Bel-Ami/Édition Conard, 1910/Opinion de la presse

Louis Conard, libraire-éditeur (XIIIp. 595-596).

OPINION DE LA PRESSE
SUR
BEL-AMI.


Nouvelle Revue, 1er  avril 1887 (Raoul Frary).

« M. de Maupassant… aime à courir droit au but, il raconte vite et ne décrit qu’en passant, avec une merveilleuse netteté de contour… M. de Maupassant semble être entré dans la vie avec une puissance de mépris que cinquante ans d’expériences justifieraient à peine… Bel-Ami est le chef-d’œuvre de ce jeune pessimiste, un modèle de satire en action, un tableau tout en repoussoirs. Jamais on n’a raconté avec tant de verve, le triomphe d’un gredin qui n’est pas même un homme de talent dans son métier : la vraisemblance y perd même un peu. »


Revue Bleue, 23 mai 1885 (Maxime Gaucher).

« C’est une œuvre très forte, très puissante, mais d’une vérité cruelle et légèrement répulsive, le Bel-Ami de M. de Maupassant… Ce misérable réussit avec une chance si constante et il accepte le succès comme chose due avec une si imperturbable sérénité que cela en devient exaspérant… Et cependant, une fois ce livre bleu entre les mains, je ne l’ai pas lâché, mais j’ai lu tout d’une haleine, non pas le dévorant, mais le savourant. Que voulez-vous ? Cela est à la fois irritant et exquis. »


Nouvelle Revue, juin 1885 (Francisque Sarcey).

« Je ne sais guère d’ouvrage dont la lecture soit à la fois plus attirante et plus malsaine. En même temps qu’il remue au fond de notre cœur la boue des curiosités perverses, il désenchante de l’humanité et décourage de la vie. À quoi sert de demeurer sur cette terre, si elle n’est peuplée que de bas gredins et de coquines infâmes ?… L’écœurante médiocrité de la race humaine,… M. Guy de Maupassant l’étale à nos yeux avec l’indifférence d’un philosophe… Ce que je reprocherais à M. Guy de Maupassant, c’est qu’ayant jugé à propos de transplanter son Georges Duroy dans ce milieu du journalisme, qu’il doit bien connaître, il n’ait pas pris la peine d’en reproduire fidèlement l’aspect véritable. Les salles de rédaction qu’il dépeint m’ont paru de pure fantaisie ; ce ne sont pas là nos habitudes, nos mœurs, ni nos façons de parler. »