Belle-Plante et Cornélius/Texte entier

Belle-Plante et Cornélius
Belle-Plante et CornéliusC. SionestŒuvres de C. Tillier, vol. II (p. --236).



BELLE-PLANTE
et
CORNÉLIUS.





ŒUVRES


DE


C. TILLIER



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TOME SECOND
――――――――――



BELLE-PLANTE ET CORNÉLIUS






NEVERS
C. SIONEST, IMPRIMEUR-ÉDITEUR,
16, RUE DU FER.
1846




I


Je ne suis ni inspecteur primaire, ni directeur des contributions indirectes, je vous prie de le croire ; je ne connais pas tous les villages de la Nièvre ; cependant, je parierais bien avec le premier venu des fonctionnaires sus-nommés, que le plus joli de tous ces villages c’est Armes. Armes est sur la route de Clamecy à Avallon, à huit lieues d’Avallon, et à deux pas de Clamecy, qui l’attire vers lui incessamment et finira par l’absorber comme la terre absorbe une imprudente aérolithe qui vient tourner trop près d’elle. Si vous allumez votre cigare aux dernières maisons du faubourg de Bethléem, il ne sera pas éteint que vous serez arrivé à Armes. Vous donc qui ne demeurez qu’à une vingtaine de kilomètres de Clamecy, allez voir Armes, si vous ne l’avez pas encore vu, et, pour peu que vous sachiez manier un crayon et que vous ayez un album, faites-vous accompagner de votre album, je vous réponds que vous ne regretterez pas votre argent ; et d’ailleurs, si vous le regrettiez, bien que les conseilleurs ne soient pas les payeurs, c’est moi, Claude Tillier, qui vous le rembourserais.

J’aime le printemps avec ses buissons blancs et roses ; j’aime l’été avec ses champs fauves encadrés d’une éclatante verdure ; j’aime aussi l’hiver avec ses arbres noirs qui ressemblent, avec leur tête couverte de frimas, à des hommes de loi coiffés d’une perruque poudrée ; mais j’aime surtout ces jours tièdes et humides de l’automne, quand le soleil est chauve et dépoli, qu’un nuage floconneux, pareil à un blanc duvet qui vole, remplit tout l’espace qui est entre le ciel et la terre ; que vous voyez les arbres, les montagnes, les hameaux, gris et vaporeux comme s’ils étaient reflétés par une glace terne, et que la campagne ressemble à un paysage élyséen ; quand le vert des bois se teint de brun et de ronge, que les ruisseaux charrient de longues traînées de feuilles jaunes qui s’en vont processionnellement comme un convoi ; quand enfin la nature fiévreuse et phtisique sourit encore, mais de ce sourire malade qui reste quelquefois sur les lèvres d’un trépassé. Or donc, partez de Clamecy par un de ces délicieux beaux jours. Je vous dis cela parce qu’alors la flotte a cessé et que l’Yonne est débarrassée de ces grandes piles de bois grisâtres qui donnent à sa vallée l’odeur de moisi et l’aspect prosaïque d’un chantier.

Jusqu’à la Maladrerie, vieil hôpital de lépreux aboli et dont il ne reste plus que la chapelle, le chemin s’en va prosaïquement entre une haie tondue et un champ de luzerne ; il s’en va sans songer à rien, sans regarder à droite ni à gauche, et tout ennuyé de la corvée que les ponts et chaussées lui font faire ; mais, arrivé en face de la Maladrerie, il se réveille tout-à-coup de sa somnolence, tourne brusquement à gauche et mord dans la croupe d’une de ces hautes montagnes dont la chaîne, après avoir traversé tout le département de la Nièvre, s’enfonce peu à peu et finit par disparaître tout-à-fait dans les graviers du département de l’Yonne. Alors c’est une magnifique terrasse qui jette, d’une élévation de cinquante mètres, son regard fier et hautain sur la vallée. À vos pieds l’Yonne, que font incessamment tressaillir, comme un bœuf que piquent les mouches, les graviers tombés du chemin, se promène lentement dans sa prairie, et les bois du marché, descendant pêle-mêle de leurs âpres collines, viennent baigner leurs racines dans les eaux vertes et dormantes du fleuve.

À votre gauche s’élève, comme un grand mur en ruine, le second étage de la montagne. Au pied de cette gigantesque masure, court et s’enfuit devant vous comme une longue traînée de maisons qui servent de faubourg au village. Car Armes n’est pas un piètre et misérable paysan : semblable à ces marquis qui veulent avoir des pages, il a son faubourg comme une ville. Toutes ses maisons sont neuves ; elles ont toutes un toit rouge et des volets verts, toutes un cep de vigne qui les enveloppe de ses larges feuilles et leur fait en été une belle devanture verte ; elles ne sont point, comme celles de nos rues, collées l’une à l’autre par un mur mitoyen : elles sont séparées entre elles par des jardinets, par de grands noyers indivis qui mêlent leurs branches par-dessus les toits, par des chênes tombés de la cime de la montagne avec des quartiers de roc écroulés. Vous diriez, à les voir si parées et si coquettes, des paysannes endimanchées qui vont se tenant par la main.

Des plantes de toute sorte croissent entre les pierres disjointes du rocher et font pleuvoir, quand il vient un souffle de vent, leurs fleurs et leurs insectes sur les toits. Vers le milieu de cette avenue de maisons, vous rencontrez le pertuis d’Armes, le premier de cette longue série de pertuis qui donnent à l’Yonne une navigation factice de quelques heures par semaine. La rivière, arrêtée tout-à coup par cette porte que les marchands de bois ont fermée devant elle, s’épanche à grand bruit, et en disant mille injures au commerce, sur les pierres herbeuses et vertes de l’écluse, et retombe en deux blanches nappes dans la fosse du pertuis. Le reste du fleuve passe par un joli biez qui côtoie la route. Son lit est net et sans roseaux ; mais sur ses rives croissent avec profusion ces hautes plantes amphibies qui ont la moitié de leurs racines dans l’eau et l’autre moitié dans la terre. Après avoir fait tourner un petit moulin caché tout entier sous deux ormes, il se hâte de rejoindre le lit maternel.

Rien n’est plus gracieux que l’îlot formé entre le biez et la rivière : l’Yonne semble le presser avec amour entre ses bras comme une mère tient son enfant ; vous diriez une branche fleurie au milieu d’un vase plein d’eau : ce ne sont que bouquets d’aulnes, de saules, de noisetiers, de peupliers d’Italie séparés entre eux par mille ruisselets qui débordent du biez. Si vous êtes deux, et que vous ayez de douces confidences à vous faire, n’allez pas vous réfugier sous cette verdure : d’abord, le boule-dogue du meunier pourrait vous mordre ; ensuite, toutes ces eaux qui coulent, qui tombent, qui se précipitent, qui causent ou crient entre les racines des arbres, tous ces oiseaux qui gazouillent et cet éternel bavard de moulin qui n’interromprait pas son tictac pour M. Dupin en personne, étoufferaient sur vos lèvres vos meilleures paroles.

Nous voici arrivés à Armes. Vous êtes sur la grande place du village. Si vous voulez parler à M. le maire, c’est ici qu’il demeure, ainsi que les gros personnages de l’endroit. Ces maisons affectent un air d’importance comme leurs maîtres ; car, tel maître, telle maison, aussi bien que tel maître, tel valet. Beaucoup ont des balcons, et quelques-unes sont décorées de l’aristocratique persienne.

Avez-vous soif ? voilà une grosse source qui jaillit à l’extrémité de la place. Cette eau ne vaut pas du bourgogne assurément ; mais elle est renommée à plusieurs kilomètres à la ronde pour sa limpidité, et vous ne sauriez en boire de plus fraîche. Après s’être arrêtée dans un grand bassin couvert où barbottent les canards et les enfants du village, elle s’en va libre et bouillonnant sur le gravier du chemin ; mais, quand elle est presque à la fin de sa course, elle tombe dans un guet-à-pens que lui a tendu le brasseur et se laisse mettre en bouteille. C’est ainsi que tous les élans de liberté auxquels on s’abandonne dans la jeunesse se changent souvent, quand le vieil âge est venu, en servilité.

Pauvre source ! tu t’es laissé affriander par de l’orge bouilli et du houblon d’agréable amertume ; mais, au lieu d’aller dans des cuves te faire maltraiter de cent façons par des cuistres, ne valait-il pas mieux te promener entre des branches vertes, accrocher tes flocons d’écume aux herbes qui pendent, faire de gracieux remous aux racines des saules, réfléchir le ciel et murmurer avec ces oiseaux qui gazouillent ? Tu as cru à une destinée pleine de liesse ; mais de tout cela qu’adviendra-t-il ? quand ta mousse se sera épanouie quelques instants dans un beau flacon de cristal, quel sera ton domicile ? une hideuse vessie, et ensuite on…… tu m’entends, on te…… au coin d’une borne !… Complaisants du pouvoir, que cela vous serve de leçon !

Vous ne pouvez non plus vous dispenser de relater sur votre album ce grand pic qui domine le village. Deux étroites vallées grimpent à chacun de ses flancs comme deux escaliers, et vous diriez le perron d’un gigantesque château aboli. Souvent à sa cime buissonneuse vous voyez apparaître, comme ces statues qu’on pose sur le fronton d’un édifice, une vieille femme gardant sa vache ou un petit pâtre de moutons qui chante, et dont le vent, déchirant la chanson, en jette jusqu’à vous les lambeaux.

À Armes, donc, en 1780, demeurait un certain Belle-Plante, monsieur Belle-Plante pour les uns, et maître Belle-Plante pour les autres. Comme il était riche et marguillier, M. le curé, M. le maire et beaucoup d’autres l’appelaient monsieur Belle-Plante ; mais, comme il était fermier, les paysans disaient maître Belle-Plante tout court, à moins qu’ils n’eussent un service à lui demander.

Pour moi qui n’ai rien à demander à monsieur ou à maître Belle-Plante, comment dirai-je ? Je crois qu’il est prudent, avant de nous décider pour l’un ou pour l’autre de ces deux titres, d’examiner ce qu’ils valent respectivement. D’abord, le titre de monsieur, que signifie-t-il ? exprime-t-il, ainsi que semblerait l’indiquer le pronom possessif, une dépendance quelconque de celui qui le donne envers celui auquel il le confère ? Mais alors, pourquoi un maître appelle-t-il son valet monsieur, à moins qu’on ne dise que le maître est en maintes circonstances sous la dépendance du valet ? Indique-t-il une supériorité sociale ? Dans ce cas, comment se fait-il que le ministre donne à son cordonnier et à son tailleur le titre de monsieur ? Vient-il du mot senior, plus vieux, ainsi que le prétendent ceux qui hantent les glossaires et courent après les étymologies ? Mais d’où vient donc qu’un père appelle son fils monsieur quand il a déchiré sa culotte ou ses livres ? Ainsi le mot monsieur est atteint et convaincu de n’avoir pas le sens commun. C’est un grand imbécile qui ôte son chapeau à tout le monde, qui arrête tout le monde et qui n’a rien à leur dire. Il est réfractaire à toute définition. M. Napoléon Landais, tout Napoléon qu’il est, ne lui ferait pas signifier quelque chose. Je puis aussi bien dire monsieur mon cheval que monsieur mon tailleur, de même que mon tailleur peut aussi bien dire monsieur mon passe-carreau que monsieur le rédacteur de l’Association. Je vote pour qu’il soit exclus du dictionnaire. Je dirai donc maître Belle-Plante. Maintenant que cette difficulté est levée, nous pouvons entrer en matière.

Maître Belle-Plante avait à bail cinq à six métairies, ce qui ne l’empêchait pas d’exploiter de belles et bonnes terres qui lui appartenaient en propre. Sa femme lui avait laissé deux garçons : François Belle-Plante, qu’on appelait Belle-Plante tout court, parce qu’il était l’aîné, et notre ami Cornélius. Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/16 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/17 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/18 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/19 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/20 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/21 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/22 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/23 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/24 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/25 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/26 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/27 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/28 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/29 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/30 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/31 Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/32 Page:Œuvres de C. 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— Je ferai observer au Père, dit la sainte Vierge, que c’est le curé qui est le plus coupable en ceci.

— Cela est vrai, dit le père. Et comme le sieur Panuche n’est ni assez vertueux pour aller en paradis, ni assez coupable pour être jeté en enfer, il sera renvoyé sur la terre pour y être encore éprouvé dans les fonctions de sacristain. Nous condamnons Satan à le remettre au lieu et place où il l’a pris.

La séance est levée !

On fit boire à Panuche un verre de rhum opiacé, et le soir un domestique le remit sur la place d’Armes.



XXV


Quelques jours après, le ballon de Cornélius, vainqueur de tous ses ennemis, était prêt à monter dans les airs. Cornélius, pour donner plus de solennité à son ascension, l’avait remise au 29 septembre, jour de la fête patronale du pays. La veille de ce jour solennel, Cornélius soupa chez le père Desallemagnes. Le savant était radieux, mais Louise était triste ; elle entendait en elle-même une voix qui la menaçait de quelque malheur. Après le souper, elle voulut, quoiqu’il fût fort tard, reconduire Cornélius.

— Cher ami, lui dit-elle, il faut que vous m’accordiez une grâce.

— Laquelle ? dit Cornélius.

— C’est de m’emmener avec vous demain dans votre ballon.

— Cela ne se peut, Louise ; mon ballon n’est pas encore dressé, et d’ailleurs je n’ai pas assez d’hydrogène pour qu’il puisse nous enlever tous les deux.

— Vous me trompez, Cornélius ; vous prévoyez quelque danger auquel vous ne voulez pas m’exposer. Vous savez bien, pourtant, que ma vie et la vôtre ne sont qu’une.

— Ne nous attendrissons pas, Louise, dit Cornélius ; il faut que j’aie du courage.

— Il m’en faut plus qu’à vous, dit Louise ; mais, puisque vous le voulez, n’en parlons plus.

En passant devant le presbytère, ils virent de la lumière dans la chambre du curé. Il était occupé à examiner un fusil.

— Tiens ! dit Cornélius, est-ce qu’il voudrait aller à la chasse, par hasard ?

Et ils continuèrent leur chemin.

Louise reconduisit Cornélius jusqu’à la porte de la mère Simone. Là il lui dit adieu, car il ne voulait pas la revoir le lendemain, et il sentit sur ses joues, en l’embrassant, comme une saveur de larmes. Il rentra brusquement, et s’enferma dans sa chambre.

Le lendemain, en se levant, Cornélius, examina l’état du ciel. Le temps était orageux ; il avait plu toute la nuit, et des nuages épais couraient rapidement dans l’atmosphère. Cependant Cornélius ne voulut point remettre son ascension, et il employa toute la matinée à appareiller son ballon. À deux heures, le clos de la mère Simone était environné d’une foule immense de curieux de toutes les conditions ; car la nouvelle de l’expérience que devait tenter Cornélius avait attiré à Armes une affluence inusitée.

Bientôt Cornélius parut au milieu du clos ; il était pâle, car il n’avait pas dormi de la nuit, mais son œil était rayonnant, et sa démarche était pleine d’une noble fierté. Rien ne rehausse un homme à ses yeux comme une multitude qui le contemple.

La dernière pensée de Cornélius fut pour Louise. Il appela la mère Simone, et lui remit un petit porte-crayon d’argent, la seule chose qu’il possédât capable d’être offerte à une femme.

— S’il m’arrive malheur, lui dit-il, vous donnerez cela à Louise ; si je redescends sain et sauf, vous ne lui parlerez de rien.

Puis il monta dans sa nacelle.

Comme le ballon commençait à s’élever, l’ami Dragon, qui était resté à côté comme s’il eût voulu le garder jusqu’au dernier moment, s’élança après la nacelle, dans l’intention, sans doute, de retenir Cornélius. Cet acte d’attachement du chien fut regardé par la foule comme un mauvais présage.

Cependant, le ballon, après s’être balancé quelque temps, s’éleva majestueusement dans les airs, aux acclamations de la foule, et ses roues tournant avec rapidité comme celles d’un bateau à vapeur, le poussaient, contrairement au courant d’air, dans la direction de Clamecy.

En ce moment une vive lumière brilla sur le plateau qui domine le village. Un coup de fusil se fit entendre, et aussitôt on vit voltiger en l’air les lambeaux d’une des roues du ballon, qui vinrent s’abattre sur la place. En même temps un vent impétueux s’éleva, et le ballon emporté dans les airs disparut bientôt aux yeux de la foule derrière les montagnes de Chevroches. On attendit Cornélius toute la journée, on l’attendit le lendemain, on l’attendit toute la semaine, mais il ne reparaissait pas, et personne ne pouvait donner de renseignements sur son ballon. En vain Louise fit insérer dans toutes les gazettes connues une note relative à sa disparition, nul ne savait rien de lui, et il fallut bien que la pauvre Louise se résignât à le pleurer comme mort.

Elle fit enterrer dans le jardin de son père les débris de la roue tombés du haut des airs, et chaque jour elle venait rêver en cette place à son Cornélius.



FIN DE CORNÉLIUS.