux marcher au combat que de paraître vouloir prendre la fuite on l’avait aussitôt massacre. Dans ce même temps, on arrêta deux courriers que Pompée envoyait aux assiégés ; César leur fit tenir les lettres dont ils étaient chargés pont eux, et comme un des deux messagers lui demandait la vie, il lui proposa d’aller mettre le feu à une tour de bois des habitans, avec promesse de tout lui accorder en cas de succès. Il était difficile d’y parvenir impunément ; aussi à peine celui qui tentait l’entreprise en approcha-t-il qu’il fut tué. La même nuit, un déserteur vint nous apprendre que Pompée et Labiénus avaient témoigné leur indignation du massacre des assiégés.

19. Vers neuf heures du soir, une de nos tours de bois fut fendue depuis le pied jusqu’au second et au troisième étage par le grand nombre de traits que les ennemis décochèrent contre elle, En même temps, on se battit sous les murailles avec la plus grande ardeur ; et les assiégés, profitant d’un vent favorable, brûlèrent une autre de nos tours. Le lendemain une mère de famille se précipita du haut des murs, et, s’étant rendue à notre camp, nous dit qu’elle avait formé le dessein de passer du côté de César avec sa maison entière ; mais que toute sa suite avait été arrêtée et égorgée. Au même instant on nous jeta du haut des murailles des tablettes, portant ces mots par écrit « L. Minucius César. Puisque Cn. Pompée m’abandonne, si tu veux m’accorder la vie, je te promets de te servir avec le même courage et le même dévouement que j’ai montrés pour sa cause. » Les assiégés renvoyèrent en même temps à César les députés qui étaient venus le trouver la première fois, pour lui dire que s’il voulait leur laisser l’existence, ils livreraient la place le lendemain. Il leur répondit qu’il était César, et qu’il tiendrait sa parole. Ainsi, avant le 19 de février on lui rendit la ville, et il fut proclamé imperator.

20. Pompée eut à peine appris par quelques fuyards cette reddition, que, décampant, il marcha vers Lucubi : s’y étant retranché, il fit bâtir des forts aux : environs. César l’y suit, et vient prendre ses positions en face de son adversaire. Vers la même époque, un soldat d’une des deux légions indigènes, étant venu un matin nous trouver comme transfuge, nous annonça que le générât ennemi, après avoir assemblé les habitans de Lucubi, leur avait enjoint de faire une recherche exacte de ses partisans et des noues. Quelque temps après la soumission de la ville, on prit dans un souterrain l’esclave qui, nous l’avons dit plus haut, avait égorgé son maître ; et il fut brûlé vif. À la même époque, huit des principaux centurions armés de cuirasses, et faisant partie d’une des deux légions levées sur les lieux, vinrent se rendre à César : il s’engagea aussi une action entre nos cavaliers et ceux de nos adversaires ; nous y eûmes quelques gens de trait tués et blessés. La nuit suivante, nous prîmes quatre espions, dont trois esclaves, et l’autre était soldat d’une des deux légions du pays. Les premiers furent mis en croix ; le soldat eut la tête tranchée.

21. Le jour suivant, plusieurs cavaliers et différentes troupes d’infanterie légère se rendirent du camp ennemi dans le nôtre. Dans le même temps onze cavaliers environ du parti de Pompée tombèrent sur ceux des nôtres qui allaient à l’eau, en tuèrent et firent prisonniers quelques-uns ; mais huit de ces mêmes cavaliers furent pris. Le lendemain. Pompée fit trancher la tête à soixante-quatorze personnes, qui passaient pour favoriser César ; et il ramena les autres dans la ville mais cent vingt s’échappèrent, et vinrent se rendre à nous.

22. Quelque temps après ceux d’Ossone, pris dans Tébala-Véja, furent députés avec quelques-uns des nôtres pour instruire les Ossoniens de l’événement, et leur représenter ce qu’ils devaient attendre du général ennemi, dont les soldats égorgeaient leurs hôtes, et dont les garnisons commettaient mille délits dans les villes où on les avait reçues. Ces députés étant arrivés à Ossone, les nôtres, qui étaient tous chevaliers romains ou sénateurs, n’osèrent y entrer : il n’y eut que ceux de la ville qui le firent. Après plusieurs conférences de part et d’autre, les personnes introduites dans les murs se retiraient pour aller joindre les nôtres qui les attendaient dehors, lorsqu’elles furent suivies par la garnison, qui de dépit les égorgea toutes, excepté deux, lesquelles s’enfuirent, et rapportèrent le fait à César. Ensuite les Ossoniens envoyèrent Tébala-Véja deux espions qui leur confirmèrent le récit des députés ; alors tous les habitans se rassemblèrent, et voulurent lapider L’auteur du massacre, disant qu’il causait leur perte. Ils étaient près de le faire périr, lorsqu’il leur demanda la permission de venir trouver César, leur promettant de lui rendre bon compte de ce qui s’était passé. Ayant obtenu cette demande, il part, réunit des troupes ; et lorsqu’il se croit assez fort, il entre secrètement de nuit dans la ville, égorge ceux des principaux et du peuple qui fui étaient contraires, et se rend maître de la place. Quelque temps après, des esclaves transfuges nous apprirent que Pompée faisait vendre les biens des habitans, et qu’il n’était permis à personne de sortir de son camp avec une ceinture, parce que, depuis la prise de Tébala-Véja, plusieurs effrayés du mauvais état des affaires, et ne, voyant aucune apparence d’un heureux retour de fortune, s’enfuyaient dans l’Estramadure. Si quelque déserteur des nôtres venait se rendre à eux, on le plaçait aussitôt dans l’infanterie légère, où il ne gagnait que seize as par jour.

23. Dans la suite César rapprocha plus encore son camp de celui des ennemis, et fit tirer une ligne jusqu’à la rivière de Guadajos. Nos troupes étaient occupées à cet ouvrage, lorsque les ennemis vinrent les attaquer des hauteurs ; et comme les nôtres ne voulaient point quitter leurs travaux ils les accablèrent de traits du poste élevé qu’ils occupaient, et en blessèrent plusieurs. Là, suivant l’expression d’Ennius, nous fûmes contraints de plier ; et comme nous nous aperçûmes que contre notre usage nous n’étions pas en état de tenir tête, deux centurions de la cinquième légion, ayant traversé le fleuve, rétablirent le combat par leur courage malgré la supériorité des ennemis. Un des deux succomba sous une grêle de traits qu’on leur lançait des hauteurs ; l’autre s’étant mis en devoir de résister seul, et se voyant investi de toutes parts, voulut battre en retraite, mais il fit un faux pas et tomba. Au moment de sa chute les ennemis accourent en foule autour de lui de leur côté nos cavaliers passent la rivière et poussent nos adversaires jusque dans leurs retranchemens ; mais les ayant poursuivis trop loin et avec une trop grande ardeur, ils furent enveloppés par la cavalerie et l’infanterie légère ; de sorte que s’ils n’eussent fait des prodiges de valeur, ils étaient tous pris car les fortifications les resserraient si étroitement, que faute de terrain, à peine pouvaient-ils exécuter leurs manœuvres. Nous eûmes, plusieurs soldats blessés dans ces deux actions, entre autres, Clodius Aquitius : mais nous n’y perdîmes que les deux centurions dont on a parlé, et que l’amour de la gloire emporta trop avant.

24. Le lendemain, les deux armées se rencontrèrent près de Soricaria. Nos troupes commencèrent à se retrancher. Pompée se voyant interdire la communication avec le fort d’Espéjo, éloigné de cinq milles de Lucubi, fut contraint d’en venir à une bataille ; mais loin de se laisser attaquer en plaine, de ta petite éminence où il était campé, il voulut se saisir d’un poste plus élevé, ce qui l’obligeait nécessairement de passer par un endroit désavantageux. Ce dessein ayant fait prendre aux deux chefs la route de cette hauteur pour s’en rendre maîtres, les ennemis furent prévenus par les nôtres qui les chassèrent de la plaine, ce qui nous donna un grand avantage : car ceux de Pompée fuyant, de toutes parts, nous en fîmes un carnage affreux. Ce fut la montagne et non la valeur qui les sauva ; et malgré leur position favorable, si la nuit ne fût survenue, nos gens, bien que très-inférieurs en nombre, les eussent entièrement défaits. Les nôtres tuèrent trois cent vingt-quatre soldats de leur infanterie légère, et cent trente-huit légionnaires, sans compter ceux dont ils recueillirent les armes et les dépouilles. Ainsi fut vengée avec usure aux dépens de l’ennemi la mort de nos deux centurions qui avait eu lieu le jour précédent.

25. Le lendemain, les troupes de Pompée s’étant rendues, suivant leur coutume, dans le même endroit, furent fidèles à leur premier plan : car, à l’exception de leur cavalerie, personne n’osait paraître en plaine. Tandis que les nôtres s’occupaient des travaux du camp, les cavaliers ennemis commencèrent à escarmoucher ; et leurs légions, poussant à la fois de grands cris, nous défiaient au combat, de sorte qu’on les croyait disposées à engager l’action. Les soldats de César sortirent donc d’un grand vallon assez bas, et s’arrêtèrent en plaine dans un terrain uni ; mais nul ennemi n’osa s’avancer, excepté un certain Antistius Turpion, qui, comptant sur ses forces, s’imagina qu’aucun de nous ne pourrait lui résister. Là, comme disent les poëtes on vit se renouveler la lutte d’Achille et de Memnon car Q. Pompéius Niger, chevalier romain d’Alcala sortit de nos rangs pour le combattre. L’air martial et imposant d’Antistius avait attiré les regards de toutes les troupes qui abandonnèrent de suite les travaux pour être spectatrices de ce combat. La victoire semblait douteuse entre deux guerriers si redoutables ; et l’on eût dit que la décision de la guerre dépendait du triomphe de l’un ou de l’autre. Ainsi les deux partis désirant avec la même ardeur voir leur champion remporter les honneurs du combat les uns et les autres attendaient l’événement dans une égale impatience. Ils en vinrent donc aux mains avec le plus grand courage, couverts d’une armure également brillante et d’un travail admirable et certes leur combat aurait été bientôt terminé, si, comme nous l’avons dit, l’infanterie légère de Pompée ne s’était postée assez proche de notre camp, afin de pouvoir soutenir sa cavalerie…

(Il manque ici quelque chose au texte.)

Cependant la nôtre, se retirant et reprenant le chemin du camp, fut vivement poursuivie ; mais nos soldats, se réunissant, chargent leurs adversaires avec de grands cris, les mettent en fuite, et les forcent de regagner leur camp après une perte considérable.

26. César, en récompense de la valeur qu’il avait déployée en cette occasion, donna treize mille sesterces au corps de cavalerie de Cassius, dix mille à l’infanterie légère, et à Cassius cinq colliers d’or. Ce même Jour, A. Bébius, C. Flavius et A. Trébellius, chevaliers romains de la ville de Xérez, vinrent se rendre à notre général avec un équipage très-magnifique. On apprit d’eux que tous les chevaliers romains qui servaient sous Pompée avaient conçu le projet de passer aussi dans son camp ; mais que, sur la dénonciation d’un esclave on s’était assuré de leurs personnes, et qu’eux-mêmes ayant trouvé une occasion favorable, ils en avaient profité pour s’enfuir. Le même jour, on intercepta des lettres qu’écrivait Pompée à Osone ; voici leur contenu : « Si vous vous portez bien, j’en suis charmé ; quant à moi, je suis aussi en bonne santé. Quoique nous ayons eu jusqu’à présent le bonheur de repousser l’ennemi, cependant je terminerais la guerre plus tôt encore que vous ne pensez, s’il voulait en venir aux mains en plaine ; mais il n’ose exposer aux risques d’une bataille des troupes composées de nouveaux soldats ; et à la faveur de nos forts il prolonge la campagne. Il tient toutes les villes assiégées, et c’est de là qu’il tire des vivres. J’apporte donc tous mes soins à conserver celles de notre parti ; et au premier jour je mettrai fin à la guerre. J’ai dessein de vous envoyer quelques cohortes. Il est certain qu’en ôtant à l’ennemi la ressource de nos vivres, nous le forcerons malgré lui d’en venir à un combat.

27. Dans la suite, les nôtres étant occupés aux travaux sans garder beaucoup d’ordre, les ennemis nous tuèrent quelques cavaliers dans un plant d’oliviers où ils faisaient du bois. Plusieurs esclaves transfuges rapportèrent que, depuis l’action qui avait eu lieu proche de Soricia, le 5 mars, les ennemis étaient dans une crainte continuelle et qu’Attius Varus veinait sans cesse à la garde de leurs forts. Le même jour Pompée décampa et vint se poster près de Séville, dans un bois d’oliviers ; et avant que César eût pris la même route, la lune se montra vers midi. De là, Pompée ayant marché vers Lucubi donna ordre à ses troupes, en quittant cette place, d’y mettre le feu, et de se retirer ensuite dans leur grand camp. César ayant ensuite attaqué la ville de Ventispont, et l’ayant forcée de se rendre, marcha vers Carruca, et prit ses positions en face de Pompée. Ce dernier brûla cette ville, parce qu’elle avait refusé de lui ouvrir ses portes. En même temps, un soldat qui avait égorgé son frère dans le camp fut découvert par les nôtres qui le tuèrent à coups de bâton. De là, César continuant sa route arrive dans la plaine de Munda, et campe vis-à-vis de Pompée.

28. Le jour suivant, comme il se disposait à partir avec ses troupes, ses coureurs vinrent lui dire que Pompée était en bataille depuis minuit. À cette nouvelle, il donne le signal du combat. Pompée ne s’était hasardé à faire cette démarche que parce que, peu de temps auparavant, il avait mandé, à ceux d’Ossone qui étaient dans ses intérêts, que César refusait la bataille, vu la faiblesse des nouvelles levées qui formaient ses troupes. Ces lettres redoublaient en faveur de sa cause les bonnes dispositions des habitans. Ainsi, dans l’opinion avantageuse qu’il avait d’eux, il se croyait en état de tout entreprendre, car il se trouvait défendu et par la nature du lieu où était son camp, et par les fortifications de la place. En effet, nous l’avons dit, toute cette contrée est fort montueuse, et par là même excellente pour la défense. Aucune plaine ne sépare les hauteurs.

29. Je ne crois pas devoir passer sous silence ce qui eut lieu en cette occasion. Entre les deux camps, se trouvait, une plaine d’environ cinq milles d’étendue, située de manière que le camp de l’ennemi était également protégé par la nature du terrain, et par la position élevée de la ville. Du pied de ce camp, la plaine commençait à s’étendre, et était d’abord traversée par un ruisseau qui rendait l’approche du camp fort difficile, parce que, sur la droite, il formait un marais plein de gouffres. Voyant l’armée ennemie rangée en bataille, César ne douta point qu’elle ne s’avançât jusqu’au milieu de la plaine pour en venir aux mains. Les deux partis étaient en présence : la plaine offrait un terrain très-propre aux évolutions de cavalerie ; et le jour était si beau et si serein, qu’il semblait que les dieux immortels l’eussent préparé d’avance pour éclairer une bataille. Les nôtres s’en applaudissaient ; plusieurs néanmoins éprouvaient quelque inquiétude, quand ils faisaient réflexion qu’ils en étaient enfin venus au point que, dans une heure, le hasard allait décider de leurs biens et de leur vie. Nos troupes marchèrent donc au combat, persuadées que l’ennemi suivrait leur exemple. Mais il n’osa jamais s’éloigner de plus d’un mille de la ville et de ses murailles, à l’abri desquelles il avait résolu de combattre. Nous continuâmes donc d’aller en avant ; et bien que l’avantage du terrain invitât quelquefois nos adversaires à en profiter pour marcher à la victoire, cependant ils persistèrent constamment dans leur dessein de ne point abandonner leurs hauteurs, et de ne point s’éloigner des murs de la place. Nos soldats s’étant approchés lentement des bords du ruisseau, les ennemis ne cessèrent de défendre ce poste défavorable.

30. Leur armée se composait de treize tenons couvertes sur les ailes par la cavalerie, et par six mille hommes d’infanterie légère. Leurs troupes auxiliaires montaient à peu près au même nombre. Nous n’avions que quatre-vingts cohortes de fantassins et huit mille chevaux. Quand nous approchâmes de l’extrémité de la plaine, vers un endroit fort désavantageux, l’ennemi se tenait tout prêt à nous charger des hauteurs, de sorte qu’il eût été fort dangereux d’y passer. César qui s’en aperçut ne voulut pas que ses troupes fussent exposées par sa faute, et leur Exa le point jusqu’où elles pouvaient avancer. Quand eues eurent entendu cet ordre, elles en manifestèrent leur ressentiment, se plaignant qu’on leur arrachât des mains la victoire. Ce retard redoublait i’ardeur des ennemis ils crurent que nous redoutions d’en venir aux mains avec eux. S’avançant donc fièrement, ils s’engagèrent dans un poste désavantageux, dont nous ne pouvions cependant approcher sans un péril extrême. La dixième légion était à l’aile droite suivant l’ordre accoutumé ; la troisième et la cinquième à la gauche, avec les troupes auxiliaires et les cavaliers. Enfin on en vint aux mains avec de grands cris.

31. Bien que les nôtres l’emportassent en courage, néanmoins l’ennemi se défendait très-bien de sa hauteur on poussait de part et d’autre des cris prolongés, et les traits volaient également des deux côtés : de sorte que tes nôtres désespéraient pour ainsi dire de la victoire ; car l’attaque et les cris qui servent surtout à épouvanter l’ennemi se répondaient mutuellement dans cette circonstance. Cependant quoique la bravoure parût égale, grand nombre d’ennemis furent d’abord percés des coups de nos pilum. Nous avons dit que la dixième légion était à l’aile droite ; et bien qu’elle fût peu nombreuse, elle se rendait fort redoutable par son courage, et pressa si vivement les ennemis de son côté, que pour se soutenir et n’être pas pris en flanc ils furent contraints de faire passer une légion à leur aile droite. À peine eut-on exécuté ce mouvement, que nos cavaliers se mirent à charger l’aile gauche ennemie ; et les deux armées se mêlèrent avec tant de valeur, qu’il était impossible de leur donner aucun secours. Là le cliquetis des armes, s’unissant aux cris et aux gémissemens des mourans remplissait d’effroi le cœur des soldats novices ; et, comme le dit Ennius, on se battait pied contre pied, et le glaive serrait le glaive. Enfin, quoique les ennemis combattissent avec une extrême vigueur, les nôtres commencèrent à les pousser, et les forcèrent de se réfugier sous les murs de la ville. Ainsi le propre jour de la fête de Bacchus, les partisans de Pompée battus et mis en fuite eussent tous été passés au fil de l’épée, s’ils. n’avaient cherché un asile dans le même lieu d’où ils étaient sortis. L’ennemi perdit au moins trente mille hommes, outre Labiénus et Attius Varus auxquels on fit des obsèques : il eut aussi à regretter trois mille chevaliers romains, tant d’Italie que de la province. Nous y eûmes mille morts, cavaliers ou fantassins, et environ cinq cents blessés. Nous gagnâmes treize aigles, les enseignes, les faisceaux. Dix-sept de leurs principaux lieutenans furent de plus faits prisonniers. Telle fut l’issue de cette bataille.

32. Les débris de l’armée vaincue s’étant réfugiés dans Munda pour s’y défendre, César fut contraint de faire le siège de cette ville. Lorsqu’on en forma la circonvallation, les armes et les cadavres des ennemis tinrent lieu de gazon : la palissade fut composée de leurs javelots et de leurs dards, où paraissaient suspendus leurs boucliers ; au-dessus s’élevaient leurs épées et leurs lances ; les têtes de leurs morts comme rangées en ordre étaient tournées toutes vers la place. Ce fut de ces marques redoutables de notre bravoure, preuves éclatantes et bien propres à inspirer la terreur, que l’on environna la ville et les ennemis. Ainsi les Gaulois procèdent à l’attaque d’une place forte, après des l’avoir comme investie des cadavres de leurs adversaires qu’ils entremêlent de piques et de traits. Après cette défaite, le jeune Valérius, fuyant à Cordoue avec quelque cavalerie, informa de l’événement Sext. Pompée qui était dans sa ville. Sur cette nouvelle, celui-ci, distribuant entre ses cavaliers tout l’ardu gent qu’il pouvait avoir, sort de la place vers neuf heures de l’après-midi, après avoir fait entendre aux habitans qu’il allait trouver César pour traiter de la paix. Quant à Cnéius, suivi d’une poignée de cavaliers et de fantassins, il prit, pour aller joindre sa flotte, le chemin de Tariffe, ville distante de Cordoue d’environ cinquante-sept lieues ; et lorsqu’il n’en fut plus qu’à trois, te P. Calvitius, son ancien lieutenant, écrivit en son nom qu’on lui envoyât une litière pour le porter dans la ville, parce qu’il était malade. Sur la réception de cette lettre, Pompée fut transporté à Tariffe. Ses partisans vinrent aussitôt (on pense que ce fut en secret) le trouver dans la maison où il était descendu afin de prendre ses ordres relativement à la guerre ; et les voyant réunis en grand nombre auprès de sa personne, sans sortir de litière, il se met sous leur protection.

33. Après la victoire de Munda, César, avant formé le blocus de cette ville, se rendit à Cordoue ; ceux qui étaient échappés de la défaite s’y emparèrent du pont. Quand nous y fûmes arrivés ils commencèrent leurs bravades, nous criant que nous n’étions qu’une poignée de fuyards, et nous demandant où nous voulions nous réfugier. En même temps, ils nous attaquèrent au passage du pont. César traverse le fleuve et campe devant la ville. Là, s’était retiré après la bataille Scapula, le principal auteur du soulèvement des ainanchis et des esclaves ; s’y voyant assiégé, il les assembla tous, se fit élever un bûcher, et dresser une table magnifique ; ayant soin que la salle du festin fût décorée des plus riches tapis de pourpre ; puis, après avoir distribué sa vaisselle et son argent à ses domestiques, il soupa de bonne heure, but du vin mêlé de nard et de résine : ensuite, sur la fin du repas, il se fit tuer par un de ses esclaves, tandis qu’un affranchi, qui servait à ses débauches allumait le bûcher suivant son ordre.

34. À peine César eut-il pris ses positions devant la ville, que la discorde en vint à un tel point entre les habitans, dont les uns tenaient pour nous, les autres pour Pompée, qu’on les entendait presque de notre camp. Durant ces troubles, vinrent se rendre à César quelques légions qui se trouvaient dans la place, et composées pour la plupart de fugitifs, et des esclaves des habitans de la ville, qu’avait affranchis Sext. Pompée. Mais la treizième légion se mit en devoir de défendre Cordoue, et, malgré les partisans de César, elle s’empara des murailles et d’une partie des tours. Ceux-ci députent une seconde fois vers César, pour le prier de faire entrer ses légions à leur secours. Ceux qui s’étaient sauvés de la bataille, , voyant cette résolution, mirent le feu à te la ville : les nôtres y pénètrent, chargent ces incendiaires, les taillent en pièces, et leur tuent vingt-deux mille hommes, sans compter ceux qui furent massacrés hors des remparts. Ainsi César demeura maître de la place. oc Pendant le séjour qu’il y fit, ceux qui, après la déroute, s’étaient réfugiés dans Munda, comme on l’a vu, et que nous y avions enfermés, firent une sortie, où furent tués plusieurs d’entre eus ; on repoussa le reste dans la ville.

35. De là César marche sur Séville, fat qui de suite lui envoie dès députés pour le fléchir. Il leur promit de conserver la ville ; et dans cette intention y fit entrer Caninius, son lieutenant, avec des troupes : pour lui il campa hors de ses murs. Il y avait dans la place une forte garnison des troupes de Pompée, qui, pleines d’indignation que l’on y eût introduit celles de César, dépêchèrent à leur insu et fort secrètement un certain Philon, ardent partisan de me Pompée, et très-connu en Portugal, vers Cécilius Niger, surnommé le Barbare, qui campait à Lénium avec une troupe nombreuse de Portugais. De retour, Philon fut reçu dans la ville pendant la nuit ; il y entra par escalade, égorgea les sentinelles et la garnison de César, fit fermer les portes, et commença de nouveau à se mettre en défense.

36. Sur ces entrefaites, des députés et de Tariffe vinrent apprendre à César qu’ils étaient maîtres de la personne de Pompée, espérant par ce service réparer la faute qu’ils avaient faite auparavant de lui fermer leurs portes. Cependant les Portugais entrés dans Séville continuaient à s’y défendre ; et César craignant que s’il faisait donner un assaut à la place, de tels scélérats n’y missent le feu et n’en détruisissent les murailles, résolut de les laisser sortir pendant la nuit ; ce qu’ils l’avait crurent pouvoir exécuter à son insu. En sortant, ils brûlent les vaisseaux qui étaient sur le Guadalquivir, et si prennent la fuite tandis que nous étions occupes à éteindre l’incendie ; mais nos cavaliers les atteignent et les taillent s en pièces. Ensuite César, ayant repris Séville, marcha sur Xérez, qui lui envoya des députés pour se soumettre. Dans le même temps, ceux qui après la bataille s’étaient retirés à Munda, fatigués de la longueur du siège, se rendirent pour la plupart ; et l’on en forma une légion. Ensuite ils complotèrent, entre eux et les assiégés, de tomber la nuit, à un certain signal, sur nos soldats qui étaient dans le camp, tandis que ceux de la ville feraient une sortie. Leur trahison découverte, la nuit suivante vers minuit, au mot dont on était convenu, ils furent tous conduits hors des retranchemens, et passés au fil de l’épée.

37. Pendant que César était occupé à soumettre sur son passage le reste des villes de la province, il s’éleva dans Tariffe une émeute au sujet de Pompée entre ceux qui avaient député vers nous et les personnes du parti contraire. Au milieu du feu de la sédition, les derniers se saisissent des portes, et font un grand carnage des autres. Blessé lui-même, Pompée gagne ses vaisseaux et s’enfuit avec trente galères. Instruit de sa fuite, Didius, qui commandait notre flotte devant Cadix, se mit aussitôt à le poursuivre : en même temps il répandit des cavaliers et des fantassins sur le rivage, pour qu’il ne pût lui échapper. Dans son départ précipité de Tariffe, Pompée n’avait pas eu le temps de se pourvoir d’eau aussi fut-il contraint, après quatre jours de navigation, de relâcher sur la côte pour s’en procurer ; et Didius qui le suivait, l’ayant atteint dans ces circonstances, lui prit quelques vaisseaux et brûla le reste.

38. Pompée prit la fuite, suivi d’un petit nombre des siens, et se rendit d’abord maître d’un poste fortifié par sa situation ; mais averties par les coureurs, notre cavalerie et nos cohortes envoyées à sa poursuite marchèrent nuit et jour pour le joindre. Il était grièvement blessé à l’épaule et à la jambe gauche : il s’était de plus donné une entorse, qui le retardait encore ; de sorte qu’en quittant la tour où il s’était réfugie, il fut réduit à se faire diporter en litière. Un Portugais qui marchait devant, selon l’usage militaire, l’ayant fait reconnaître, elle est de suite environnée de nos cohortes et de notre cavalerie. Se voyant découvert par la faute des siens, Pompée regagne au plus vite le poste avantageux qu’il avait occupé d’abord : mais bien qu’il fût d’un difficile accès, et que, vu l’avantage du terrain, on pût aisément le défendre contre des troupes plus nombreuses, les nôtres ne balancèrent point à l’attaquer. Repoussées d’abord à coups de traits, elles battirent en retraite ; ce qui, en redoublant l’ardeur de l’ennemi dans sa poursuite, rendait les approches du fort plus difficiles. L’obstacle se renouvelant, malgré la continuité de leurs manœuvres les nôtres reconnurent qu’ils ne pouvaient forcer les vaincus qu’en s’exposant aux plus grands périls ; ils se déterminèrent donc à les assiéger en forme. Cette résolution prise, ils élèvent en très-peu de temps et avec une grande activité sur la pente de la colline une terrasse d’une hauteur capable de les mettre à même d’en venir aux mains avec les ennemis ; ceux-ci s’en étant aperçus cherchent aussitôt leur salut dans la fuite.

39. Comme on l’a vu blessé dangereusement, et de plus ayant le pied foulé. Pompée n’était pas en état de fuir bien vite. La nature du terrain ne lui permettait de se servir ni du cheval ni de la litière pour se sauver : et nos troupes massacraient de toutes parts les siens débusqués de leur fort, et dépourvus de secours. Alors se réfugiant dans le vallon, il se cacha au fond d’une espèce de caverne creusée dans le roc, où nous n’aurions pu aisément le découvrir, si quelques prisonniers n’eussent décelé sa retraité. Il y fut tué. Le 12 avril, César étant à Cadix, sa tête fut portée dans Séville, et exposée aux regards du peuple.

40. Après la mort du jeune Cn. Pompée, le même Didius dont on vient de faire mention, transporté d’un si heureux succès, fit meure à sec quelques-uns de ses vaisseaux pour les réparer ; et se retira dans un château voisin. Cependant les Portugais échappés de la déroute se radièrent en assez grand nombre, et revinrent l’assaillir. Quoiqu’il fût très-attentif à garder ses vaisseaux, il se trouvait aussi quelquefois obligé de faire des sorties pour réprimer leurs courses fréquentes. Ces escarmouches, qui se répétaient tous les jours, leur donnèrent lieu de lui dresser une embuscade ; et en conséquence ils se partagèrent en trois corps. Les uns étaient destinés à incendier la flotte, et devaient rejoindre le gros des troupes après cette expédition ; les autres s’étaient postés de manière que, sans pouvoir être aperçus, ils se tenaient prêts à charger l’ennemi. Ainsi Didius étant sorti de sa citadelle avec des forces pour les repousser, à un certain signal, un des corps portugais vint mettre le feu aux navires, tandis que les autres, s’élançant de leur embuscade en poussant de grands cris, se jetèrent sur l’arrière-garde des troupes sorties du château afin de poursuivre ces brigands dans leur fuite. Didius est tué avec plusieurs des siens, après avoir fait des prodiges de valeur. Quelques-uns se sauvent dans des chaloupes qu’ils trouvent sur le rivage ; d’autres atteignent en nageant les, galères qui étaient à l’ancre, et, coupant les câbles, gagnent la haute mer à force de rames ; ce qui fut la cause de leur salut. Les Portugais s’emparent du butin. De Cadix César retourne à Séville.

41. Cependant Fabius Maximus, qu’il avait laissé comme chef au camp de Munda, poussait les travaux du siége ; de sorte que, se voyant enfermés de toutes parts, les ennemis résolurent de se battre entre eux. Le carnage fut grand ; ensuite ils font une sortie. Nous profitâmes de cette occasion pour nous rendre maîtres de la ville, où nous fîmes le reste prisonniers ; et de là nous marchâmes sur Ossone, place non moins forte par sa position que par l’art, et dont la grandeur et les travaux multipliés semblaient devoir détourner un ennemi quelconque d’y mettre le siége. D’ailleurs il n’y avait de l’eau que dans la ville ; et à huit milles aux environs il eût été impossible de trouver le moindre ruisseau : ce qui était d’un grand secours pour les habitans. Ajoutez que pour avoir du gazon propre à former des retranchemens, et du bois nécessaire pour élever des tours, il fallait l’aller chercher à deux lieues de là : car Pompée, ayant coupé tous les bois environnans, les avait fait porter dans la place pour en rendre l’attaque plus difficile. Ainsi les nôtres étaient nécessairement contraints d’en tirer de Munda, qu’ils venaient de prendre.

42. Tandis que ces événemens se passent à Munda et à Ossone, César, qui de Cadix était retourné dans Séville, y tint le jour suivant une grande assemblée ; là il rappelle, qu’au commencement de sa questure, il avait particulièrement affectionné cette province ; qu’après lui avoir témoigné la plus tendre bienveillance, il l’avait comblée de tous les priviléges imaginables ; qu’ensuite, pendant sa préture, il avait obtenu du sénat en sa faveur la remise des impôts dont s’était plu de la charger Métellus, et qu’il avait affranchie de cette opposition ; qu’en même temps, s’étant déclaré son protecteur, il avait procuré plusieurs fois à ses députés l’honneur d’être admis au sénat, et qu’il s’était attiré une foule d’ennemis, en défendant leurs intérêts privés et publics ; qu’enfin, pendant son consulat, et bien qu’abusent, il avait rendu à la province tous les services possibles ; que cependant, au lieu de payer de reconnaissance tant de bienfaits, ils s’étaient toujours montrés ingrats, et envers lui et envers le peuple romain, non-seulement dans cette guerre, mais dans toutes les précédentes ; c’est ainsi qu’il les avait éprouvés. « Quoique vous connussiez bien, ajouta t-il, le droit des gens, et celui des citoyens romains, vous les avez violés comme des Barbares, en portant mille fois vos mains profanes sur la personne sacrée des magistrats de Rome ; en plein jour, vous avez voulu assassiner Cassius au milieu de la place publique ; vous avez été si mortels ennemis de la paix, que la république était toujours obligée d’entretenir chez vous des légions ; les bienfaits sont à vos yeux des injures, les injures des bienfaits ; et jamais vous n’avez pu montrer ni union dans la paix, ni valeur dans la guerre ; le jeune Pompée a trouvé chez vous un asile dans sa fuite ; vous avez souffert que, simple particulier, il usurpât les faisceaux et le souverain pouvoir. Après avoir massacré des milliers de citoyens romains, il leva des troupes. contre la république, et c’est à votre instigation qu’il ravagea vos terres et pilla la province. Et de qui pensiez-vous donc être vainqueurs ? Moi détruit, ignoriez-vous qu’il restait au peuple romain dix légions, capables non-seulement de vous résister, mais même d’escalader le ciel ?… »


Le prologue du huitième livre de la Guerre des Gaules, dans lequel Hirtius rend compte des motifs qui le décident à continuer les Commentaires, devrait faire admettre qu’il est aussi l’auteur des livres que nous avons sur la guerre d’Égypte, d’Afrique et d’Espagne, si les anciens eux-mêmes ne les eussent attribués tantôt à Oppius et tantôt à Julius Celsus. Les noms de Hirtius et d’Oppius préviennent également le lecteur en faveur de ces livres. Le premier, qui remplit la charge de consul à la tête des armées, était bien capable de décrire des actions militaires ; Oppius, l’ami le plus intime de César, possédait les meilleurs documens sur la vie de ce grand capitaine qui s’était fait un plaisir de lui adresser les relations les plus authentiques de ses campagnes, et de lui confier même tous ses secrets. Il est au moins probable que l’un ayant fourni à l’autre les Mémoires relatifs à ces guerres, tous deux ont passé long-temps pour les auteurs des livres dont nous parlons, jusqu’à ce qu’un Julius Celsus, quelques siècles plus tard, se chargea du soin de les revoir, et les altéra. Quoi qu’il en soit, il devient incontestable que les opérations militaires qui sont exposées dans ces livres n’ont pu être écrites que par un témoin oculaire, ou par des contemporains aussi bien instruits que l’étaient Hirtius et Oppius.