Beautés de la poésie anglaise/Une Idée Consolante

Anonyme
Traduction par François Chatelain.
Beautés de la poésie anglaiseRolandivolume 1 (p. 29-30).


Une Idée Consolante.


Ne désespérons pas de l’humaine nature,
Un rayon de lumière pure
Vacille malgré tout dans le plus sombre esprit :
Le sauvage guerrier et le sage érudit
Sont liés l’un à l’autre, et cela, sans lacune
Par la fraternité de l’amitié commune :
Ne désespérons pas, ne désespérons pas :
Car dans ce monde étrange
On ne pourrait trouver un cœur placé si bas
Qui n’eut parfois quelque chose de l’ange.

Au sortir de la mine elle est peu belle à l’œil
La pierre brute en son linceuil,
Et cependant caché dans son sein, dans ses veines
Existe à l’état pur le marbre des Cévennes.
Il est peu de rochers qui n’aient sur leurs sommets
Si dénudés qu’ils soient, quelques jolis duvets :
Ne désespérons pas, car dans ce monde étrange
Se cache à tous les yeux
Sous le plus vil charbon le bijou précieux…
Nous avons tous quelque chose de l’ange.

Dans toute et chaque chose est un intérieur,
Un abîme, une profondeur
Où Dieu cache à travers les fenêtres de l’âme,
Des maux et des chagrins le merveilleux dictame.
Dans chaque cœur humain il existe un accord
Qui vibre à l’unisson, et sans le moindre effort.
En vain le cœur pervers par une erreur étrange
Veut-il dissimuler
Tous ses bons sentiments ;—un rien vient dévoiler
Qu’il est en lui quelque chose de l’ange.

Méprisés, abaissés, il est de pauvres cœurs
Abrutis sous tous les malheurs,
Qui vont, aveugles nés à la douce lumière
Que le bon Dieu fait luire au de là de la sphère :
Les pauvres ahuris ils ne devinent pas
Que la vie est encor par de là le trépas ;
Dieu ! puisse votre main la guider leur phalange,
Et leur montrer bientôt
Que la vie ici bas est un vaste entrepôt,
Ou chacun a quelque chose de l’ange.

Dieu sait que quelques uns sont méchants et sont faux,
Et cependant à leurs défauts
Dieu toujours compâtit en sa miséricorde.
Frères, ferons-nous moins que le Dieu de concorde ?
Le peu que nous avons, sachons le partager,
Au pauvre ouvrir sa main n’est-ce pas ménager ?
L’amour est un mystère, est un mystère étrange,
Il sait donner toujours,
Et vient prouver à tous par son puissant concours
Que nous avons quelque chose de l’ange !