Bible Sacy/Ecclésiaste



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ECCLÉSIASTE.
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LES paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, et roi de Jérusalem.

2 Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste ; vanité des vanités, et tout n’est que vanité.

3 Que retire l’homme de tout le travail qui l’occupe sous le soleil ?

4 Une race passe, et une autre lui succède ; mais la terre demeure toujours.

5 Le soleil se lève et se couche, et il retourne d’où il était parti ; et renaissant du même lieu,

6 il prend son cours vers le midi, et revient vers le nord. Le souffle du vent tournoie de toutes parts, et il revient sur lui-même par de longs circuits.

7 Tous les fleuves entrent dans la mer, et la mer n’en regorge point. Les fleuves retournent au même lieu d’où ils étaient sortis, pour couler encore.

8 Toutes les choses du monde sont difficiles, l’homme ne peut les expliquer par ses paroles. L’œil ne se rassasie point de voir, et l’oreille ne se lasse point d’écouter.

9 Qu’est-ce qui a été autrefois ? c’est ce qui doit être à l’avenir. Qu’est-ce qui s’est fait ? c’est ce qui se doit faire encore.

10 Rien n’est nouveau sous le soleil ; et nul ne peut dire, Voilà une chose nouvelle : car elle a été déjà dans les siècles qui se sont passés avant nous.

11 On ne se souvient plus de ce qui a précédé ; et de même les choses qui doivent arriver après nous, seront oubliées de ceux qui viendront ensuite.

12 Moi, l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël dans Jérusalem.

13 Je résolus en moi-même de rechercher et d’examiner avec sagesse tout ce qui se passe sous le soleil : Dieu a donné aux enfants des hommes cette fâcheuse occupation qui les exerce pendant leur vie.

14 J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil, et j’ai trouvé que tout était vanité et affliction d’esprit.

15 Les âmes perverties se corrigent difficilement, et le nombre des insensés est infini.

16 J’ai dit dans mon cœur : Je suis devenu grand, et j’ai surpassé en sagesse tous ceux qui ont été avant moi dans Jérusalem ; mon esprit a contemplé les choses avec une grande sagesse, et j’ai beaucoup appris.

17 J’ai appliqué mon cœur pour connaître la prudence et la science, les erreurs et l’imprudence ; et j’ai reconnu qu’en cela mime il y avait bien de la peine et de l’affliction d’esprit :

18 parce qu’une grande sagesse est accompagnée d’une grande indignation, et que plus on a de science, plus on a de peine.



J’AI dit en moi-même, Prenons toutes sortes de délices, et jouissons des biens ; et j’ai reconnu que cela même n’était que vanité.

2 J’ai condamné le ris de folie, et j’ai dit à la joie : Pourquoi vous trompez-vous si vainement ?

3 J’ai pensé en moi-même de retirer ma chair du vin, pour porter mon esprit à la sagesse, et pour éviter l’imprudence, jusqu’à ce que j’eusse reconnu ce qui est utile aux enfants des hommes, et ce qu’ils doivent faire sous le soleil pendant les jours de leur vie.

4 J’ai fait faire des ouvrages magnifiques ; j’ai bâti des maisons ; j’ai planté des vignes.

5 J’ai fait des jardins et des clos, où j’ai mis toutes sortes d’arbres.

6 J’ai fait faire des réservoirs d’eaux pour arroser les plants des jeunes arbres.

7 J’ai eu des serviteurs et des servantes, et un grand nombre d’esclaves nés en ma maison, un grand nombre de bœufs, et de troupeaux de brebis, plus que n’en ont jamais eu tous ceux qui ont été avant moi dans Jérusalem.

8 J’ai amassé une grande quantité d’or et d’argent, et les richesses des rois et des provinces ; j’ai eu des musiciens et des musiciennes, et tout ce qui fait les délices des enfants des hommes ; des coupes et des vases pour servir le vin :

9 et j’ai surpassé en richesses tous ceux qui ont été avant moi dans Jérusalem ; et la sagesse est demeurée toujours avec moi.

10 Je n’ai rien refusé à mes yeux de tout ce qu’ils ont désiré, et j’ai permis à mon cœur de jouir de toutes sortes de plaisirs, et de prendre ses délices dans tout ce que j’avais préparé ; et j’ai cru que mon partage était de jouir ainsi de mes travaux.

11 Et tournant ensuite les yeux vers tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et tous les travaux où j’avais pris une peine si inutile, j’ai reconnu qu’il n’y avait que vanité et affliction d’esprit dans toutes ces choses, et que rien n’est stable sous le soleil.

12 J’ai passé à la contemplation de la sagesse, des erreurs et de l’imprudence. Qu’est-ce que l’homme, ai-je dit, pour pouvoir suivre le Roi qui l’a créé ?

13 Et j’ai reconnu que la sagesse a autant d’avantage sur l’imprudence, que la lumière en a sur les ténèbres.

14 Les yeux du sage sont à sa tête ; l’insensé marche dans les ténèbres : et j’ai reconnu qu’ils meurent tous deux l’un comme l’autre.

15 J’ai donc dit en moi-même : Si je dois mourir aussi bien que l’insensé, que me servira de m’être plus appliqué à la sagesse ? Et m’étant entretenu de ceci en mon esprit, j’ai reconnu qu’il y avait en cela même de la vanité.

16 Car la mémoire du sage ne sera pas éternelle, non plus que celle de l’insensé ; et les temps à venir enseveliront tout également dans l’oubli : l’homme savant meurt comme l’ignorant.

17 C’est pourquoi la vie m’est devenue ennuyeuse, considérant que toutes sortes de maux sont sous le soleil, et que tout n’est que vanité et affliction d’esprit.

18 J’ai regardé ensuite avec détestation toute cette application si grande avec laquelle j’avais tant travaillé sous le soleil ; devant laisser après moi un héritier,

19 qui deviendra le maître de tous les ouvrages auxquels je me suis appliqué avec tant de peine et de travail, sans que je sache s’il doit être sage ou insensé ; et y a-t-il rien de si vain ?

20 C’est pourquoi j’ai quitté toutes ces choses, et j’ai pris dans mon cœur la résolution de ne me tourmenter pas davantage sous le soleil.

21 Car après qu’un homme a bien travaillé à acquérir la sagesse et la science, et qu’il s’est donné bien de la peine, il laisse tout ce qu’il a acquis à une personne qui n’aimera que l’oisiveté. Tout cela donc est une vanité et un grand mal.

22 Car que retirera l’homme de tout son travail, et de l’affliction d’esprit avec laquelle il s’est tourmenté sous le soleil ?

23 Tous ses jours sont pleins de douleur et de misère, et il n’y a point de repos dans son âme, même pendant la nuit. Et n’est-ce pas là une vanité ?

24 Ne vaut-il pas mieux manger et boire, et faire du bien à son âme du fruit de ses travaux ? Et ceci vient de la main de Dieu.

25 Qui se rassasiera et jouira de toutes sortes de délices autant que moi ?

26 Dieu a donné à l’homme qui lui est agréable la sagesse, la science et la joie ; et il a donné au pécheur l’affliction et les soins inutiles, afin qu’il amasse sans cesse, et qu’il ajoute bien sur bien, et le laisse à un homme qui sera agréable à Dieu. Mais cela même est une vanité et un tourment d’esprit fort inutile.



TOUTES choses ont leur temps, et tout passe sous le ciel, après le terme qui lui a été prescrit.

2 Il y a temps de naître, et temps de mourir ; temps de planter, et temps d’arracher ce qui a été planté.

3 Il y a temps de tuer, et temps de guérir ; temps d’abattre, et temps de bâtir.

4 Il y a temps de pleurer, et temps de rire ; temps de s’affliger, et temps de sauter de joie.

5 Il y a temps de jeter les pierres, et temps de les ramasser ; temps d’user du mariage, et temps de s’en abstenir.

6 Il y a temps d’acquérir, et temps de perdre ; temps de conserver, et temps de rejeter.

7 Il y a temps de déchirer, et temps de rejoindre ; temps de se taire, et temps de parler.

8 Il y a temps pour aimer, et temps pour haïr ; temps pour la guerre, et temps pour la paix.

9 Que retire l’homme de tout son travail ?

10 J’ai vu l’occupation que Dieu a donnée aux enfants des hommes, qui les travaille pendant leur vie.

11 Tout ce qu’il a fait est bon en son temps, et il a livré le monde à leurs disputes, sans que l’homme puisse reconnaître les ouvrages que Dieu a faits depuis le commencement du monde jusqu’à la fin.

12 Et j’ai reconnu qu’il n’y avait rien de meilleur que de se réjouir et de bien faire pendant sa vie.

13 Car tout homme qui mange et qui boit, et qui retire du bien de son travail, reçoit cela par un don de Dieu.

14 J’ai appris que tous les ouvrages que Dieu a créés demeurent à perpétuité ; et que nous ne pouvons ni rien ajouter, ni rien ôter, à tout ce que Dieu a fait, afin qu’on le craigne.

15 Ce qui a été, est encore ; ce qui doit être, a déjà été ; et Dieu rappelle ce qui est passé.

16 J’ai vu sous le soleil l’impiété dans le lieu du jugement, et l’iniquité dans le lieu de la justice.

17 Et j’ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et l’injuste ; et alors ce sera le temps de toutes choses.

18 J’ai dit en mon cœur touchant les enfants des hommes, que Dieu les éprouve, et qu’il fait voir qu’ils sont semblables aux bêtes.

19 C’est pourquoi les hommes meurent comme les bêtes, et leur sort est égal. Comme l’homme meurt, les bêtes meurent aussi. Les uns et les autres respirent de même, et l’homme n’a rien de plus que la bête : tout est soumis à la vanité ;

20 et tout tend en un même lieu. Ils ont tous été tirés de la terre, et ils retournent tous dans la terre.

21 Qui connaît si l’âme des enfants des hommes monte en haut, et si l’âme des bêtes descend en bas ?

22 Et j’ai reconnu qu’il n’y a rien de meilleur à l’homme que de se réjouir dans ses œuvres, et que c’est là son partage. Car qui pourra le mettre en état de connaître ce qui doit arriver après lui ?



J’AI porté mon esprit ailleurs : j’ai vu les oppressions qui se font sous le soleil, les larmes des innocents qui n’ont personne pour les consoler, et l’impuissance où ils se trouvent de résister à la violence, abandonnés qu’ils sont du secours de tout le monde.

2 Et j’ai préféré l’état des morts à celui des vivants :

3 j’ai estimé plus heureux que les uns et les autres, celui qui n’est pas encore né, et qui n’a point vu les maux qui se font sous le soleil.

4 J’ai considéré aussi tous les travaux des hommes, et j’ai reconnu que leur industrie est exposée à l’envie des autres ; et qu’ainsi cela même est une vanité et une inquiétude inutile.

5 L’insensé met ses mains l’une dans l’autre, et il mange sa propre chair, en disant :

6 Un peu dans le creux de la main vaut mieux avec du repos, que plein les deux mains avec travail et affliction d’esprit.

7 En considérant toutes choses, j’ai trouvé encore une autre vanité sous le soleil :

8 Tel est seul et n’a personne avec lui, ni enfant, ni frère, qui néanmoins travaille sans cesse : ses yeux sont insatiables de richesses ; et il ne lui vient point dans l’esprit de se dire à lui-même : Pour qui est-ce que je travaille ? et pourquoi me priver moi-même de l’usage de mes biens ? C’est là encore une vanité, et une affliction bien malheureuse.

9 Il vaut donc mieux être deux ensemble, que d’être seul : car ils tirent de l’avantage de leur société.

10 Si l’un tombe, l’autre le soutient : malheur à l’homme seul ! car lorsqu’il sera tombé, il n’aura personne pour le relever.

11 Si deux dorment ensemble, ils s’échauffent l’un l’autre ; mais comment un seul s’échauffera-t-il ?

12 Si quelqu’un a de l’avantage sur l’un des deux, tous deux lui résistent : un triple cordon se rompt difficilement.

13 Un enfant pauvre, mais qui est sage, vaut mieux qu’un roi vieux et insensé, qui ne saurait rien prévoir pour l’avenir.

14 Car quelquefois tel est dans la prison et dans les chaînes, qui en sort pour être roi ; et tel est né roi, qui tombe dans une extrême pauvreté.

15 J’ai vu tous les hommes vivants qui marchent sous le soleil, avec le second jeune homme qui doit se lever en la place de l’autre.

16 Tous ceux qui ont été avant lui sont un peuple infini en nombre, et ceux qui doivent venir après, ne se réjouiront point en lui ; mais cela même est une vanité et une affliction d’esprit.

17 Considérez où vous mettez le pied, lorsque vous entrez dans la maison du Seigneur, et approchez-vous pour écouter. Car l’obéissance vaut beaucoup mieux que les victimes des insensés, qui ne connaissent pas le mal qu’ils font.



NE dites rien inconsidérément, et que votre cœur ne se hâte point de proférer des paroles devant Dieu. Car Dieu est dans le ciel, et vous sur la terre ; c’est pourquoi parlez peu.

2 La multitude des soins produit des songes ; et l’imprudence se trouve dans l’abondance des paroles.

3 Si vous avez fait un vœu à Dieu, ne différez point de vous en acquitter : car la promesse infidèle et imprudente lui déplaît. Mais accomplissez tous les vœux que vous aurez faits.

4 Il vaut beaucoup mieux ne faire point de vœux, que d’en faire et ne les pas accomplir.

5 Que la légèreté de votre bouche ne soit pas à votre chair une occasion de tomber dans le péché ; et ne dites pas devant l’ange, Il n’y a point de providence ; de peur que Dieu étant irrité contre vos paroles, ne détruise tous les ouvrages de vos mains.

6 Où il y a beaucoup de songes, il y a aussi beaucoup de vanité et des discours sans fin ; mais pour vous, craignez Dieu.

7 Si vous voyez l’oppression des pauvres, la violence qui règne dans les jugements, et le renversement de la justice dans une province, que cela ne vous étonne pas : car celui qui est élevé en a un autre au-dessus de lui : et il y en a encore d’autres qui sont élevés au-dessus d’eux ;

8 et de plus, il y a un roi qui commande à tout le pays qui lui est assujetti.

9 L’avare n’aura jamais assez d’argent, et celui qui aime les richesses n’en recueillera point de fruit : c’est donc là encore une vanité.

10 Où il y a beaucoup de bien, il y a aussi beaucoup de personnes pour le manger. De quoi donc sert-il à celui qui le possède, sinon qu’il voit de ses yeux beaucoup de richesses ?

11 Le sommeil est doux à l’ouvrier qui travaille, soit qu’il ait peu ou beaucoup mangé ; mais le riche est si rempli de viandes, qu’il ne peut dormir.

12 Il y a encore une autre maladie bien fâcheuse que j’ai vue sous le soleil : des richesses conservées avec soin pour le tourment de celui qui les possède.

13 Il les voit périr avec une extrême affliction : il a mis au monde un fils qui sera réduit à la dernière pauvreté.

14 Comme il est sorti nu du sein de sa mère, il y retournera de même, et n’emportera rien avec lui de son travail.

15 C’est là vraiment une maladie bien digne de compassion : il s’en retournera comme il est venu. De quoi lui sert donc d’avoir tant travaillé en vain ?

16 Tous les jours de sa vie il a mangé dans les ténèbres, dans un embarras de soins, dans la misère et dans le chagrin.

17 J’ai donc cru qu’il est bon qu’un homme mange et boive, et qu’il se réjouisse dans le fruit qu’il tire de tout son travail qu’il endure sous le soleil, pendant les jours que Dieu lui a donnés pour la durée de sa vie ; et que c’est là son partage.

18 Et quand Dieu a donné à un homme des richesses, du bien, et le pouvoir d’en manger, de jouir de ce qu’il a eu en partage, et de trouver sa joie dans son travail, cela même est un don de Dieu.

19 Car il se souviendra peu des jours de sa vie, parce que Dieu occupe son cœur de délices.



IL y a encore un autre mal que j’ai vu sous le soleil, et qui est ordinaire parmi les hommes :

2 Un homme à qui Dieu a donné des richesses, du bien, de l’honneur, et à qui il ne manque rien pour la vie de tout ce qu’il peut désirer ; et Dieu ne lui a point donné le pouvoir d’en manger ; mais un étranger dévorera tout : c’est là une vanité et une grande misère.

3 Quand un homme aurait eu cent enfants, qu’il aurait vécu beaucoup d’années, et qu’il serait fort avancé en âge, si son âme n’use point des biens qu’il possède, et qu’il soit même privé de la sépulture ; je ne crains pas d’avancer de cet homme, qu’un avorton vaut mieux que lui :

4 car c’est en vain que cet avorton est venu au monde ; il s’en retournera dans les ténèbres, et son nom sera enseveli dans l’oubli ;

5 il n’a point vu le soleil, et n’a point connu la différence du bien et du mal.

6 Quand il aurait vécu deux mille ans, s’il n’a point joui de ses biens : tous ne vont-ils pas au même lieu ?

7 Tout le travail de l’homme est pour sa bouche ; mais son âme n’en sera pas remplie.

8 Qu’a le sage de plus que l’insensé ? qu’a le pauvre au-dessus de lui, sinon qu’il va au lieu où est la vie ?

9 Il vaut mieux voir ce que l’on désire, que de souhaiter ce que l’on ignore ; mais cela même est une vanité et une présomption d’esprit.

10 Celui qui doit être, est déjà connu par son nom ; on sait qu’il est homme, et qu’il ne peut pas disputer en jugement contre un plus puissant que lui.

11 On discourt beaucoup, on se répand en beaucoup de paroles dans la dispute ; et ce n’est que vanité.



QU’EST-IL nécessaire à un homme de rechercher ce qui est au-dessus de lui, lui qui ignore ce qui lui est avantageux en sa vie pendant les jours qu’il est étranger sur la terre, et durant le temps qui passe comme l’ombre ? Ou qui pourra lui découvrir ce qui doit être après lui sous le soleil ?

2 La bonne réputation vaut mieux que les parfums précieux, et le jour de la mort que celui de la naissance.

3 Il vaut mieux aller à une maison de deuil qu’à une maison de festin : car dans celle-là on est averti de la fin de tous les hommes, et celui qui est vivant pense à ce qui doit lui arriver un jour.

4 La colère vaut mieux que le ris ; parce que le cœur de celui qui pèche est corrige par la tristesse qui paraît sur le visage.

5 Le cœur des sages est où se trouve la tristesse, et le cœur des insensés où la joie se trouve.

6 Il vaut mieux être repris par un homme sage, que d’être séduit par les flatteries des insensés :

7 car le ris de l’insensé est comme le bruit que font les épines, lorsqu’elles brûlent sous un pot ; mais cela même est une vanité.

8 La calomnie trouble le sage, et elle abattra la fermeté de son cœur.

9 La fin d’un discours vaut mieux que le commencement ; l’homme patient vaut mieux qu’un présomptueux.

10 Ne soyez point prompt à vous mettre en colère ; parce que la colère repose dans le sein de l’insensé.

11 Ne dites point : D’où vient que les premiers temps ont été meilleurs que ceux d’aujourd’hui ? Car cette demande n’est pas sage.

12 La sagesse est plus utile avec les richesses, et elle sert davantage à ceux qui voient le soleil.

13 Car comme la sagesse protège, l’argent protège aussi ; mais la science et la sagesse ont cela de plus, qu’elles donnent la vie à celui qui les possède.

14 Considérez les œuvres de Dieu, et que nul ne peut corriger celui qu’il méprise.

15 Jouissez des biens au jour heureux, et tenez-vous prêt pour le mauvais jour : car Dieu a fait l’un comme l’autre, sans que l’homme ait aucun juste sujet de se plaindre de lui.

16 J’ai vu encore ceci pendant les jours de ma vanité : Le juste périt dans sa justice, et le méchant vit longtemps dans sa malice.

17 Ne soyez pas trop juste, et ne soyez pas plus sage qu’il n’est nécessaire, de peur que vous n’en deveniez stupide.

18 Ne vous affermissez pas dans les actions criminelles, et ne devenez pas insensé, de peur que vous ne mouriez avant votre temps.

19 Il est bon que vous souteniez le juste ; mais ne retirez pas aussi votre main de celui qui ne l’est pas : car celui qui craint Dieu, ne néglige rien.

20 La sagesse rend le sage plus fort que dix princes d’une ville.

21 Car il n’y a point d’homme juste sur la terre qui fasse le bien et ne pèche point.

22 Que votre cœur ne se rende point attentif à toutes les paroles qui se disent ; de peur que vous n’entendiez votre serviteur parler mal de vous :

23 car vous savez en votre conscience que vous avez vous-même souvent parlé mal des autres.

24 J’ai tenté tout pour acquérir la sagesse. J’ai dit en moi-même, Je deviendrai sage ; et la sagesse s’est retirée loin de moi,

25 encore beaucoup plus qu’elle n’était auparavant. O combien est grande sa profondeur ! et qui pourra la sonder ?

26 Mon esprit a porté sa lumière sur toutes choses, pour savoir, pour considérer, pour chercher la sagesse et les raisons de tout, et pour connaître la malice des insensés, et l’erreur des imprudents :

27 et j’ai reconnu que la femme est plus amère que la mort, qu’elle est le filet des chasseurs, que son cœur est un rets, et que ses mains sont des chaînes. Celui qui est agréable à Dieu, se sauvera d’elle ; mais le pécheur s’y trouvera pris.

28 Voici ce que j’ai trouvé, dit l’Ecclésiaste, après avoir comparé une chose avec une autre pour trouver une raison,

29 que mon âme cherche encore sans l’avoir pu découvrir : Entre mille hommes j’en ai trouvé un ; mais de toutes les femmes je n’en ai pas trouvé une seule.

30 Ce que j’ai trouvé seulement, est que Dieu a créé l’homme droit et juste, et qu’il s’est lui-même embarrassé dans une infinité de questions. Qui est semblable au sage ? et qui connaît l’éclaircissement de cette parole ?



LA sagesse de l’homme luit sur son visage, et le Tout-Puissant le lui change comme il lui plaît.

2 Pour moi, j’observe la bouche du roi, et les préceptes que Dieu a donnés avec serment.

3 Ne vous hâtez point de vous retirer de devant sa face, et ne persévérez point dans l’œuvre mauvaise ; parce qu’il fera tout ce qu’il voudra.

4 Sa parole est pleine de puissance, et nul ne peut lui dire : Pourquoi faites-vous ainsi ?

5 Celui qui garde le précepte, ne ressentira aucun mal. Le cœur du sage sait ce qu’il doit répondre, et quand il est temps de le faire.

6 Toutes choses ont leur temps et leurs moments favorables ; et c’est une grande misère à l’homme

7 de ce qu’il ignore le passé, et qu’il ne peut avoir aucune nouvelle de l’avenir.

8 Il n’est pas au pouvoir de l’homme d’empêcher que l’âme ne quitte le corps ; il n’a point de puissance sur le jour de la mort ; il ne peut avoir de trêve dans la guerre qui le menace, et l’impiété ne sauvera point l’impie.

9 J’ai considéré toutes ces choses, et j’ai appliqué mon cœur à discerner tout ce qui se fait sous le soleil. Un homme quelquefois en domine un autre pour son propre malheur.

10 J’ai vu des impies ensevelis, qui lors même qu’ils vivaient étaient dans le lieu saint, et qui étaient loués dans la cité, comme si leurs œuvres eussent été justes. Mais cela même est une vanité.

11 Car parce que la sentence ne se prononce pas sitôt contre les méchants, les enfants des hommes commettent le crime sans aucune crainte.

12 Mais néanmoins cette patience même avec laquelle le pécheur est souffert, après avoir cent fois commis des crimes, m’a fait connaître que ceux qui craignent Dieu et qui respectent sa face, seront heureux.

13 Que les méchants ne réussissent point, que les jours de leur vie ne soient pas longs, et que ceux qui ne craignent point la face du Seigneur, passent comme l’ombre.

14 Il se trouve encore une autre vanité sur la terre : Il y a des justes à qui les malheurs arrivent, comme s’ils avaient fait les actions des méchants ; et il y a des méchants qui vivent dans l’assurance, comme s’ils avaient fait les œuvres des justes. Mais je crois que c’est là encore une très-grande vanité.

15 C’est ce qui m’a porté à louer la joie et le repos. J’ai cru que le bien que l’on pouvait avoir sous le soleil était de manger, de boire et de se réjouir, et que l’homme n’emportait que cela avec lui de tout le travail qu’il avait enduré en sa vie, pendant les jours que Dieu lui a donnés sous le soleil.

16 J’ai appliqué mon cœur pour connaître la sagesse, et pour remarquer cette dissipation de l’esprit des hommes qui sont sur la terre. Tel se trouve parmi eux, qui ne dort et ne repose ni jour ni nuit.

17 Et j’ai reconnu que l’homme ne peut trouver aucune raison de toutes les œuvres de Dieu qui se font sous le soleil ; et que plus il s’efforcera de la découvrir, moins il la trouvera : quand le sage même dirait qu’il a cette connaissance, il ne pourra la trouver.



J’AI agité toutes ces choses dans mon cœur, et je me suis mis en peine d’en trouver l’intelligence. Il y a des justes et des sages, et leurs œuvres sont dans la main de Dieu ; néanmoins l’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine :

2 mais tout est réservé pour l’avenir et demeure ici incertain, parce que tout arrive également au juste et à l’injuste, au bon et au méchant, au pur et à l’impur, à celui qui immole des victimes, et à celui qui méprise les sacrifices. L’innocent est traité comme le pécheur, et le parjure comme celui qui jure dans la vérité.

3 C’est là ce qu’il y a de plus fâcheux dans tout ce qui se passe sous le soleil, de ce que tout arrive de même à tous. De là vient que les cœurs des enfants des hommes sont remplis de malice et de mépris pendant leur vie, et après cela ils seront mis entre les morts.

4 Il n’y a personne qui vive toujours, ni qui ait même cette espérance : un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort.

5 Car ceux qui sont en vie, savent qu’ils doivent mourir ; mais les morts ne connaissent plus rien, et il ne leur reste plus de récompense : parce que leur mémoire est ensevelie dans l’oubli.

6 L’amour, la haine et l’envie sont péries avec eux, et ils n’ont plus de part à ce siècle, ni à tout ce qui se passe sous le soleil.

7 Allez donc, et mangez votre pain avec joie, buvez votre vin avec allégresse ; parce que vos œuvres sont agréables à Dieu.

8 Que vos vêtements soient blancs en tout temps, et que l’huile qui parfume votre tête ne défaille point.

9 Jouissez de la vie avec la femme que vous aimez, pendant tous les jours de votre vie passagère, qui vous ont été donnés sous le soleil, pendant tout le temps de votre vanité : car c’est là votre partage dans la vie et dans le travail qui vous exerce sous le soleil.

10 Faites promptement tout ce que votre main pourra faire ; parce qu’il n’y aura plus ni œuvre, ni raison, ni sagesse, ni science dans le tombeau où vous courez.

11 J’ai tourné mes pensées ailleurs, et j’ai vu que sous le soleil le prix n’est point pour ceux qui sont les plus légers à la course, ni la guerre pour les plus vaillants, ni le pain pour les plus sages, ni les richesses pour les plus habiles, ni la faveur pour les meilleurs ouvriers ; mais que tout se fait par rencontre et à l’aventure.

12 L’homme ignore quelle sera sa fin ; et comme les poissons sont pris à l’hameçon, et les oiseaux au filet, ainsi les hommes se trouvent surpris par l’adversité, lorsque tout d’un coup elle fond sur eux.

13 J’ai vu aussi sous le soleil une action de sagesse, et qui m’a paru en effet d’une très-grande sagesse :

14 Une ville fort petite, où il y avait peu de monde : un grand roi est venu pour la prendre ; il l’a investie ; il a bâti des forts tout autour, et l’a assiégée de toutes parts.

15 Il s’est trouvé dedans un homme pauvre, mais sage, qui a délivré la ville par sa sagesse ; et après cela nul ne s’est plus souvenu de cet homme pauvre.

16 Je disais alors, que la sagesse est meilleure que la force. Comment donc la sagesse du pauvre a-t-elle été méprisée ? et comment ses paroles n’ont-elles point été écoutées ?

17 Les paroles des sages s’entendent dans le repos, plus que les cris du prince parmi les insensés.

18 La sagesse vaut mieux que les armes des gens de guerre ; et celui qui pèche en une chose, perdra de grands biens.



LES mouches qui meurent dans le parfum, en gâtent la bonne odeur : ainsi une imprudence légère et de peu de durée l’emporte sur la sagesse et la gloire.

2 Le cœur du sage est dans sa main droite, et le cœur de l’insensé est dans sa main gauche.

3 L’imprudent même qui marche dans sa voie, croit tous les autres insensés comme il l’est lui-même.

4 Si l’esprit de celui qui a la puissance, s’élève sur vous, ne quittez point votre place : parce que les remèdes qu’on vous appliquera, vous guériront des plus grands péchés.

5 Il y a un mal que j’ai vu sous le soleil, qui semble venir de l’erreur du prince :

6 l’imprudent élevé dans une dignité sublime, et les riches assis en bas.

7 J’ai vu les esclaves à cheval, et les princes marcher à pied comme des esclaves.

8 Qui creuse la fosse, y tombera ; et qui rompt la haie, sera mordu du serpent.

9 Qui transporte les pierres, en sera meurtri ; et qui fend le bois, en sera blessé.

10 Si le fer s’émousse, et qu’au lieu de le rétablir dans son premier état, on le rebrousse encore, on aura bien de la peine à l’aiguiser ; ainsi la sagesse ne s’acquiert que par un long travail.

11 Celui qui médit en secret, est comme un serpent qui mord sans faire de bruit.

12 Les paroles qui sortent de la bouche du sage sont pleines de grâce ; les lèvres de l’insensé le feront tomber dans le précipice ;

13 ses premières paroles sont une imprudence, et les dernières qui sortent de sa bouche, sont une erreur très-maligne.

14 L’insensé se répand en paroles. L’homme ignore ce qui a été avant lui ; et qui pourra lui découvrir ce qui doit être après lui ?

15 Le travail des insensés les accablera, parce qu’ils ne savent comment il faut aller à la ville.

16 Malheur à toi, terre, dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin !

17 Heureuse est la terre dont le roi est d’une race illustre, et dont les princes ne mangent qu’au temps destiné pour se nourrir, et non pour satisfaire leur sensualité.

18 La charpente du toit se gâtera peu à peu par la paresse, et les mains lâches seront cause qu’il pleuvra partout dans la maison.

19 Les hommes emploient le pain et le vin pour rire et se divertir, et pour passer leur vie en festins ; et toutes choses obéissent à l’argent.

20 Ne parlez point mal du roi dans votre pensée, et ne médisez point du riche dans le secret de votre chambre : parce que les oiseaux mêmes du ciel rapporteront vos paroles, et ceux qui ont des ailes publieront ce que vous aurez dit.



RÉPANDEZ votre pain sur les eaux qui passent ; parce que vous le retrouverez après un long espace de temps.

2 Faites-en part à sept et à huit personnes ; parce que vous ignorez le mal qui doit venir sur la terre.

3 Lorsque les nuées se seront remplies, elles répandront la pluie sur la terre. Si l’arbre tombe au midi ou au septentrion, en quelque lieu qu’il sera tombé, il y demeurera.

4 Celui qui observe les vents, ne sème point ; et celui qui considère les nuées, ne moissonnera jamais.

5 Comme vous ignorez par où l’âme vient, et de quelle manière les os se lient dans les entrailles d’une femme grosse ; ainsi vous ne connaissez point les œuvres de Dieu qui est le Créateur de toutes choses.

6 Semez votre grain dès le matin, et que le soir votre main ne cesse point de semer : parce que vous ne savez lequel des deux lèvera plus tôt, celui-ci, ou celui-là ; que si l’un et l’autre lève, ce sera encore mieux.

7 La lumière est douce, et l’œil se plaît à voir le soleil.

8 Si un homme vit beaucoup d’années, et qu’il se réjouisse dans tout ce temps-là, il doit se souvenir de ce temps de ténèbres, et de cette multitude de jours, qui étant venus, convaincront de vanité tout le passé.

9 Réjouissez-vous donc, jeune homme, dans votre jeunesse ; que votre cœur soit dans l’allégresse pendant votre premier âge : marchez selon les voies de votre cœur, et selon les regards de vos yeux ; et sachez que Dieu vous fera rendre compte en son jugement de toutes ces choses.

10 Bannissez la colère de votre cœur ; éloignez le mal de votre chair : car la jeunesse et le plaisir ne sont que vanité.



SOUVENEZ-VOUS de votre Créateur pendant les jours de votre jeunesse, avant que le temps de l’affliction soit arrivé, et que vous approchiez des années dont vous direz, Ce temps me déplaît :

2 avant que le soleil, la lumière, la lune et les étoiles s’obscurcissent, et que les nuées retournent après la pluie ;

3 lorsque les gardes de la maison commenceront à trembler ; que les hommes les plus forts s’ébranleront ; que celles qui avaient accoutumé de moudre, seront réduites en petit nombre et deviendront oisives ; et que ceux qui regardaient par les trous, seront couverts de ténèbres :

4 quand on fermera les portes de la rue ; quand la voix de celle qui avait accoutume de moudre sera faible ; qu’on se lèvera au chant de l’oiseau ; et que les filles de l’harmonie deviendront sourdes :

5 quand on aura même peur des lieux élevés, et qu’on craindra en chemin ; quand l’amandier fleurira, que la sauterelle s’engraissera, et que les câpres se dissiperont ; parce que l’homme s’en ira dans la maison de son éternité, et qu’on marchera en pleurant autour des rues :

6 avant que la chaîne d’argent soit rompue, que la bandelette d’or se retire, que la cruche se brise sur la fontaine, et que la roue se rompe sur la citerne ;

7 que la poussière rentre en la terre d’où elle avait été tirée, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’avait donné.

8 Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste ; tout est vanité.

9 L’Ecclésiaste étant très-sage, enseigna le peuple ; il publia ce qu’il avait fait, et dans cette étude il composa plusieurs paraboles.

10 Il rechercha des paroles utiles, et il écrivit des discours pleins de droiture et de vérité.

11 Les paroles des sages sont comme des aiguillons, et comme des clous enfoncés profondément, que le Pasteur unique nous a donnés par le conseil et la sagesse des maîtres.

12 Ne recherchez rien davantage, mon fils. Il n’y a point de fin à multiplier les livres ; et la continuelle méditation de l’esprit afflige le corps.

13 Ecoutons tous ensemble la fin de tout ce discours. Craignez Dieu, et observez ses commandements : car c’est là le tout de l’homme.

14 Et Dieu fera rendre compte en son jugement de toutes les fautes, et de tout le bien et le mal qu’on aura fait.