Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Botanique
BOTANIQUE.
Un médecin français, nommé Jacques Cornutus, ou Cornuti, qui voyagea, il parait, en Amérique, dans le XVIIème siècle, a donné en latin, en un volume in-quarto, Paris, 1685, une Description des Plantes du Canada, ou plutôt de l’Amérique Septentrionale, car de son tems, on comprenait sous le nom de Canada, une grande partie de ce qu’on appelle présentement États-Unis. Si le livre de Cornutus se trouve dans ce pays, et s’il mérite d’être consulté aujourd’hui, c’est ce que nous ignorons : il paraît pourtant que c’est de lui que Charlevoix a emprunté en grande partie ce qu’il dit des principales plantes du Canada, à la fin de son histoire. La description de ces plantes diffère un peu, quant aux termes techniques, &c. même dans Charlevoix, de celle qu’en pourraient donner des botanistes modernes, parcequ’à l’époque où elle a été écrite, le système de Linnée, généralement adopté depuis, n’était pas encore développé ; mais elle n’en est peut-être que plus intelligible pour le commun des lecteurs. Nous transcrirons, en attendant mieux s’il est possible, une partie de l’ouvrage de Charlevoix, persuadés qu’il ne se trouve que chez un petit nombre de nos lecteurs.
Fougère qui porte des baies. Filix baccifera. — C’est la seule fougère qui porte des baies. Elle s’élève à la hauteur d’un pied et demi. Ses feuilles opposées sont ailées et dentelées. Sa tige, qui ne plie guère sans se rompre, est ronde et canelée. Les rudimens des semences tiennent aux feuilles par derrière, et produisent des baies fendues en deux, rondes, et qui deviennent noires et ont un goût fort agréable. Ces baies sont mûres au milieu de l’été.
Origan du Canada. Origanum fistulosum canadense. — Les tuyaux des fleurs de cette plante représentent assez bien une flûte de cannes. Les tiges sont quarrées, et quelquefois à plusieurs angles : toutes sont velues, et poussent plusieurs branches. Les feuilles sont longues, et d’un vert clair : elles couvrent toute la tige jusqu’au calice, où est la fleur, dont la base est environnée de dix ou douze feuilles (stipules) plus petites que celles de la tige. Cette fleur ne ressemble pas mal à celle de la scabieuse, mais elle est plus basse et plus aplatie. Elle est composée d’un nombre de petits calices, &c. d’où il sort de petits tuyaux bien rangés, de couleur de pourpre.
Grande Roquette du Canada. Eruca maxima canadensis. — C’est une plante de la hauteur d’environ cinq pieds. Elle pousse plusieurs branches rondes et couvertes d’une espèce de bourre assez rude ; ces branches ont beaucoup de feuilles, longues, pointues, dentelées, et ornées d’un léger duvet. La roquette porte une très grande quantité de petites fleurs qui paraissent aux mois de juin et de juillet. Elles sont jaunes, et n’ont que quatre pétales, avec un pistil et quatre étamines. Quand la fleur est tombée, le pistil devient une gousse allongée, droite, remplie de petites semences fort douces au goût, qui sont mûres au mois d’août, et tombent en septembre.
Thaliétrum du Canada. — La hauteur de cette plante est de trois pieds : sa racine pousse plusieurs tiges d’un pourpre foncé, partagées par des nœuds d’où sortent d’autres tiges plus petites, séparées des principales par des valvules blanchâtres. Ses feuilles triangulaires ressemblent pour la forme à celles de l’ancholie, mais sont d’un vert mêlé de blanc. Les tiges sont terminées par un bouton de fleurs fort petites. Les boutons en sont d’un pourpre clair, et quand ils s’ouvrent, ils se divisent en cinq feuilles (pétales) qui découvrent une infinité de petits filamens blancs, dont les têtes (anthères) sont jaunes.
Aconit du Canada. Aconitum canadense, baccis niveis et rubris. — Cette plante croît dans les lieux montagneux et couverts : les deux espèces ne diffèrent que par la couleur de leurs baies, dont les unes sont blanches et les autres rouges. La tige s’élève d’environ un pied et demi. La racine est noire, et ne s’étend ni en profondeur ni en superficie, mais jette des fibres (ou radicules) qui l’attachent fortement à la terre. Les feuilles ressemblent à celles de la vigne ou du ribès, mais elles sont plus petites et plus ridées, et d’un vert plus obscur. L’extrémité de chaque grain de la baie est marquée d’un point pourpre, aussi bien que le pédicule assez long qui le soutient.
Cette plante vénéneuse est très commune, à ce que nous croyons, sur la montagne de Montréal.