Biblio-sonnets/Lettres de Paul Verlaine à Pierre Dauze

◄  Préfaces



Monsieur Pierre DAUZE
Rédacteur en chef de la Revue Biblio-iconographique.
Paris, le 12 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Voici le Sonnet en question. Un louis, n’est-ce pas, que je vous serais obligé de me faire tenir le plus tôt possible.

Pour le moment, ma santé me retient à la maison ; mais, comme j’y suis presque toujours, écrivez-moi un jour d’avance et je vous attendrai.

Voulez-vous des notes sur les poésies de Rimbaud ?

À bientôt, et j’espère que nous nous entendrons pour la dite série.

Agréez, cher Monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, 15 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Ainsi qu’il est convenu, je vous attendrai demain, mercredi matin, et vous verrai avec le plus grand plaisir.

Nous agiterons, j’espère pour nous entendre, le projet en question.

À demain donc et bien cordialement à vous.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, le 17 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Je viens vous confirmer notre entretien d’hier matin.

Il est convenu que je vous livrerai un certain nombre de sonnets ayant trait au Livre. Nous fixerons d’un commun accord le nombre de ces sonnets qui, après avoir été publiés dans la Revue Biblio-iconographique, seront ensuite réunis pour former une plaquette tirée à petit nombre.

Il est convenu que chacun de ces sonnets me sera payé dix francs sur remise.

Quelques exemplaires du livre tiré à part à vos frais seront votre propriété, ainsi que le manuscrit.

Veuillez agréer, cher Monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, 22 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Ci-joint le 1er  Sonnet d’après nos conventions.

Il fait suite au 1er , comme voyez, sous le titre : Bibliomanie. Je pense que celui qui suivra s’intitulera Bibliotaphie (!). Ensuite viendront un peu au hasard de l’inspiration, du rhythme, etc., les autres. Épreuves si possible !

Accusez-moi réception motivée du présent et croyez à ma toute cordialité.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 24 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Allons-y donc de Reliomanie ! À ce compte le sonnet « liminaire » s’appellerait Reliophilie ?

Le champ en effet est vaste et des plus vraiment amusants. Dites-moi combien il vous faut de sonnets en moyenne par mois ? J’ai égaré la Revue (envoyez-la moi). Je ne sais quand ça paraît, ni « combien de fois ».

Les fonds ? Envoyez par simple mandat. N’est-ce pas ? C’est le plus court. Dès ceci reçu, si possible.

Et à bientôt, j’espère, le plaisir de vous voir.

Tout à vous.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 29 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Je reçois à l’instant le Répertoire des ventes avec mon sonnet dedans, « Bibliophile », qui a été payé.

Mais mon sonnet « Biblio » ou plutôt « Reliomanie » ne l’est pas, car je ne crois pas que le louis payé pour le 1er  sonnet compte pour le deuxième.

Comme vous le disait ma lettre, je pense que le meilleur mode d’envoi est le mandat pur et simple.

Je vous enverrai bientôt un sonnet.

À bientôt et mes meilleurs shakehand.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, le 31 octobre 1895.
Cher Monsieur,

Reçu hier soir votre lettre contenant un mandat de Dix francs, dont merci.

Je vais me mettre à l’ouvrage. Par ces froids-ci, c’est vrai, l’esprit est plus lucide. Et puis je viens de terminer la 1re partie d’un grand machin… et c’est pour moi une vraie joie d’essayer de ciseler de petites… choses.

À bientôt donc lettre et vers miens.

Bien cordialement vôtre.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

N. B. — J’ai des manuscrits, dont un inédit (de moi bien entendu).

Le 6 novembre 1895.
Cher Monsieur,

Voici le sonnet dûment corrigé. Et deux autres nouveaux dont vous seriez aimable de m’envoyer les épreuves — avec, si possible, les espèces convenues, par le procédé du mandat, comme l’autre fois.

La série m’amuse. Je vais la continuer. Si vous avez observations, faites. Enfin, ça va n’est-ce pas ?

Bien cordialement et à bientôt, j’espère.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 12 novembre 1895.
Cher Monsieur,

Voici renvoyées dûment corrigées les épreuves. Reçu également le mandat dont merci. Je ferai donc un peu de… méchanceté la prochaine fois qui sera bientôt j’espère, en dépit d’un épouvantable rhume qui se complique, je le crains, de gastralgie, et m’abrutit littéralement.

À vous bien cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 22 novembre 1895.
Cher Monsieur,

Je reçois votre lettre et je vous « rassure ». Voici, en attendant mieux, un sonnet pour vous prouver que je me suis remis à l’œuvre en dépit des rhumes atroces que j’ai. Et demain vous aurez un autre sonnet en attendant (iterum) d’autres.

Mon manuscrit, c’est un article non paru sur Rimbaud, récent. (— Et qui ne paraîtrait pas, naturellement, si vendu.)

À bientôt et bien cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, 28 novembre 1895.
Cher Monsieur,

J’ai reçu hier soir le mandat pour les deux derniers sonnets, Aubaine et Désappointement, qu’en effet il est meilleur, provisoirement 5, 6, — 7, 8, etc., au fur et à mesure de la « production » (sic).

Je vais me mettre à de nouvelles choses en 14 vers, et vous enverrai au fur et à mesure également.

Mon article (inédit) sur Rimbaud se panache de toute une histoire qui est des plus amusantes. Vous dirai cela.

Bien cordialement à vous.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 3 décembre 1895.
Cher Monsieur,

Voici les nos 7 et 8 (Nombrons). Je suis encore dans des incertitudes si pécuniaires ! Alors si nul dérangement vôtre, envoyez mandat. La fréquence de cette formalité nécessitera, je le crains et je l’espère, un Final Sonnet à vous dédié pro Deo. Car d’envoyer de l’argent, ça en coûte !! Je me souviens du temps que j’en envoyais…

En attendant que ce temps revienne, je me rappelle à votre souvenir, et à revoir donc, en dehors du mandat, hélas ! indispensable, somatiquement.

Bien à vous cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Je vous recommande le sonnet « Mr le Curé ». C’est la 4e copie que je vous envoie. — Épreuves, n’est-ce pas ?

Paris, le 6 décembre 1895.
Cher Monsieur,

J’ai reçu hier soir, trop tard pour y répondre, votre lettre contenant la somme convenue pour les deux derniers sonnets, dont bien merci.

Merci aussi des plans que je vais piocher et à bientôt.

J’espère que vous me ferez une petite visite qui sera comme une classe, comme une leçon où jamais élève ne fut plus attentif, car ça m’amuse vraiment, cette veine là, d’ailleurs reposante des parfois très fatigants efforts cérébraux dont notre bizarre métier (faire des vers !) est susceptible.

Et mes meilleures cordialités, n’est-ce pas ?

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Le 10 décembre 1895.
Cher Monsieur,

Voici toujours deux de vos « plans » réalisés et deux sonnets qui, j’espère, vous agréeront. Je vous les envoie dans l’attente d’un accusé de réception selon la formule, hélas ! impérieuse qu’impose à ma trop grande et pas assez dorée médiocrité une fortune plutôt adverse.

Tout à vous bien cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Des épreuves n’est-ce pas ? On corrige mieux et on revoit mieux sur de l’imprimé.

Paris, le 13 décembre 1895.
Cher Monsieur,

Le fait est que votre lettre reçue hier soir avec le mandat me met dans un grand embarras. Vous me dites un jour de rabaisser le ton, que le public aime mieux quelque chose de plus familier. Moi, je fais ce que vous me dites et même j’opère sur vos indications écrites. Et vous m’écrivez cette fois-ci, que je tourne au prosaïsme et m’avertissez qu’il faut que mes poésies sint consule dignæ. Je le sais, et je soigne tous mes vers avec la même sollicitude. Le temps ne fait rien à l’affaire, mais un de ces sonnets me coûte plus de préoccupation littéraire, peut-être, que tel poème plus long.

Quoi qu’il en soit, je vais avant de reprendre la besogne attendre votre réponse. Quant à moi j’estime qu’un peu de bride sur le cou ferait mieux peut-être.

Bien cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Je ne puis lire le dernier mot de votre post-scriptum… nos 8 et 9. Couvertures style commercial (??). Ci-joint les épreuves corrigées.

Mercredi 18.
Cher Monsieur,

2 sonnets, le XIIe (c’est bien ça ?) est le pendant de celui sur Mr le curé (c’est pourquoi : Bibliotaphe, II). Le IIe est fait d’après une de vos indications.

Veuillez m’en accuser la réception… avec si possible mandat, voici le jour de l’an ! D’ailleurs c’est toujours le jour de l’an, dans ce sens-là, pour moi, sive, besoin, gêne, etc.).

Et me croire votre bien cordial… et sans « rancune aucune », surtout !

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, le 21 décembre 1895.
Cher Monsieur,

Reçu votre lettre et le montant dont merci. À bientôt les 13 et 14, amusants aussi, j’espère, et « conformes ».

Et tout à vous cordialement.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

26 décembre 1895.
Cher Monsieur,

13 et 14. Le 13 sert naturellement de suite au curé qui va se confesser.

La prochaine fois, après, une Bibliothèque (publique). Je suis étroitement votre programme et quant aux derniers sonnets, je vous consulterai pour les noms propres, amateurs célèbres, etc…

Veuillez, pour le jour de l’an — et le bon ordre, m’accuser réception avec un p’tit mandat et me croire

Bien vôtre.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

2 janvier 1896.
Cher Monsieur,

Je vous écris cet accusé de réception de vingt francs et des épreuves que je vous retourne. Excusez l’écriture. Je vous écris au lit et dans la fièvre avec espèce de gastrite très sévère.

Tout à vous.

P. Verlaine.

39, rue Descartes.

Paris, 7 janvier 1896.
Cher Monsieur,

Monsieur Verlaine, très malade et alité, serait bien aise de vous voir et de vous serrer la main.

Pour M. P. Verlaine,
M. Krantz.

Verlaine, 39, rue Descartes.

(Le poète Paul Verlaine est décédé le 8 Janvier 1896, à 7 heures du soir).