Alphonse Lemerre, éditeur (p. 29-32).

V

LA DEMANDE

Les barons ont fait la demande.
Tout s’est passé selon leurs vœux.
Le père a dit : « Ma joie est grande. »
Et Berthe : « Si l’on veut, je veux. »

Elle rougit, suivant l’usage.
Et tous les barons d’admirer,
Au nom de Pépin, ce visage
Si clair qu’on s’y pouvait mirer.

Alors, le roi Flores propose :
« Messieurs, vous devez avoir faim.
Venez donc prendre quelque chose
De réconfortant et de fin.

« Vous avez la joue et l’œil caves,
Et vos chevaux n’en veulent plus.
Videz mes celliers et mes caves,
Soyez friands, soyez goulus.

« Tout est conclu, rien ne vous presse.
Restez un mois, restez-en deux.
Reposez-vous avec ivresse
Des nuits et des jours hasardeux. »

Mais eux que Pépin seul anime,
Plus forts que la tentation,
Déclinent d’un geste unanime
Cette aimable invitation :

« Notre prince est en peine, sire,
Laissez-nous partir à l’instant.
On se consume comme cire,
Quand on ignore et qu’on attend.

— J’aime, dit le roi, votre zèle ;
Mais je ne puis, à mon regret,
Vous octroyer la demoiselle,
Sans son trousseau qui n’est pas prêt.

« Si vous avez trop souciance
Du roi qui languit de savoir,
Portez à son impatience
L’allégement d’un sûr espoir.

« Volez à lui, prompts comme flèche,
Vous lui direz en arrivant
Que Berthe vous suit en calèche,
Et que son cœur marche devant. »

Il dit. Chacun bondit en selle.
Et c’est ainsi, de huit à neuf,
Que Berthe aux grands pieds, très pucelle,
Fut promise à Pépin, très veuf.