Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Extrait du prospectus

Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1
La Bibliothèque Canadienne, Tome I, Numéro 1, Texte établi par M Bibaud, éditeur et propriétaire, Imprimerie J. LaneVolume I, Numéro 1 (juin 1825) (p. 3-4).

La Bibliothèque Canadienne.

Tome 1.
JUIN, 1825.
Numéro 1.

EXTRAIT DU PROSPECTUS.


Nul homme instruit ne peut, il nous semble, révoquer en doute l’utilité, la nécessité même, dans le Bas-Canada, d’un ouvrage comme celui que nous commençons de publier. « Il n’y a pas ici » a dit dernièrement un correspondant du Spectateur Canadien, « une seule de ces feuilles périodiques au moyen de laquelle on puisse faire connaître les idées, ou les ouvrages qui ont cours ailleurs, et ont quelque prix aux yeux des hommes instruits de tous les pays, le nôtre excepté, sur la littérature, les arts, les sciences… Que de réflexions pénibles à faire sur cet état de choses !… que deviendrions-nous, s’il durait ?… Détournons les yeux de ce spectacle affligeant : espérons qu’il se trouvera parmi nous assez de raison et d’esprit public pour effacer ce que l’on peut appeler une tache à notre pays. »

En effet, un savant ou un littérateur étranger qui voyagerait dans le Bas-Canada, et y observerait l’état de la société, sous le rapport de la littérature et des sciences, serait sans doute fort surpris de voir que dans cette province, peuplée d’un demi million d’individus parlant la langue française, il ne se publie pas en cette langue un seul journal littéraire et scientifique ; et il ne pourrait s’empêcher d’en conclure, avec une grande apparence de vérité, quoiqu’à faux dans le fonds, que parmi les Canadiens d’origine française, il n’y a pas un seul homme capable de conduire un journal de ce genre, ou pas assez de lecteurs instruits, ou amis de l’instruction, pour le soutenir.

Faire disparaître ce qui peut réellement être regardé comme une tache à notre pays ; répandre parmi la généralité de ses habitants la connaissance de ce que les sciences, les arts et les lettres offrent de plus agréable et de plus utile dans le commerce de la vie ; encourager et propager, autant qu’on le peut faire au moyen de la publication, parmi les Canadiens, tous les genres d’industrie dont leur pays est capable ; faire ressortir, par un éloge mérité, les talens et les connaissances souvent trop inconnus ou trop modestes de nos compatriotes, morts ou vivants ; mettre au jour des monuments littéraires, des traits d’histoire, ou des faits à l’honneur ou à l’avantage du pays, restés jusqu’à cette heure dans l’obscurité ; inspirer à nos jeunes compatriotes le goût de l’étude et de l’instruction, et faire naître ou entretenir parmi eux une noble et louable émulation ; enfin, faire connaître toute l’étendue de pays qu’on appelle, ou qu’on peut appeler Canada, mieux et plus avantageusement qu’il ne l’est même de ses propres habitans : tels sont les principaux objets que nous avons en vue, en entreprenant de publier la Bibliothèque Canadienne.

La tâche que nous annonçons est forte sans doute, et il y aurait de la témérité de notre part à nous en charger, si nous comptions uniquement pour y réussir sur des connaissances aussi bornées et des talens aussi médiocres, que ceux que nous pouvons posséder. Nous ferons nous-mêmes tout ce que nos faibles moyens personnels nous permettront de faire pour donner à notre journal le mérite de l’intérêt local et de l’originalité, en mettant au jour nos propres idées, ou en accompagnant de réflexions les extraits que nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs ; mais pour faire en sorte que l’épigraphe que nous avons adoptée ne paraisse pas trop disconvenir à notre travail ; pour parvenir au but désirable de joindre véritablement ensemble l’utile et l’agréable, nous regarderons la correspondance, les secours littéraires et scientifiques de nos concitoyens éclairés, comme notre principale ressource. Ces secours nous seront indispensablement nécessaires, avec les ouvrages publiés depuis peu dans le Canada, ou sur le Canada, et les journaux qui s’y impriment, pour connaître et faire connaître l’état actuel du pays, sa topographie, son agriculture, son commerce, les progrès de l’éducation, &c.

Pour l’histoire naturelle, l’histoire littéraire et politique de ce pays, &c. les sources où nous nous proposons de puiser principalement sont les historiens du Canada, les lettres des anciens missionnaires Jésuites et autres, les voyages au Canada, les anciens journaux publiés dans le pays, les mémoires imprimés ou inédits, quand on voudra bien nous en communiquer de tels, et les autres documens qui pourront nous tomber sous la main.

Un journal comme celui que nous commençons de publier, ne peut s’entreprendre ni se soutenir, sans un puissant encouragement ; cet encouragement nécessaire, nous prenons la liberté de le solliciter, et osons espérer l’obtenir de la part de nos compatriotes instruits, et amis de l’instruction, ainsi que de l’honneur et de la prospérité de leur pays.


P. S. Nous prenons la liberté d’adresser ce premier Numéro de la Bibliothèque Canadienne, aux personnes notables, Seigneurs, Curés, Négocians, Médecins, Notaires, et autres, que nous pouvons supposer n’avoir pas vu le Prospectus, ou qui ont voulu voir un échantillon de l’ouvrage, avant de se décider à souscrire. Celles d’entre ces personnes qui ne seraient pas disposées à souscrire, sont priées de le faire savoir, et de vouloir bien remettre ce numéro, à l’Agent dans leur endroit.