Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore/01


I.

POÉSIES DE 1819



I.

POÉSIES DE 1819

ÉLÉGIES, || MARIE, || ET || ROMANCES. || Par Mme Marceline Desbordes. || À Paris, || Chez François Louis, libraire, || Rue Haute-feuille, N° 10. || 1819. ||

Trois parties en un volume in-12 de 72 pages, dont les deux premières ne sont pas chiffrées (le faux-titre porte au verso : Imprimerie de Richomme, Rue Saint-Jacques, N° 67 ; titre blanc au verso, et début du texte) ; 92 pages ; 52 pages.

La première partie contient les Élégies, et la table occupe les deux dernières pages ; la seconde contient Marie (nouvelle en prose), et la dernière les Romances.

La première partie est d’une typographie plus serrée.

Frontispice (Marie. Mais par où tourner, ma mère…), gravé par Dupréel ; une planche (Me voici devant la chapelle…), gravée par Johannot d’après Desenne (p. 23), qui avait déjà servi pour l’Almanach des Muses de 1816 ; une planche (Son œil mourant s’entr’ouvre à la lumière…), non signée (p. 40) ; une planche (Courez, petit enfant…), gravée par Lecerf d’après Chasselat (p. 67).

HISTOIRE. Le volume que nous décrivons ici est l’édition originale du premier recueil de Marceline Desbordes-Valmore. Cette édition est devenue fort rare. t POÉSIES DE 1819 C’est par l’entremise du docteur Alibert, dont il sera question plus loin, que Marceline était entrée en rapports avec le libraire Louis qui publia ce volume. Tandis que le livre s’imprimait, Marceline jouait au Théâtre de La Monnaie de Bruxelles où elle tenait l’emploi des jeunes premières. La correspondance relative à l’impression du volume est inédite en majeure partie ; nous la reproduisons ci-dessous d’après les originaux qui, tous, sauf le premier, sont conservés à Lille dans la collection H. de Favreuil. La plus ancienne de ces lettres est datée du 15 mars 1818 (1) ; elle est adressée par Marceline à "Monsieur Louis, libraire, rue Haute-Feuille n° 8 à Paris : Bruxelles, 15 mars 1818. "Monsieur, "J’ai reçu de M. Alibert, une lettre à laquelle je me serais. empressée de répondre, si je n’eusse été enchaînée par le tra- vail : il est si bon qu’il daignera m’excuser. Vous l’êtes trop pour m’en vouloir aussi. Cette semaine m’offre une trêve, et j’en profite. (1 " Ecoutez-moi, Monsieur, je ne suis pas contente de vous. Vous m’avez donné des éloges auxquels j’ai cru malgré moi petit à petit. Ils m’ont amenée à rêver que je pouvais risquer l’impression, puis qu’avec votre goût, des lumières que je n’ai pas, vous paraissiez le désirer un peu. Le prix que vous at- tachez vous-même à ces poésies, qui ne méritent peut-être que ce nom, me prouve clairement qu’elles sont dignes du feu. Hélas ! Monsieur, vous trouverez à Paris tant de petits poètes également faibles qui accepteront avec chaleur la distinction. que vous avez daigné m’offrir ! Ils seront plus excusables que moi de s’étourdir sur le ridicule qui tombe inévitablement sur la médiocrité qui veut paraître. Ils y seront forcés peut-être par l’infortune qui n’admet guère la modestie. J’ai toute la mienne, et un état qui me donne de quoi vivre honorablement. (1) Cette lettre appartenait à Louis Barthou ; elle " truffait, à sa vente, un exemplaire bradel demi-veau rose des Poésies de 1820. Le catalogue mentionnait une lettre autographe de l’auteur, deux pages à son éditeur et dans laquelle elle cite M. Alibert,. POÉSIES DE 1819 (1 Si, comme j’aime à le penser, vous m’honorez de quel- que estime et d’un peu d’intérêt, vous approuverez le premier la résolution où je suis de ne pas me donner de prétention. par la publication de choses si médiocres. Je m’en suis con- solée au moment même par l’idée qu’elles avaient distrait quelques heures douloureuses dans ma vie et par l’idée aussi de leur devoir quelques lettres de vous, Monsieur, et le droit de me dire, en tous les temps, votre reconnaissante et af- fectionnée servante. 5 Mme DESBORDES-VALMORE Soulignez-moi pourquoi deux hommes d’esprit, pleins de sens et de raison, d’expérience et de talent, m’engageaient à une imprudence. Encore un peu, j’allais me croire un petit personnage. Je ne vous pardonne à tous deux que si vous m’aimez vraiment assez pour me dire que vous avez eu tort. (1 }} Il n’a donc tenu qu’à un fil, ainsi que l’écrit M. Fernand Vandérem qui a publié cette lettre dans le Bulletin du Bi- bliophile du 20 juin 1935, " que cette femme de génie som- brât dans le silence et que ses poèmes s’arrêtassent à jamais à leurs premiers balbutiements. Cepedant, Marceline céda à l’affectueuse insistance du docteur Alibert, et le mois suivant (16 avril 1818), elle écri- vait au libraire Louis : Monsieur, "J’ignore si l’usage veut deux signatures ; mon mari donne la sienne pour plus de poids. Voilà qui est fini. 80 " Vous recevrez donc l’acte par cette lettre, et ce qu’il vous assure, par la diligence ou quelque occasion prompte et sûre.’Je m’arrêterai présentement sur votre lettre et vous rends grâce de m’appliquer ce trait d’amour oriental. Je l’ai trouvé d’une délicatesse touchante. Il vaut, je crois, toutes les étoiles du ciel pour celle qui l’a inspiré : un sentiment vrai d’amour, d’amitié, d’estime, est à mes yeux le plus beau pré- sent pour certains cœurs. 6 POÉSIES DE 1819 "Vous m’offrez en exemple le Camoëns et Milton. Je vous demande un peu plus de pitié. Me croyez-vous si ma- lade pour user de remèdes si violents ? Il faut ménager ce qui est faible. Si la douce vanité que l’on a cherché (vous aussi) à m’inspirer est un défaut de plus que j’ai acquis tout en rêvant, elle n’a pas besoin, je vous jure, d’être déracinée, elle ne tient pas. "Je vous dirai sur le bon M. Williams tout ce que j’en sais. Depuis trois ans, à Bruxelles, il a été mon maître pen- dant quinze mois. Toujours logé dans la même maison, il s’y est fait chérir par la douceur de son caractère, l’irréprocha- bilité de ses moœurs, son exactitude à payer son petit loyer, ses dépenses. Les écoliers ont été assez nombreux. A l’époque de Waterloo, on était, ici, tout anglais ; par degrés l’enthou- siasme s’est évaporé ; les maîtres augmentaient, les écoliers disparaissaient, et mon bon maître a lutté longtemps contre une misère qui me déchire d’autant plus l’âme, que je n’en ai été instruite qu’au moment de son départ. Il a cru trouver à Paris des ressources plus faciles ; car, il faut le dire, il ne sait pas en trouver, ni par l’importunité, ni par des plaintes. C’est une infortune noble, et il est courageux, insouciant, quand il a de quoi vivre à moitié. Vous pouvez, Monsieur, juger mieux encore que moi, qu’il n’est dépourvu ni de mé- rite, ni de connaissances. Son exactitude est scrupuleuse ; il n’est jamais importun. Je ne puis en parler que les larmes aux yeux. "Je viens de lui faire tenir une bagatelle que quelqu’un me devait à Paris, une vraie bagatelle. Si nous n’avions beau- coup de famille de près et de loin, je le traiterais autrement. Ecoutez-moi, Monsieur, vous êtes un homme, et je puis, sans crainte de vous ennuyer, parler un peu. Quand vous aurez reçu toutes mes petites chansons, sur la somme qui doit les payer, rendez-moi l’important service de remettre à M. Wil- liams, de mois en mois, vingt francs, jusqu’à concurrence de 100 Frs ; les autres trois cents seront versés par vous, dans leur temps, entre les mains de Monsieur Alibert à qui je les dois : car, il faut vous dire, Monsieur, que cet homme-là est POÉSIES DE 1819 aussi bon, aussi sensible qu’il est célèbre et savant, et que j’ai reçu de lui ce moyen de quitter l’Odéon où je languissais de misère comme mon maître anglais. "Je vous prie donc de faire servir à ces deux usages le contrat que je vous envoie. A ce prix, il m’est infiniment cher, et je vous en remercie. "Dites à M. Williams que ces petites sommes lui sont offertes par son écolière à qui il donnera encore des leçons plus tard, et ajoutez-y mille sincères compliments. Ce qui con- viendrait au mieux à ce brave anglais, ce serait une place de précepteur ou quelque chose à peu près. C’est la bonté sur la terre. "Moi, Monsieur, je suis de toute mon âme votre plus affectionnée servante. Mme DESBORDES-VALMORE "M. Williams a t-il donné à M. Alibert une lettre con- tenant deux élégies ? "Oui, Monsieur, je vous demande votre avis, vos con- seils. J’en adopterai avec vivacité, j’en rejetterai tout douce- ment, mais je les recevrai tous avec reconnaissance. "Le conte villageois de la petite Marie n’est pas encore copié ; il est un peu long. "L’Odéon est brûlé ; tout se détruit ainsi, mais la vie encore plus vite. Hélas ! Monsieur, cette flamme éteinte ne se rallume jamais ! Quand j’étais à l’Odéon, blessée par l’infor- tune, au moins cette idée ne me suivait pas. La mort était un mot vague, rien ne l’avait gravé au fond de mon cœur. J’étais alors une heureuse mère… A présent, je suis sur le point de le redevenir, et je pleure., , 7 Le 26 avril 1818, Marceline écrivait de Bruxelles à son libraire : " Monsieur, "Quand vous recevrez cette lettre, le manuscrit sera dans les mains de monsieur Alibert. C’est pour vous en prévenir 8 POÉSIES DE 1819 que je fais jeter quelques lignes à la poste. Les occasions sont bien difficiles, ne m’en veuillez pas. La diligence eût été plus prompte, mais c’est une inspection désobligeante sur toute la route : on veut tout lire ou en faire semblant, et les papiers arrivent chiffonnés. "Je m’en remets à vous seul du soin de classer par ordre chaque pièce de vers. Elles sont copiées pêle-mêle, je n’ai pas eu la patience de choisir leur place. Donnez-leur le rang qu’il vous plaira, et le titre qu’il leur convient ; car l’auteur de tout cela est un peu comme Monsieur Jourdain, qui fait de la prose sans le savoir. "Il manque au Recueil de romances, plusieurs qui se trouvent jetées dans le conte de Marie, comme des petites fleurs des champs. Vous recevrez avant peu ce dernier article au traité ; mais n’y attachez pas beaucoup d’importance, c’est une vraie bagatelle. Ce qui n’en est pas une, Monsieur, c’est le prix que j’attache à votre amitié. Si je puis la payer avec toute mon estime, je suis quitte avec vous. Vous irez donc chez monsieur Alibert. Vous êtes bien heureux ! Voici tantôt mille ans que je lui dis adieu. N’ai-je pas l’air d’être aussi en exil ? Je vous assure, Monsieur, que cette froide Belgique a quelque chose de la Sibérie, et qu’il faut un cœur né pour les souvenirs, pour y garder quelques idées tendres ou enjouées. Vous rirez peut-être quand vous songerez à mon enjouement : il est d’une sorte, à la vérité, toute particulière. "La Nuit d’hiver ne se trouve pas dans le cahier des élégies. En voici la raison:j’ai donné l’original de cette petite pièce sans garder de copie, et j’ai oublié des vers entiers ; c’est à une dame qui est à Paris. Je lui ai déjà écrit à ce sujet, mais on dit qu’elle est à la campagne. Si vouz tenez à l’avoir, vous pourrez la lui demander en mon nom. J’écrirai encore pour l’en prévenir; voici son adresse : Madame Turbot, rue St. Germain l’Auxerrois nº 69. (1) (1) Le destinataire a ajouté de sa main : "Mme Turbot à Fontainebleau, rue et hôtel de Neuville. }} POÉSIES DE 1819 "Recevez, Monsieur, l’assurance bien sincère de ma par- faite considération. Votre humble servante Mme DESBORDES-VALMORE " Je vais demander à mon oncle, qui dessine à ravir, un dessin qui vous sera remis Voici encore une lettre que Marceline adressait à Louis le 8 mai 1818 : 9 "Vous voyez, Monsieur, qu’un sort est jeté sur moi. Je suis entravée par mille petits hasards, qui me fâchent d’autant plus que vous pouvez m’accuser de négligence. La personne qui devait tout porter chez Mr. Alibert remet de jour en jour son départ, et la patience m’échappe. Je vous adresse donc le tout par la diligence, et vous prie de m’en accuser la ré- ception en cas d’événement. J’y joins la prière de faire jeter à la petite poste des lettres jointes aux papiers. "Voilà bien, des choses qui ne méritaient guère l’ennui qu’elles ont causé. Assurez-moi donc que vous ne m’en voulez pas. " Un billet adressé au libraire Louis par le dévoué docteur Alibert fait partie de la collection H. de Favreuil. Il est daté de "Paris, 28 juin 1818 :, , "Mon cher Monsieur Louis, "J’ai reçu hier une lettre de Mademoiselle Marceline Desbordes. D’après ce qu’elle m’écrit, vous devez avoir reçu non seulement ses élégies, mais encore le morceau de prose intitulé Marie. Elle me demande si j’en ai lu quelque chose ; je ne puis la satisfaire sur ce point parce que vous ne m’avez encore rien communiqué. Seriez-vous assez bon pour m’en faire parvenir un fragment que je vous renverrai cinq ou six jours après ? Mademoiselle Desbordes me charge également 10 POÉSIES DE 1819 de vous apprendre qu’elle possède déjà un petit dessin pour une élégie, qui a été composé par un homme de beaucoup de talent ; elle va vous l’envoyer. (1 Agréez tous mes compliments. ALIBERT Paris, rue de Varennes nº 4. Les épreuves sont corrigées. Marceline les retourne de Bruxelles à son libraire, le 3 octobre 1818, en les accompa- gnant des remarques que voici : "J’ai reçu, Monsieur, votre lettre et vos épreuves ; tout est bien, je les ai lues avec le plus d’attention possible, et j’ai cru qu’il fallait mettre les élégies dans l’ordre que je vous envoi par numéros ; tout ce que j’y ai trouvé à reprendre, je l’ai marqué. Quant aux pièces en général, je les trouve si médiocres, qu’il me semble qu’elles ne valent guère la peine d’être imprimées. Enfin,. Monsieur, vous l’avez voulu, M. Ali- bert aussi. S’il m’en arrive malheur, vous aurez la bonté de n’être bien fâché. J’ai changé le titre trop pompeux (l’Eternité). Tant de belles choses ont été écrites là-dessus, que ce serait trop hardi de ma part de vouloir parler avec prétention sur un sujet trop grand pour ma faiblesse. Vous m’approuverez. "Excusez-moi de tenir à ce vers : Adieu je ne crains plus d’oublier mon devoir. (1) "C’est qu’il est plus naïf que l’autre. Trouvez-vous qu’il ne soit pas juste de craindre l’orage quand on croit l’avoir fait gronder contre soi ? Je vous remercie dans la Pèlerine d’avoir mis Les charmes de ton âge. "Si dans les deux Bergères Claudine ne mourait pas, la critique serait juste ; l’expression "Je serai sous la terre deviendrait trop forte ; mais elle sent qu’elle y sera, elle le dit avec calme. J’épouserai la mort, oui, je sais bien que ce n’est (1) Vers de la pièce intitulée l’Orage. POÉSIES DE 1819 11 pas un mariage, mais je n’ai pas d’autre moyen pour exprimer que Claudine lui tend les bras et qu’elle ne veut d’aucun mari sur la terre. Au reste, ces tristes idées me couraient sans cesse de la tête au cœur… Je les ai mises sans les chercher, d’autres me viendraient moins naturellement. "Je suis heureusement rassurée sur la santé de mon oncle et j’en avais besoin ; je l’ai remercié de sa bonté pour moi. "Connaissez-vous Monsieur Adrien de Sarrazin, auteur de Caravansérail ? Monsieur Alibert m’avait bien promis de le trouver, mais il est trop chargé de travail ; il ne l’a pas cherché. Tout ce que je sais, c’est qu’il est employé comme secrétaire chez un Ministre, mais lequel ? Ce Monsieur de Sarrazin qui a vu dans le temps quelqu’une des élégies que vous imprimez, m’avait fait promettre, si je venais à les met- tre au jour, de lui laisser le soin de mettre en tête quelque ligne de sa charmante prose. Tant de malheurs m’ont acca- blée depuis !….. Ce serait un nouveau service à me rendre, Monsieur, que de le découvrir et de lui parler de moi pour lui rappeler sa promesse. Monsieur Alibert savait bien tout cela ; il paraît qu’il ne vous a rien dit. Au reste, c’est vous faire faire une connaissance bien agréable, vous verrez. Avez-vous, Monsieur, quelque moyen de m’envoyer par occasion ou par la poste le pont d’Austerlitz ? C’est pour l’architecte de la ville, M. Gantier qui en a grand besoin. Je vous souhaite, Monsieur, toute la gaîté, tout le bon- heur et la santé que je voudrais avoir, et surtout plus de temps. que moi pour vous occuper de la divine poésie. "Je vous remercie infiniment pour Monsieur Williams et pour moi. "Je suis et serai, Monsieur, votre humble et affectionnée Mme DESBORDES-VALMORE 11 Le 9 décembre 1818, Marceline écrit à Louis une dernière lettre ; celle-ci a trait surtout à des corrections que l’auteur voudrait apporter au texte de l’Arbrisseau, la première pièce du volume : POÉSIES DE 1819 (1 "Monsieur Sarrazin ne revient donc pas ? Surcroît de déplaisir. Rappelez-moi de grâce à son souvenir et dites-lui que personne ne lui souhaite plus de bonheur que moi. Per- sonne aussi ne sait mieux que moi combien il en mérite. "Vous êtes bien tourmenté, bien fatigué, bien dégoûté peut-être. Moi, je suis tout cela. Le théâtre m’absorbe toute, et cette saison ajoute encore au désagrément de jouer dans une salle glacée, ouverte à tous les vents. Encore un moment, j’allais à Marseille, mais j’ai signé ici : il est trop tard. Quant à l’élégie de la Colère, singulier titre, en effet. Vous ne l’imprimerez pas, n’est-il pas vrai ? "Monsieur Alibert vient de m’écrire. Il dit qu’il meurt d’impatience et qu’il n’a rien vu d’aussi lent que cette im- pression. Pour mon compte, je voudrais que vous l’eussiez retardée d’un an, le tout y eût gagné. Si j’avais eu plus de temps, j’aurais ôté à Marie bien des pompons inutiles, ou ajouté. Mais jugez-moi. Encore cette petite revue s’est-elle faite au milieu de migraines et d’études. (1 Croyez, Monsieur, au plaisir que j’éprouve de me dire toute à vous pour toujours. "Mme DESBORDES-VALMORE Le volume parut dans les derniers jours de décembre 1818 (1). Dès qu’Alibert reçut le livre, il écrivit à Marceline le billet que voici : "Mon amie, j’ai reçu votre recueil, je l’ai dévoré. Il est plein de choses charmantes. N’abandonnez pas, je vous prie, une carrière où vous brillez avec tant d’éclat. Vos vers ont un charme qui n’appartient qu’à vous. Il con- vient, ma chère Amie, que vous écriviez à d’Alvimare, qui est en résidence à Dreux. Il a fait des airs pour la plupart de vos romances. Une lettre de vous lui fera grand plaisir… 13 (1) Il est enregistré à la Bibliographie de la France du 26 décembre 1818 :

  • N.° 4830. Elégies, Marie et Romances. Par Mme Marceline Desbordes. In-12

de 9 files, plus 4 planches. Imp. de Richomme à Paris. Prix….. 5 francs. "A Paris, chez F. Louis. "Chaque partie a une pagination particulière., , 14 POÉSIES DE 1819 Revenons à votre livre. Il est charmant. Je voudrais que vous vous appliquiez à la prose. Rien n’empêcherait de l’entremêler de quelques romances. Mais j’ai la certitude qu’un roman de vous aurait un grand succès. Au surplus, si vous entreprenez quelque chose, il faudra le mûrir et composer un livre qui reste… Savez-vous que je ne suis pas content du tout de votre libraire Louis ? Mon intention était de vous faire une surprise. Je voulais employer le prix de votre ouvrage à quelque chose qui vous fût agréable, pour vous le faire parvenir à Bruxelles. Ne voilà-t-il pas qu’il me répond sottement, la veille du pre- mier de l’an, qu’il a employé tout son argent pour les gra- vures, qu’il faut attendre, etc. Je lui ai écrit sur cette pitoyable conduite deux mots qui ne l’ont pas flatté. Bon Alibert. Le 17 janvier 1819, Marceline écrivait à son frère Félix qui se trouvait alors à Saint-Rémy, chez sa sœur Eugénie (1) : "Nous n’avons pu tenir contre l’ennui terrible de ce pays. Tous les malheurs m’y éprouvent. Madame Gantier, la jeune, est au plus mal… Cette dernière perte comble la mesure, et nous fuyons cette ville comme un lieu d’exil et de larmes….. J’ai prié mon oncle d’envoyer à Eugénie un exemplaire de quelques élégies qui viennent d’être imprimées. Je voudrais bien qu’il en joignît un pour toi, mon ami, si cela peut te faire. quelque plaisir. Il y en a de si tristes, que vous me croirez voir en les lisant. Le dessin si joli de mon oncle est à la tête du livre… Demande à Camille si elle serait contente de voir sa petite marraine…(2), (1) Lettre inédite (Bibliothèque de Douai). (2) Marceline. 91 POÉSIES DE 1819 15 DÉPOUILLEMENT DES POÉSIES DE 1819. En tête du volume se trouve une pièce dédiée "A Mon- sieur Alibert et qui sert en quelque sorte de prélude au recueil : 11 1. La tristesse est rêveuse… et je rêve souvent ! (L’AR- BRISSEAU). (1) M. Bertrand Guégan a résumé dans les lignes qui suivent la vie du docteur Alibert et ses rapports avec Marceline (Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, p. 401) : " Né en 1768 à Villefranche-de-Rouergue, Jean-Louis Alibert étudia la médecine et fut nommé en 1802 médecin de l’hôpital Saint-Louis. Professeur à la faculté de médecine, mé- decin de Louis XVIII et de Charles X qui le fit baron, il se rendit célèbre par un traité de thérapeutique, d’importants ouvrages sur les maladies de la peau et une Physiologie des passions ou nouvelle doctrine des sentiments nouveaux, que l’on réimprimait encore en 1861. Le docteur Alibert était aussi un homme d’esprit : il réunissait, le dimanche, en des matinées fort brillantes, des actrices et des femmes de lettres, et il lui arrivait de faire des vers. Avant d’étudier la dermatologie, il avait été médecin de l’Opéra Comique, et c’est là, sans doute, qu’en 1805 il avait connu Marceline Desbordes. Il eut à la soigner" d’un mal horrible qui la renversait fréquemment. Ce bon monsieur Alibert, ajoute-t-elle dans une lettre à Pauline Duchambge, (2) a été toute une nuit agenouillé sur mon lit pour épier mes tortures qu’il croyait les dernières., , "M. Ali- (1) Comme Marceline a souvent publié ses poésies sous différents titres, nous désignerons chaque pièce par son incipit, que nous ferons suivre du titre qu’elle porte dans le volume que nous étudions. (2) Lettre du 15 avril 1850. 16 POÉSIES DE 1819 Marceline Ce fut un bert qui soignait ma santé devenue fort frêle, déclare-t-elle dans une note à Sainte-Beuve, me conseilla d’écrire comme moyen de guérison, n’en connaissant pas d’autre. finit par s’éprendre de son médecin ; mais celui-ci ne lui té- moigna jamais qu’une " affection clairvoyante et courageuse. amour blanc., , (L. Descaves, La Vie amoureuse de Marceline Desbordes-Valmore)… Plus tard quand elle fai- sait partie de la troupe de l’Odéon (1813-1815), Marceline tomba sur les genoux au cours d’une représentation ; on l’em- porta après le spectacle chez M. Alibert et elle dut garder la chambre huit jours (Lettre à Prosper Valmore, 20 décem- bre 1840)… C’est Alibert qui, en prêtant à Marceline 300 francs, lui donna " le moyen de quitter l’Odéon où elle languissait de misère. (Lettre au libraire Louis, 16 avril 1818). 11 La sollicitude du "bon Monsieur Alibert, , s’étendait à toute la famille de Marceline, ainsi qu’elle-même en témoigne dans cette lettre inédite adressée à Duthillœul et datée du 24 juin 1827 : "J’ai vu en passant Monsieur Alibert qui m’avait prise en affection et lui avait assuré à St-Louis une petite place con- venable où il était bien., , (Bibliothèque de Douai). L’hospita- lisé de Saint-Louis n’était autre que Félix Desbordes, le frère de Marceline ; et cependant c’est à ce même Félix que Mar- celine, oubliant la générosité du docteur, écrivait de Bordeaux, le 8 février 1824 : " Ton projet de retourner à Douai m’épou- vante pour toi. Notre famille y a été si malheureuse ! Nous n’y avons pas un ami. A quel titre pourrai-je écrire au maire et quel emploi lui demander ? Quant à monsieur Alibert, mon cher enfant, nous ne pouvons rien en attendre que des services relatifs à son état:une consultation gratis quand nous sommes malades ; c’est là tout ce que j’en ai jamais obtenu. De pa- reilles connaissances sont brillantes; mais cette protection ne m’a été d’aucun secours quand j’étais malheureuse, et j’ai perdu mon état et mon avenir, sans que personne n’ait jamais tendu une main secourable quand j’étais accablée par l’infor- tune. Tu dois t’en ressouvenir, et ma sœur te le rappellera elle-même : car elle m’a vue bien malheureuse et bien abandonnée à Paris., , (Lettre inédite conservée à la Bibliothèque de Douai). 11 11 POÉSIES DE 1819 Sur les corrections que Marceline apporta au premier texte de l’Arbrisseau, on consultera la lettre du 9 décembre 1818 que nous avons publiée ci-dessus. Ajoutons d’autre part, qu’après avoir surveillé l’impression du volume, Alibert s’occupa de son lancement, ainsi qu’il appert de cette prière d’insérer autogra- phe qui fait partie de la Collection M. H. de Favreuil, et qui parut le 22 octobre 1819 dans un journal dont nous ignorons le titre : "1 17 iademoiselle Desbordes qui a composé de si jolies romances et qui a épousé l’acteur Valmore du second Théâtre Français est fixée depuis quelques mois à Paris. On assure qu’elle s’occupe à mettre en ordre un recueil de poésies fu- gitives (1) qui ont déjà paru séparément dans des ouvrages périodiques et qui respirent la plus douce sensibilité. Made- moiselle Desbordes est nièce de M. Desbordes, peintre esti- mable de portraits, qui a exposé cette année et l’année der- nière un ou deux ouvrages fort intéressants. On regrette seu- lement qu’il soit trop avare de ses productions,. L’Arbrisseau est suivi de VINGT-SEPT ÉLÉGIES (2-28) : 2. Qu’est-ce donc qui me trouble et qu’est-ce que j’at- tends ? (L’INQUIÉTUDE). 3. Dieu qu’il est tard ! quelle surprise ! (L’ADIEU DU SOIR). 4. Oh ! quelle accablante chaleur (L’ORAGE). On lit dans l’ouvrage de M. Paul Courteault (Madame Desbordes-Valmore à Bordeaux, Bordeaux, Marcel Mounastre- Picamilh, 1923) : "Les manuscrits d’Edmond Géraud contien- nent une première rédaction, de la main de Marceline, d’une pièce, l’Orage, qu’elle imprima dans le recueil publié en 1830 chez Boulland et qui fut écrite à Bordeaux Cette as- (1) On ne manquera pas d’observer qu’Alibert annonce en octobre 1819 la publication d’un livre qui était en vente depuis le mois de décembre précéd G. Cavallucci — Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore 2 4 18 POÉSIES DE 1819 sertion est inexacte puisque cette idylle figure déjà dans l’édi- tion de 1819. 5. Quelle soirée ! O Dieu ! que j’ai souffert ! (LE CON- CERT). M. Marius Boisson a écrit une série d’articles pour tenter de prouver que l’amant de Marceline était un musicien du nom de Blangini : " Marceline parle souvent des fêtes où elle ren- contre son ami, écrit M. Boisson. Nous avons dit qu’il donnait souvent chez lui des concerts (dans une maison de la rue Basse- du-Rempart louée en 1799). L’une des élégies s’intitule auda- cieusement le Concert. Ses succès mondains rendaient jalouse la jeune femme ; elle en arrive à bénir l’éloignement, " rideau jeté sur ses conquêtes. Quant aux déchirantes voix, ce sont celles de Garat, de Caroline Branchu, qui chantaient avec Blan- gini ses romances et ses nocturnes… A ces brillantes matinées, elle ne voit que son amant, elle n’attend et n’entend que sa voix, elle nous le dit dans le Concert „. (Comedia, 5 avril 1927). Nous verrons plus loin (Poésie inédites de 1860, n° 14) toutes les conjectures qu’on a faites au sujet de l’"amant, de Marceline. 6. Votre empire a troublé mon bonheur le plus doux (PRIÈRE AUX MUSES). Cette poésie est l’une des premières où Marceline exprime l’inquiétude d’être abandonnée par son amant. Las de l’amour, celui-ci se serait tourné vers les Muses, qui le comblent de " leurs bienfaits 7. Comme une fleur méchamment effeuillée… (L’IMPRU- DENCE). 8. Que ce lieu me semble attristé ! (LE RETOUR AUX CHAMPS). Publiée d’abord dans l’Almanach des Muses de 1816. Bien que placée parmi des élégies, cette poésie est une idylle dans le style le plus pur du romantisme Louis XVIII. C’est une touchante évocation des bergers et de leurs troupeaux, des chapelles dans la verdure où les amoureuses apportent des POÉSIES DE 1819 19 couronnes de fleurs et où elles viennent pleurer quand elles sont abandonnées….. 9. Cette couleur autrefois adorée (LE RUBAN). 10. Message inattendu, cache-toi sur mon cœur (LE BILLET). Marceline révèle dans cette pièce un joli trait de sa sen- sibilité, que connaissait tout son entourage. Quand elle recevait la lettre la plus impatiemment attendue, elle ne la décachetait pas tout de suite, mais la portait sur elle pendant quelques jours ou quelques heures, en rêvant à son contenu. "On souffre de l’incertitude, On meurt de la réalité ». 11. Je ne veux pas dormir, ô ma chère insomnie (L’IN- SOMNIE). Cette poésie fait suite à la précédente. Le billet où son amant lui donne un rendez-vous la remplit de bonheur, et elle craint le sommeil qui lui enlèverait pendant quelques instants la conscience de sa félicité. "Je n’ose pas dormir : non, ma joie est trop pure, Un rêve en distrairait mes sens 17" 12. Elle avait fui de mon âme offensée (SON IMAGE). 13. Je m’ignorais encore ; je n’avais pas aimé (LES DEUX AMOURS). 14. Il est deux amitiés, comme il est deux amours (LES DEUX AMITIÉS). Cette pièce est dédiée "A mon amie Albertine Gantier "Cette Albertine Gantier, pour qui l’affection de Marce- line était si profonde, était d’un an plus jeune qu’elle. Fille d’un petit commerçant de Douai qui fut plus tard receveur de l’octroi de Bruxelles, elle était née à Douai le 14 mars 1787. Ayant suivi sa famille à Bruxelles, elle se maria en cette ville, le 7 no- vembre 1810, avec François-Joseph Gantier (son cousin, je 20 POÉSIES DE 1819 crois), garde du corps impérial du génie, né à Béthune le 1er avril 1775, qui devint par la suite architecte-adjoint de la ville de Bruxelles. Albertine mourut à Bruxelles à peine âgée de 32 ans, le 7 avril 1819, et son mari, qui quelques années après avait épousé en secondes noces sa belle-sœur, Héloïse Gantier, mourut lui-même en cette ville, le 30 juillet 1835. Albertine était un peu musicienne et mit en musique des vers de son amie Marceline, ce que prouve cette annonce du Journal des Dames (Bruxelles, du 22 février 1818) : "Trois romances, paroles de Madame Desbordes-Valmore, musique et accompagnement de guitare, composées et dédiées à madame Vanderfosse, née Gou- ban d’Hoogvorst, par Mme Albertine Gantier, amateur. Prix du cahier 2 francs (Note d’A. Pougin, dans La jeunesse de Mme Desbordes- Valmore, p. 22). Le souvenir d’Albertine resta toujours présent au cœur de celle qui l’avait tant aimée. Sur une page d’un des albums de Marceline que l’on peut voir à la Bibliothèque de Douai, on remarque un dessin représentant l’ombre blanche et vaporeuse d’une jeune fille debout près d’une tombe. Au-dessous se lisent ces mots : La première au rendez-vous, et, au revers, le nom : "Albertine Gantier !, , A d’autres pages l’on retrouve le même visage, le même nom, entourés de fleurs, de pensées et de myosotis. C’est qu’en effet l’une de ces affections de jeunesse qui ne se remplacent plus, affections ingénues et passionnées, pleines d’enthousiasme et de candeur, avait uni, l’une à l’autre, Marce- line et Albertine. "Je rencontre sur mon chemin, écrit Frédéric Loliée (Œuvres choisies de Marceline), de petites lettres toutes simples d’Albertine à Mlle Desbordes. Quelle impatience de camaraderie jaseuse ! Quels innocents transports d’une amitié pressée de se répandre en douces paroles et en chères confidences : "Ma Marceline, Ah ! ma chère petite, que nous allons nous retrouver ! Crois-tu "J’apprends que tu arrives et je ne puis contenir ma joie. que je n’y peux penser sans aussitôt sentir mes larmes couler POÉSIES DE 1819 21 de bonheur ? Ne tarde pas, chère amie, à venir me voir. Ma maison, ma table, tout est à toi. Avec quel bonheur je te ser- rerai dans mes bras ! "Mon époux ignore que je t’écris. Il me tourmente, lui. Il me dit que peut-être tu as changé pour moi, qu’il ne veut pas que j’aille te voir avant que tu viennes chez nous, Il ne te connaît pas, ma Marceline, mais il saura apprécier tout ton mérite, toute ton amitié pour Albertine. Mande-moi, au même instant, ton arrivée ; si tu es fatiguée, mande-le-moi, je t’en supplie, que je ne perde pas un instant. Oh ! mon amie, on n’aime pas comme nous ! Je dis nous… n’est-ce pas, ma Mar- celine, que tu partages ma joie ? "Au revoir, chère petite, je suis à moitié folle de bonheur. Ton amie, ALBERTINE GANTIER Notre adresse : aux Chartreux, rue Notre-Dame-du-Sommeil, ,. 15. Qui m’appelle à cette heure, et par le temps qu’il fait (LA NUIT D’HIVER). Marceline envoyait ses poésies à ses amis sans en garder souvent une copie. C’est ainsi que pour retrouver le texte de celle-ci, le libraire Louis dut s’adresser à une certaine madame Turbot, rue St Germain l’Auxerrois, n° 69, comme on a pu le voir par la lettre du 26 avril 1818, que nous avons publiée précédemment. 16. C’était jadis, pour un peu d’or (CONTE IMITÉ DE L’ARABE). 17. O Lise ! préférez le berger qui vous aime….. (L’OR- PHELINE). Cette pièce ne se retrouve dans aucune des autres éditions des poésies de Mme Desbordes-Valmore. 18. Adieu fauvette ! adieu ton chant plein de douceur ! (A MA FAUVETTE). 22 POÉSIES DE 1819 Cette poésie est dédiée " à Gabrielle B., , cantatrice et amie de Marceline, qu’il nous a été impossible d’identifier. 19. Votre main bienfaisante et sûre (LE SOUVENIR). Cette élégie est dédiée au docteur Alibert. Cette dédicace ne se retrouve pas dans toutes les éditions suivantes:tantôt l’auteur donne le nom d’Alibert en entier, tantôt seulement les initiales; de plus, certaines éditions ne contiennent pas la moin- dre dédicace. 20. Inconstance, affreux sentiment ! (L’INCONSTANCE). Cette élégie a été écrite, sans doute, à l’époque où Mar- celine allait épouser Prosper Valmore (4 septembre 1817). L’a- mour qu’elle porte à son futur mari ne l’empêche point de regretter l’amant qui l’a abandonnée… « Et mon cœur fut créé pour n’aimer qu’une fois ! ». 21. Par un badinage enchanteur (A DÉLIE, I). "Délia était née en Grèce d’une famille honorable, et fille d’un consul, comme elle ne détestait pas qu’on le sût:-Mon père, M. Joseph Amoreux, consul général de Sa Majesté Louis XVI à Smyrne, est mort à son poste lors de la Révolution; ses biens ont été perdus… Ma mère a obtenu en raison de ses services une pension de 1.000 francs sur les fonds de l’Etat, et elle s’est réfugiée à Constantinople. Les massacres qui me- naçaient les chrétiens l’ont forcée de fuir, et après avoir échappé aux plus grands dangers, elle vient de débarquer à Trieste sans avoir pu enlever son mobilier. Elle est donc sans ressources… " (5 octobre 1822. Lettre inédite au Ministère de la Maison du Roi pour obtenir une représentation à bénéfice. Archives Na- tionales, 0³. 1786). On ne sait par quelles aventures la fille du "consul général de S. M. Louis XVI, , avait été amenée à em- brasser la profession de comédienne, et c’est dommage. Quoi qu’il en soit, en 1809, Mlle Amoreux recevait à Paris les leçons que lui donnait Fleury, de la Comédie Française. Son professeur POÉSIES DE 1819 (1 23 la garda trois ans, puis il voulut la faire débuter aux Français. Mais, après l’avoir entendue, le Comité décida que son talent avait besoin de se confirmer et il lui conseilla de jouer quelque temps en province… Il semble pourtant que Me Amoreux, dite Délia, étant née grande coquette, n’avait rien à gagner à prendre l’air de la province. Alexandre Duval la devina et l’engagea pour l’Odéon où elle débuta avec succès, le 8 mai 1812. Elle avait de la distinction et de l’esprit, paraît-il, avec de grands yeux orientaux, , et beaucoup d’éclat ; enfin son jeu plaisait fort… Elle joua encore à la Porte-Saint-Martin, puis à Londres où un lord immensément riche " la protégea „, puis au Vaudeville en 1825 et 26. Après quoi je ne sais ce qu’elle devint. Telle était l’amie chez laquelle Marceline rencontra son perfide amant „. (Jacques Boulenger, Marceline Desbordes-Val- more, sa vie et son secret). Grâce aux heureuses recherches de M. Frédéric Ségu (1) dont il sera question plus loin, nous pouvons affirmer que c’est bien à Latouche que Marceline fait allusion au cinquième vers de cette pièce. 22. Du goût des vers pourquoi me faire un crime (A DÉ- LIE, II). Marceline oppose l’existence fêtée et heureuse de Délie à sa vie si malheureuse. Elle trouve dans la poésie une lation dont elle a besoin : elle éprouve à faire des vers satisfaction immense, et elle ne songe nullement à la gloire. "Tout le monde ne sait pas l’indifférence profonde de tous ces petits riens, écrit-elle à Boitel le 30 août 1830 ; et l’on me. supposerait l’envie de faire tapage avec si peu de chose ! (Dossier Mariéton-Vial). Deux années auparavant, elle écrivait à Duthilloul : "Je reçois à l’instant un volume intéressant de votre société d’Agriculture et des Arts. On y traite les femmes qui écrivent comme elles le méritent. Nous ne sommes pas 11 (1) Fr. Ségu, Un romantique républicain, H. de Latouche (1785-1851). Paris, les Belles Lettres, 1932. 24 POÉSIES DE 1819 nées, en effet, pour cela. Je n’en vois pas d’heureuses, et, comme on l’a dit, nous avons bien assez de chagrins sans la gloire, si l’on peut donner le nom de gloire à ce petit bruit qu’elles font à quelques pas autour d’elles,. (Lettre inédite de la Bi- bliothèque de Douai, datée de Lyon, 29 septembre 1828). Marceline n’aimait pas le théâtre ; elle n’y était entrée que pour fuir la misère. Elle était trop bourgeoise et trop sensible pour pouvoir supporter l’existence des actrices : "Le soir on vous honore au temple Et l’on vous dédaigne au grand jour A son frère Félix qui cherchait une situation, elle écrivait le 15 novembre 1817 : "Ne songe jamais à prendre le théâtre. C’est le pire des métiers quand on n’y brille pas ; et encore quels dégoûts l’entourent et flétrissent la vraie gloire qu’il pré- sente ! Talma lui-même, ce colosse de talent, ce prodige qui fait l’admiration et l’envie de ceux qui le suivent dans son art, n’est-il pas en butte à mille soucis de toute espèce ! Voici un passage d’une élégie que j’ai faite sur quelques-uns de mes malheurs : Le monde où vous régnez me repousse toujours, etc….. Et Marceline cite des vers de la présente élégie. En 1836, elle écrit à Lepeytre à propos d’une jeune actrice qui avait été un petit prodige : " J’ai une fille (Ondine) qui, dès l’âge de cinq ans, pouvait être aussi la merveille de ce genre. On me disait : "C’est un meurtre de ne pas montrer un tel diamant sur la scène. Vous pourriez faire sa fortune et la vôtre,. Cette idée me fait horreur. Mes enfants vont deux fois par an au spectacle. C’est une solennité choisie pour ces chères âmes,. (Lettre du 14 juillet 1836, publiée par Pougin). Enfin en 1839, Marceline tranquillise son mari au sujet de projets de théâtre ébauchés pour Ondine : "Mlle Mars n’a pas insisté une seconde quand je lui ai dit que son goût éloignait Ondine de la scène. Mars est une femme droite et grave, elle a fait avec moi la réflexion qu’il était, au reste, heureux que nous ne l’ayons pas élevée ainsi pour tous les chagrins qu’on y éprouve., (Lettre à Prosper Valmore, du 24 juin 1839). 26 POÉSIES DE 1819 trand Guégan, qui a longuement étudié la vie de Marceline, nous donne les précisions suivantes : " Le 25 juin 1810, naît à est gravement malade. A peine rétablie, elle se rend en Paris Màrie-Eugène, le fils naturel de Marceline. Marceline Normandie, avec l’enfant, chez l’une de ses sœeurs où elle vivra elle-même jusqu’à son retour à Paris. Avant la naissance de l’enfant, elle avait rompu violemment avec son amant, et celui-ci était parti pour l’Italie ; peut-être aussi n’a-t-il fait (Calen- ce voyage qu’en 1815, après la seconde rupture. drier Valmorien, page IX). Cet enfant mourut à l’âge de cinq ans ; voici, d’ailleurs, son acte de décès : "Du onzième jour du mois d’avril, l’an dix-huit cent seize, à onze heures, acte de décès de Marie-Eugène De Bonne, décédé le 10 de ce mois, à neuf heures de relevée, âgé de cinq ans neuf mois et seize jours, né à Paris (Seine) demeurant rue de l’Evêque, 5° section, n° 1377, fils de M. Jean-Eugène De Bonne, négociant, et de dame Marceline Desbordes, conjointe…. Jean-Eugène De Bonne qui a signé cet acte comme père prétendu, était caissier au théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Et c’est par complaisance, pour épargner à la jeune fille un aveu humiliant, qu’il s’est dit mari de Marceline et père de l’enfant. Or, après avoir longtemps fouillé les documents dont on dispose, et après avoir pris connaissance des documents que nous a fournis M. Ségu, nous avons acquis la conviction que le premier amant de Marceline, le père de cet enfant, est Latouche. Marceline adorait son enfant. Dans une lettre inédite, adressée à son frère Félix, elle écrivait : "….Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur et guère plus gaiement que le jour de ton départ qui a été pour moi un vrai jour de deuil. Eugénie et son mari te disent mille amitiés. Eugène t’embrasse et te dit qu’il t’aime bien et que si tu venais, ça lui fra (sic) plaisir, mais que tu ne viens pas et que tu vas dans ton gétiment (sic). (Bibliothèque de Douai). Aussi la mort du petit Eugène call- sa-t-elle à Marceline un immense chagrin. Quelques mois après l’avoir perdu, elle écrivait à son frère : "Ah ! mon cher Félix, n’oublie jamais cet aimable enfant. C’était l’innocence et le POÉSIES DE 1819 27 bonheur sur la terre. Quelle perte pour une mère ! Oui, tu écriras à Monsieur Debonne, si tu le veux. Il s’est conduit toujours bien avec ceux que j’aime. Il a beaucoup souffert aussi, car il est très bon. Juge quel voyage pour lui ! Mon cœur en saigne de pitié. Il me demandait l’autre jour de tes nouvelles., , (5 septembre 1816, Bruxelles. Lettre inédite conservée à la Bi- bliothèque de Douai). Voici encore un fragment de lettre, également adressée à Félix : "… Quelle année vient de s’écouler pour votre pauvre Marceline !… Et ce qu’elle m’a ravi ne me sera jamais rendu, mon ami, non jamais dans ce monde ! Il faut attendre la fin d’un voyage pour moi bien long ! Mon cher fils, mon aimable enfant m’en rendait toutes les peines plus légères. Jamais un enfant adoré, pleuré à chaque heure par sa malheureuse mère, n’a mieux mérité de l’être. T’en souviens-tu ? Qu’il était beau ! Qu’il était bon !, , (2 janvier 1817). Vingt-quatre ans après, le 26 octobre 1840, Marceline écri- vait encore de Bruxelles à ses enfants : "Mes chers enfants, je vous conjure d’être heureux et de vous défendre surtout de ces tristesses sans cause dont l’imagination fait tous les frais. Toujours craindre le malheur, c’est oublier Dieu, et je l’aime tant de me laisser être votre mère, moi que ce doux nom a rendu si malheureuse dans cette ville où me voilà !, , (Lettre inédite de la Bibliothèque de Douai. Les mots en italique sont en très grands caractères dans l’original). 28. N’approchez pas d’une mère affligée (LES DEUX MÈRES). Les Elégies sont suivies de TRENTE-ET-UNE ROMAN- CES (29-59) : 29. En vain l’Aurore (LE SOIR). Publiée d’abord dans l’Almanach des Muses de 1815 (1) et signée : Mile Desbordes ; (1) On voudra bien observer que l’Almanach des Muses de 1815 a été im- primé en 1814 et que, par conséquent, la présente élégie a été écrite au plus tard en 1814. Cette remarque, relative à la datation des pièces, s’applique à tous les almanachs et à tous les chansonniers que l’on rencontrera au cours de cette bi- bliographie. 28 POÉSIES DE 1819 l’Almanach des Dames de 1816 ; le Chansonnier des Grâces la Guirlande des Dames de 1818, et dans le Journal des Trou- de 1818, signée : Mile Desbordes (musique de Théobald-Walsh) ; vères, s. d. 30. O ma vie ! (A TOI). Publiée d’abord dans le Chanson- nier des Grâces de 1816, sous le titre : l’Amante inquiète, puis dans le Journal des Trouvères, sous le titre Reviens vite, mu- sique de Lélu. 31. Viens mon cher Olivier, j’ai deux mots à te dire ! (L’AVEU PERMIS). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1818. 32. Non tu n’auras pas mon bouquet (MON BOUQUET). 33. Petit portrait, tourment de mon désir (LE PORTRAIT). 34. On sonne, on sonne, on sonne encore… (LE RÉVEIL). Cette pièce a été réimprimée dans le Journal des Trouvères, 13e volume, avec de la musique de Thomassin. 35. Idole de ma vie ! (JE VEUX T’AIMER TOUJOURS). 36. Quand je t’écris à l’ombre du mystère (LE BILLET). Cette pièce fut publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1813, avec de la musique de Lélu, sous le titre : Je vous écris ; elle est signée : Mlle Marceline D… (C’est la première pièce imprimée de Marceline Desbordes-Valmore). 37. Comme un bouton près d’éclore (LES TROIS HEURES DU JOUR). 38. Quand l’amitié tremblante (REPRENDS TON BIEN). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1814 ; elle était dédiée au Dr Alibert, signée Mle… et portait pour titre : Plainte d’amour (musique de Quinebaux). Elle parut ensuite dans l’Almanach des Muses de 1815, sous le titre Romance, et POÉSIES DE 1819 29 avec la signature : Mlle Desbordes ; puis dans la Guirlande des Dames de 1818. La dédicace au docteur Alibert a été supprimée dans les éditions. Marceline avoue franchement dans cette ro- mance l’amour qu’elle eut pour Alibert et auquel celui-ci ne répondit que par de l’amitié. 39. O douce Poésie ! (A LA POÉSIE). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1818, sous le titre : la Rêverie. 40. O délire d’une heure auprès de lui passée ! (LE SOU- VENIR). Imprimée d’abord dans l’Almanach des Muses de 1815, avec de la musique de Garat ; elle y est signée : Mlle Desbordes. Elle parut ensuite dans le Chansonnier des Grâces de 1815 et dans la Guirlande des Dames de 1819. 41. Je me meurs, je succombe au destin qui m’accable (LE PARDON). Cette pièce parut d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1816, sous le titre : Le dernier adieu, musique de Quinebaux. 42. Aimable chien, fidèle et bon Médor (MÉDOR). 43. Embellissez ma triste solitude (IL VA PARLER). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1816. Cette pièce a été mise en musique par Fontvanne, Lechallier et Lémeric sous le titre : Le gage d’amour. 44. Comme une vaine erreur (L’ESPÉRANCE). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1816 sous le titre : L’Erreur, avec de la musique de Lélu. 45. Rive enchantée (A LA SEINE). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1816, sous le titre : Romance ; dans le Souvenir des Ménestrels de 1816, sous le titre : Plainte d’a- mour, dédiée au docteur Alibert (musique de Fabry-Garat), et dans le Souvenir des Ménestrels de 1818, sous le titre : Adieu (musique de Lélu). 30 POÉSIES DE 1819 46. Avec ta gente mie (LE TROUBADOUR EN VOYAGE). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1819. Dominique Garat, né à Ustaritz le 25 avril 1764, était le fils d’un avocat distingué. Il vint à Paris à l’âge de seize ans pour étudier le droit ; mais dès cette époque il négligeait ses études pour chanter dans les salons, et les compositeurs les plus célèbres le comblaient d’éloges. Son père lui ayant retiré sa pension, il trouva un protecteur dans la personne du comte d’Artois qui l’introduisit à la Cour. Garat donna des leçons à Marie-Antoinette et chanta aux concerts de la reine. Pendant la révolution, il fit des tournées en Allemagne, en Hollande, en Angleterre et en Espagne. En 1796, peu de temps après la fondation du Conservatoire, il fut nommé professeur dans cet établissement. Il mourut à Paris le premier mars 1823. Célèbre par sa prodigalité et l’excentricité de ses costumes, Garat fut l’un des chefs des Incroyables. Il chantait Gluck avec une pureté de style admirable et déployait dans la musique italienne la virtuosité la plus étourdissante. Personne n’a mieux dit la romance, personne non plus n’a peut-être aussi bien chanté. Sacchini disait de lui : " Il est la musique,. Il a composé des romances dont il faut louer le sentiment et l’expression. Nous en avons retrouvé quelques-unes, dont les paroles sont de "M¹¹e Desbordes, artiste de l’Odéon, , , à qui il avait donné des leçons lors de son court passage à l’Opéra-Comique. (Bertrand Guégan, Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore). 47. Ce n’est pas une vague et trompeuse espérance (C’EST LE BONHEUR, C’EST TOI). 48. C’était l’hiver, et la nature entière (LE SOMMEIL DE JULIEN). 49. Douce nuit, ton charme paisible (A LA NUIT). 50. Clémentine à genoux (CLÉMENTINE A MARIE). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1815, sous le titre : Prière à Marie (musique de Joséphine Baptiste) et dans la Guirlande des Dames de 1816. 32 PŒSIES DE 1819 58. Cache-moi ton regard plein d’âme et de tristesse (LE REGARD). 59. Vous souvient-il de cette jeune amie ? (LE PREMIER AMOUR). Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1815, et dans le Journal des Trouvères, 9 volume (musique de Carulli). La nouvelle en prose intitulée MARIE est mêlée de quel- ques pièces de vers, dont quatre avaient déjà été publiées dans des almanachs (Voir les lettres du 16 avril, du 26 avril et du 9 décembre 1818, où Marceline parle au libraire Louis de son petit roman). Voici les 8 pièces de vers que l’on rencontre dans Marie (60-67) : 60. Ne le croyez, si l’on vous dit un jour… Cette pièce a été réimprimée dans deux keepsakes : le Troubadour français, 1820, et la Guirlande des Dames, 1824, sout le titre : ON N’EN MEURT PAS. Elle n’a jamais été recueillie dans les œuvres poétiques de Marceline. 61. Viens donc, viens donc vite, bergère… Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1819 sous le titre : LES DEUX BERGÈRES, avec de la musique de Meissonnier. 62. Un étranger vint un jour au bocage… Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1816, sous le titre : L’ÉTRANGER AU VILLAGE. 63. Olivier, je t’attends, déjà l’heure est sonnée… Cette pièce parut d’abord dans l’Almanach des Muses de 1815, sous le titre : Inier des Grâces de 1815, sous le titre : L’absence au rendez-vous LE RENDEZ-VOUS (signée : Mlle Desbordes) ; dans le Chanson- (signée : Mlle Desbordes) ; dans le Souvenir des Ménestrels de 1815, musique de Ch. Lambert, et dans la Guirlande des Dames de 1816. Olivier est le nom que Marceline donne à son amant dans ses vers. Tout porte à croire qu’Olivier est Latouche. Bien des POÉSIES DE 1819 biographes sont de cet avis. Mais nous connaissons deux billets particulièrement précieux qui, adressés en 1809 ou 1810 à cet Olivier énigmatique, compliquent considérablement la question. Voici le texte du premier, tel que l’a trascrit Louis Vérité dans Un épisode peu connu de la vie de Marceline Desbordes- Valmore (Douai, 1896) : 33 "Ne viens pas demain, bien-aimé, j’ai mille corvées à faire, des visites d’obligation. Hier, j’ai reçu celle d’un gros homme d’esprit tout poudré, qui s’est d’abord mis à deux genoux pour demander merci. J’ai ri et j’ai reçu l’hommage de ses bonbons et de ses almanachs, que dis-je ! des plus précieux recueils du monde, puisque le nom de tout ce que j’aime s’y trouve. J’ai baisé ce nom qui décidera de mon sort. Adieu, mon Olivier ! "Et mes trois frères, mes trois amis ? Apporte-les-moi donc, je t’en prie, ne laisse pas écouler un jour sans travailler. Songe que tu t’occupes de mon bonheur. Je la veux, cette jambe de bois chérie, ce pauvre poète déchiré et surtout ce barbier si laid et intéressant (1) ; que tu as bien fait de les mettre en Espagne ! Ils n’ont jamais froid. Viens-y, petit ami, viens nous chauffer au soleil le plus pur. En attendant je te verrai samedi au coin du feu de mon amie Le second billet, vendu en 1899 par Noël Charavay, a été publié par Spoelberch de Lovenjoul : "Rappelle-toi bien ta promesse, cher bien-aimé ; n’oublie pas que je n’ai plus une âme que pour t’aimer, pour te suivre et s’attacher à toutes tes actions. "Ne restons pas plusieurs jours sans nous voir ; j’ai trop souffert ; demain à quatre heurs, je t’attends. Aime-moi petit ami, réponds à mon cœur, ô je t’en supplie, aime-moi bien ! C’est comme si je te disais : Donne-moi la vie. Ton amour est plus encore, Olivier, mon Olivier, mon Olivier. Tu ne sais pas à quel point tu peux me rendre heureuse ou malheureuse. G. Cavallucci Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore (1) L’histoire espagnole du « pauvre poète déchiré, , , du » barbier laid „ et de la jambe de bois chérie, se rapporte certainement à une nouvelle intitulée Gavino du journaliste marseillais Audibert. 3 12 34 POÉSIES DE 1819 Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1815, sous 64. Que n’as-tu comme moi pris naissance au village…. le titre : L’ABANDON, musique de Quinebaux. 65. Marguerite, fleur de tristesse. 66. Peux-tu dormir, paresseuse bergère. 67. La chanson du pêcheur. Marie a été réimprimée en 1820 par le libraire Louis avec trois autres nouvelles de Marceline. Nous étudierons plus loin ce volume qui a pour titre : Les veillées des Antilles.