Beautés de la poésie anglaise/Tome I/L’Éditeur et le Critique


BEAUTÉS


DE LA


POËSIE ANGLAISE.




l’Éditeur et le Critique.


Le Critique. — Ah ! ça mon cher Éditeur, mon cher Poëte, si mieux aimez, vous êtes fou, ou pour le moins outrecuidant, de venir vous, Étranger, nous donner à nous autres Anglais un livre intitulé : « Beautés de la Poësie Anglaise ! » Par Jupiter ! qui a pu faire entrer dans votre cervelle idée aussi bouffonne que celle de prétendre nous imposer un harem composé de « Beautés » exclusivement de votre choix ? Encore si ces « Beautés » vous nous les laissiez voir dans leur costume particulier, vêtues à l’Anglaise, à l’Écossaise, à l’Irlandaise, à l’Américaine, dans le charmant costume du Dorsetshire, et même avec le chapeau Gallois, sinon merveilleusement beau, au moins pittoresque, nous pourrions les juger en connaissance de cause, car si nous ne sommes pas entièrement initiés aux secrets de la Poësie Française, nous sommes présumés connaître, que je pense ! l’Écossais, l’Irlandais, et voire la langue de Chaucer que vous avez eu l’air ces derniers temps de vouloir monopoliser : mais nous présenter vos « Beautés » toutes travesties à la Française, en nous laissant ignorer, et pour cause, leur vêtement primitif ! je le répète mon cher Éditeur, mon cher Poète, ce n’est pas là du Fair Play, et j’en reviens à mon dire : Vous êtes fou, ou bien outrecuidant, si vous ne réunissez en votre chère personne, ce qui serait pis encore, ces deux qualités négatives.

L’Éditeur. — Critique ! mon respectable ami, je crois n’être ni fou, ni outrecuidant ; toutefois si par hazard je pouvais consentir à plaider Guilty sur le premier chef, je plaiderais certainement not Guilty sur le second. J’ai voulu présenter moins au public Anglais qui connaît mieux que moi les chefs-d’œuvre de ses poètes, qu’au public at large, au public du Continent, mes « Beautés, » dans leur costume primitif, c’est-à-dire, dans ma pensée, dans le seul costume où elles sont réellement belles. Mais nombre de Publishers, et quelques auteurs m’ont refusé la permission de faire paraître ces belles Dames dans le costume primitif, qui c’est vrai, leur va si bien ! Donc force m’a été comme vous dites, de les travestir, et de les accoutrer à la Française ; bien que je ne me dissimule pas que la création d’un style parfaitement applicable à des pensées étrangères, originales, souvent gigantesques, bizarres ou éloignées des habitudes modernes ne soit une œuvre pleine de difficultés ; aussi ai-je fait imprimer bien des fois depuis dix ans quelque chose de semblable à cette pensée : « La traduction d’un poème est au poème original, ce qu’une photographie est au facies humain ; ce que la peinture d’un paysage telle vivante que soit d’ailleurs cette peinture, est au paysage lui-même. Les tableaux des plus grands Maîtres ne peuvent donner qu’une idée imparfaite de la Nature : — la Nature elle-même étant plus belle que toutes les compositions humaines. » Mais parce que les choses sont ainsi, s’en suit-il que nous devions nous priver du portrait d’une personne aimée, ou de la représentation d’un site auquel se rattachent nos souvenirs ? Et dans l’espèce, parce que ce chef-d’œuvre de Burns, par exemple, « A man’s a man for a’ that, » est à peu près intraduisible, doit-il être condamné par le fait même du grandiose des pensées qu’il contient, à rester emprisonné dans la langue dans laquelle il a eu le bonheur de naître ?[1] Non, mille fois, non ! En faire connaître, ne fut-ce que le sens, partout où la langue écossaise est incomprise, est à notre avis servir l’humanité en ajoutant un fleuron de plus à la couronne poétique de la vieille Angleterre ; c’est faire aimer un pays que d’indiquer au monde les génies qui en ont fait, qui en font la gloire.

« Mais, » me dites-vous, mon cher Critique, « Les Beautés de la Poësie Anglaise, » que vous mettez en avant, ne sont que vos « Beautés, » à Vous, celles de Votre choix et non celles du choix de tout le monde.

À cela je répondrai que La Fontaine a dit avant nous cette grande vérité :

« On ne peut contenter tout le monde…… et son père. »

Or, gardez-vous de croire que mon outrecuidance aille viser à la réalisation de cette grande impossibilité. J’ai lu, j’ai lu beaucoup, aussi beaucoup admiré dans vos auteurs connus, dans vos auteurs oubliés, dans vos auteurs qui ont désiré garder l’anonyme. Vous le dirai-je en confidence, j’ai traduit depuis dix ans quelque chose comme 2000 poèmes Anglais, Écossais, Irlandais, et des dialectes divers de vos provinces ; dans ce nombre — ma traduction des Contes de Cantorbéry, de votre grand Chaucer, ma traduction des Fables de Gay, de l’Evangéline de Longfellow, et des Moines de Kilcré (Auteur inconnu, et d’un immense mérite cependant) comptent pour quatre poèmes seulement ; en sorte que j’ai en portefeuille, non publiés, quelque chose comme 1600 poèmes. Sur ce nombre j’en livre aujourd’hui à la publicité, la bagatelle de 400 environ, non parce que je les regarde comme les plus beaux écrits dans la langue Anglaise, mais parce que à peu près chacun d’eux est d’une longueur qui me permet de l’insérer in extenso, et que chacun d’eux contient (dans l’original, n’oublions jamais que je parle toujours des poëmes originaux) des beautés d’un ordre élevé.

Maintenant soit dit sans offenser personne, le Beau dans tout est chose qui déjà ne court pas les rues ; mais le Plus Beau est d’un très difficile accès ; ou plutôt le Plus Beau n’existe réellement que dans l’imagination de chacun de nous. Entrez dans un salon, vous êtes de suite d’accord avec le voisin que le hazard vous donne, pour trouver de jolies femmes, de belles femmes, mais s’il s’agit de donner la palme à la plus belle, — la plus belle de votre voisin, à parier 99 contre 1, ne sera pas la vôtre ; ni de celle du voisin de votre voisin, encore moins de la voisine de votre voisin. — Donc ne me chicanez pas trop sur mon assemblage de « Beautés, » et dites-vous bien que (je parle des originaux, rien que des originaux), il y a dans chacune d’elles un genre de beauté, — depuis le naïf qui n’est certes pas à dédaigner, jusqu’au… comment dirai-je ?… jusqu’au costume de cour, avec le fard, les diamants, les faux cheveux, les crinolines, les faux appas, les fausses dents, les perles, et les étoffes précieuses qui font de ces « Beautés » là — un tout magnifique… éblouissant… À l’aspect duquel se pâme d’aise … l’œil du vulgaire !

Le Critique. — Tout beau ! tout beau !… je vous vois venir Monsieur le Collecteur, — vous défendez d’avance le choix par vous fait. Eh ! bien, écoutez, ce qu’a écrit à propos de vos « Beautés » dans l’Athénæum Français, un de vos compatriotes, Monsieur K. Stachel, le 31 Mars 1855, je tiens en mains le volume de feu ce journal, oyez de toutes vos oreilles, oyez, et…… écoutez !

« Une Anthologie ne doit pas être un choix de poësies fait au gré du traducteur, elle doit être un résumé à la fois historique et esthétique de la littérature d’un pays ou d’une époque……

« Il faudrait nécessairement accompagner cette traduction de notes et de commentaires philologiques et historiques : autrement elle ne serait qu’un objet de curiosité, et n’aurait pas de valeur littéraire sérieuse. Le traducteur de Chaucer et de Gay voudra-t-il suivre nos conseils ? Le choix du joli poème intitulé 'La Fleur et la Feuille' nous le ferait croire ; mais la singulière idée de mettre en Français les fables très médiocres de Gay nous en fait douter. »

Hein !… que dites-vous de cela ? Voilà ce qui s’appelle parler, et bien parler selon moi !

L’Éditeur. — Je respecte toutes les opinions sincères, et Monsieur Stachel me paraît parler avec conviction ; donc, ce que je dis de cela, c’est que ce Monsieur peut avoir parfaitement raison ; toutefois le jugement qu’il porte sur Gay ne me donne pas une confiance immense en la sûreté de son goût, ni de sa judiciaire. En dépit de Monsieur Stachel je persiste à croire Gay beaucoup plus original, non dans son style, mais dans ses sujets, que La Fontaine ; je persiste à regarder ses fables comme fort jolies. Je crois, de plus, contrairement à l’opinion qu’il émet, qu’un traducteur a, sans conteste, le droit de faire le choix des morceaux qui doivent faire partie de la collection qu’il veut faire connaître. Que diable ! avec le principe mis en avant par Monsieur Stachel un collecteur de peintures ou de livres n’aurait pas le libre arbitre de composer son cabinet ou sa bibliothèque comme il l’entend ! Quand aux notes et aux commentaires philologiques et historiques réclamés avec tant d’insistance, j’avoue que je ne suis pas du tout disposé à me rendre de gaîté de cœur aussi ridicule que le fut feu Monsieur Auger de l’Académie Française qui publia en 1826 une édition de Molière accompagnée de commentaires qui avaient la prétention d’élucider des passages clairs comme le jour, commentaires qui excitèrent alors un rire homérique d’un bout de l’Europe à l’autre. Le but de la publication des « Beautés, » je le crierai sur les toits, s’il le faut, est de faire aimer le pays dont elles émanent, et de créer le désir de faire connaissance avec elles dans leur costume primitif. Après cela, je n’ai pas la prétention d’élever un monument, mais de préparer des matériaux à un architecte futur. Mon monument à moi, s’il faut vous le dire, ce n’est pas le livre que je publie aujourd’hui, mais ma traduction des Contes de Cantorbéry de Chaucer, toute défectueuse d’ailleurs qu’en soit la première édition.

LE Critique. — Vos réfutations n’ont pas l’heur de me plaire, comme dit dans sa drôle de langue votre drôle de Pierrot ! Une autre objection encore !… À peine donnez-vous une place à Shakespeare dans le premier volume de votre ouvrage, et je cherche en vain dans le second volume les noms d’Alexander Smith et de Browning !

L’Éditeur. — Shakespeare est connu et admiré en France par l’élite de la nation ; il ne lui a pas même manqué le coup de pied de l’âne administré au pauvre Monsieur Wïlliams par l’académicien Ponsard, de bouffonne notoriété ! Toutefois si le Ponsard a voulu insulter Shakespeare, si Madame Dudevant alias George Sand l’a défiguré, — en revanche feu A. Brugnière, Baron de Sarsum, Nisard, Mennechet, Charles Nodier, Philareste Chasles et récemment François Victor Hugo en ont traduit avec grande habilité les principaux chefs-d’œuvre, et Shakespeare est aussi connu en France, qu’est connu Milton grâce à la magnifique traduction de son « Paradis Perdu » par de Pongerville. Qu’avais-je besoin de m’étendre au long sur des poètes tels que Shakespeare et Milton qui ont l’univers pour temple ? sur Thomas Camphell dont les « Plaisirs de l’Espérance » sont devenus populaires en France par la belle traduction d’Albert de Montémont, sur Gray traduit de main de maître par Chénier, sur Goldsmith et tant d’autres également connus, c’est-à-dire admirés par le public Français ? À l’égard d’Alexander Smith je m’avoue coupable d’avoir omis le nom de ce poète duquel d’ailleurs j’ai déjà publié autre part la traduction de « Barbara, » toutefois mes deux volumes ne sont pas façonnés comme la bouteille inexaustible de Robert Houdin, ils ne sauraient contenir l’essence même de tous les Bardes des Trois Royaume, anciens et modernes ; et j’ai le regret de garder forcément en portefeuille quelques jolis poèmes dûs à la plume de T. H. Baily, L. Banks, Sir E. L. Bulwer, E. C. Croker, Sir A. H. Elton, Robert Gilfillan, Miss Jewsbury, Sir William Jones, The Rev. Mahony, Miss Marshall, The Rev. W. S. Mariott, N. Michel, The Rev. Ed. Morse, Dr. Percy, Dr. Swift, Madame Trepka, E. Thomason, J. B. Warin et autres, et de n’avoir pu reproduire le « Burns » de Fitz-Green Halleck donné par moi dans un des prospectus qui ont précédé l’apparition de cet ouvrage, ni « l’Exécution de Montrose » du professeur Aytoun, imprimé à la suite de ma troisième édition des Fables de Gay ; quand à Monsieur Browning, le cas est différent ; son nom il est vrai dans ma collection, ne brille que par son absence ; que voulez-vous ? j’ai la mauvaise habitude de vouloir me rendre compte de ce que je lis, de vouloir comprendre surtout ce que je traduis, or si Monsieur Browning devient un jour accessible à l’entendement humain, je me promets bien de ne pas manquer de le présenter à mes lecteurs Français autrement qu’à l’état de logogriphe. Jusque là et tant que, chez lui, la lumière restera à l’état de chaos, je m’abstiendrai ; dans le doute s’abstient le sage, et je laisserai à nombre de gens le soin d’admirer sur parole ce Phœbus nébuleux.

Le Critique. — Mon cher Monsieur vous n’appelez notre Browning nébuleux, que parce que, je le dis à regret, excusez ma franchise, vous n’avez pas l’esprit assez délié pour savourer le miel qui se cache au fond du calice des fleurs poétiques qu’il veut bien faire éclore à notre intention ; j’en suis fâché pour vous. Toujours est-il que c’est une faute, une faute grave que de passer sous silence un nom si grandement admiré ; c’est colorer son insuffisance d’un prétexte fallacieux qui ne trompera personne, je vous en avertis. D’un autre côté, rien ne peut vous absoudre d’avoir fait quelque chose de monstrueux en admettant dans votre collection des auteurs sans nom. Eh ! que diable ! qu’allons-nous devenir nous autres de la Critique dont une des prérogatives est de créer des réputations !..

« Quid Domini facient, audent cùm talia fures ? »

s’il prend fantaisie à un Étranger de venir déclarer Beau ce dont nous n’avons pas même voulu reconnaître l’existence ? Il n’y a, il ne peut y avoir de beau, comprenez bien cela, que les composition de nos vrais poëtes, de nos lauréats par exemple : le poème de Maud a été vendu à 10,000 exemplaires, conséquemment Maud est un chef-d’œuvre.[2] Nos poètes lauréats, à peu près les seuls, ont un talent, je ne dirai pas impayable, car pour cette charge souvent difficile à remplir, de célébrer les grandes actions de la Couronne, (et comme on sait, où il n’y a rien le Roi perd ses droits) ils doivent être forcément contents de recevoir £300. bon an, mal an, mais au moins ont-ils un talent sinon bien populaire, sinon bien connu, au moins reconnu, oui, je l’affirme, reconnu par le ministre qui leur a conféré leur emploi, leur charge ; ce sont des poètes célèbres en un mot, et qui valent dix mille fois mieux que tous vos poètes anonymes,[3] qui n’ont jamais compté dans leurs rangs, que je sache, le moindre poète lauréat ! hein ! qu’en dites-vous ?

L’Éditeur. — Je dis, mon cher Critique, que vous avez raison, et comme mon brave ami Chaucer je fais ici ma rétractation : c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute, et pour avoir la paix avec vous, je me repens d’avoir fait entrer dans la collection que je livre aujourd’hui à la publicité les œuvres anonymes dont voici les titres :

Les Changements du Monde,
Les Funérailles de Moïse,
Le Vent, la Feuille et l’Enlèvement,
Le Chant de la Vapeur,
La Chanson du Cerisier,
La Mort et le Guerrier,
Le Lierre,

et autres Petites Choses que j’ai eu le mauvais goût de trouver jolies et compréhensibles, attendu qu’elles parlent en même temps au cœur, à l’esprit et à la raison :

Je me repens aussi d’avoir publié à la suite de la troisième édition de ma traduction des Fables de Gay :

Le Chant du Pompier, un magnifique poème, mais qui est anonyme ;

Idem Alexandre le Grand, poème entaché du même vice ;

Je me repens surtout d’avoir publié la traduction des « Moines de Kilcré, » bien que cet ouvrage d’un auteur anonyme, soit tout simplement un chef-d’œuvre, et proclamé tel par les principaux organes de la presse Anglaise et Française..

En présence de ces rétractations que je fais avec la même sincérité que la rétractation que fit Chaucer, ou plutôt qui lui est attribuée, j’espère que la Critique me sera légère, bien que, dans le sanctuaire de ma pensée, les œuvres sus énoncées, et celles de nombre d’auteurs peu connus, cités dans mes pages, méritent souvent marcher de pair avec celles de Bardes connus, et peut-être même avec celles de Bardes qui nous restent à connaître.

Sur ce, cher critique, permettez-moi d’écrire ici un nom qu’on chercherait à bon droit et qu’on ne trouverait pas dans mon premier volume ; le nom de Leigh Hunt, absent de ce volume parce qu’au commencement de 1859 l’Inévitable n’étant pas encore venu sommer ce poète de le suivre, j’avais dû placer son nom parmi les poètes vivants. Je choisis de préférence le morceau qui suit, ce morceau ayant obtenu les suffrages de Leigh Hunt dont le nom restera cher aux lettres.

HUNT (LEIGH).


Né le 19 Octobre 1786 — Mort le 28 Août 1859.


Abou-Zeid-Ben-Adhem et l’Ange.


ABou-Zeid-Ben-Adhem, (sa tribu se prolonge !)
Une nuit s’éveilla de la paix d’un doux songe,
Et vit, au clair de lune éclairant ses lambris,
Et leur donnant l’éclat et la blancheur des lis,
Un bel Ange écrivant les immortelles pages
D’un livre d’or. Adhem, le plus Sage des Sages
Avait la paix du cœur qui rend audacieux :
« Qu’écris-tu là ? » dit-il au messager des cieux.
Au son de cette voix l’Esprit leva la tête,
Et d’un regard divin accueillant la requête :
« J’inscris, » dit-il, « le nom de chaque serviteur
Qui fait profession d’adorer le Seigneur.
Adhem de demander : « Mon nom est-il du nombre ? »
« Non, je ne le vois pas ! » répondit soudain l’Ombre.
« Eh bien ! » reprit Adhem, d’un ton plus bas, mais doux,
« Eh bien ! inscris mon nom, et, soit dit entre nous,
Note-moi, comme un homme, ami de tous ses frères,
Et prêt à soulager en tous temps leurs misères ! »

L’Ange écrivit, et puis s’en fut. Après le jour
Vint la nuit ; et d’Adhem de nouveau le séjour
S’éclaira cette fois d’un faisceau de lumière…
Le livre d’or parut-sur sa page première
Étincelait ce nom comme un rayon de feu :
Abou-Zeid-Ben-Adhem, le favori de Dieu !


Et maintenant il ne me reste plus qu’un devoir à remplir c’est de mettre sous les yeux de ceux qui me lisent cette strophe que je sais, grâce à mon honorable ami Monsieur Garcin de Tassy, que le poète Saudi[4] plaçait en 655 (1257) à la tête de son poème « Le Boston : »

« Ô toi qui es sage et d’un heureux naturel, sache que je n’ai jamais ouï dire qu’un homme d’esprit s’évertuât à découvrir des imperfections dans autrui. Quoique la pelisse soit de soie ou même de brocart, elle ne saurait se passer d’une ouate de simple coton. Si tu ne trouves pas d’étoffe de soie pour ta pelisse, ne sois pas en colère, mais contente-toi de bonne grâce de la ouate. Je ne tire pas vanité du capital de mon mérite : en bon derviche j’avance la main pour mendier. On dit qu’au jour de la Crainte et de l’Espérance (le jour de la Résurrection), Dieu dans sa générosité pardonnera aux méchants en faveur des bons. Toi, aussi, lecteur, si tu trouves quelque chose de répréhensible dans mon discours, imite la bienveillance du Créateur du monde. Si sur mille de mes vers un seul te paraît heureux, en bien ! au nom de ta générosité, ne cherche pas à me déprécier. »

À la prière de Saudi, il ne me reste à ajouter que ces trois mots qui n’en font qu’un, tant leur union est intime :

Ainsi soit-il !
L’ÉDITEUR.
  1. Notre traduction de ce beau poème de Burns, l’un de nos premiers essais (parue à la suite de notre ouvrage « Rumbles through Route, » publié en 1851) qui a été insérée dans presque tous les journaux Anglais, Américains et Français, a été diversement jugée. Les deux principaux organes de la Presse d’Écosse, (Edinburgh et Glasgow) en ont fait un éloge qui nous a été au cœur, nous l’avouerons, venant du pays même qui a donné naissance au Barde Écossais. Par contre le Critic dans trois différentes occasionn a porté sur notre traduction un jugement tout à fait opposé :

    « The translation into French of Burns’ 'À Mau’s à Mau for a’ that,' retains little or nothing of its original beauty in its new dress, (disait encore ce journal dans son N°. du 25 Juin 1859,) indeed, we should have been greatly surprises if it had, seeing that it would be utterly impossible for any translater, however gifted, to imitate the Doric sweetness and simplicity of the Scotch dialect. »

    Nous ne nous inscrivons pas contre le jugement du Critic, car ce journal a la bienveillance d’ajouter : « The translation, however, of Ferguson’s 'Forging of the Anchor' is a much more successeur effort, and really does no small credit to the Chevalier’s translating powers ; » mais nous préférons nécessairement le jugement des journaux Écossais, et ce que disait dans/le même mois de Juin 1859 le « Bent’s Monthly Literary Advertiser, » en parlant du même prospectus du présent ouvrage : « Burns’ 'À Man’s à Man for a’ that,' which M. de Chatelain calls « Les Malgré ça du Pauvre, » a most difficult subject, is as well rendered, we think, as it could possibly be in any foreign language. It has the air of a song of Beranger in its new dress.

    « Qui travaille ici bas peut regarder sans crainte
    Le Riche pour cela,
    D’une guinée en or le rang n’est que l’empreinte,
    Et l’homme est l’or, malgré cela !"

    La seule moralité que nous prétendions tirer de cette note, c’est que :

    « Des goûts et des couleurs point ne faut disputer ! »
    Le Chevalier de Chatelain.
  2. Nous nous inscrivons contre le dire du « Critique : » Ce n’est pas le poème de « Maud » — qui a été vendu à 10,000 exemplaires, mais bien la délicieuse Idylle qui le suit (The Brook) — la plus charmante chose qui ait été écrite, selon nous, depuis Moschus, Bien et Théocrite.
    Le Chavalier de Chatelain.
  3. À l’égard des poètes anonymes nous avons sans doute amende honorable à faire à quelques uns d’entr’eux que nous avons pu placer dans le premier volume destiné aux auteurs morts, sans avoir eu aucunement l’intention de les priver de la vie qu’ils peuvent avoir à l’heure où nous écrivons ces lignes ; nous craignons bien d’avoir ainsi mis a mort un poète Américain sur la foi d’un journal qui l’avait tué ; de toutes ces imperfections bien involontaires et presqu’inévitables, nous demandons humblement pardon à ceux qui nous lisent. — C de C.
  4. Le Boston poème moral de Saudi, analyse et extraits publiés par M. Garcin de Tassy de l’Institut de France. — 1859.