Barzaz Breiz/1846/Le Cygne, ou le Retour de Jean le Conquérant/Bilingue

Barzaz Breiz, édition de 1846
Le Cygne, ou le Retour de Jean le Conquérant



XXXI


LE CYGNE.


( Dialecte de Cornouaille. )


Un cygne, un cygne d’outre-mer, au sommet de la vieille tour du château d’Armor !

Dinn ! dinn ! daon ! au combat ! au combat ! Oh ! dinn ! dinn ! daou ! Je vais au combat.

Heureuse nouvelle aux Bretons ! et malédiction rouge aux Français !

Dinn ! dinn ! daou ! au combat ! au combat! etc.

Un navire est entré dans le golfe, ses blanches voiles déployées ;

Le seigneur Jean est de retour, il vient défendre son pays ;

Nous défendre contre les Français, qui empiètent sur les Bretons.

Un cri de joie part, qui fait trembler le rivage ; — Les montagnes du Laz résonnent ; la cavale blanche[1] hennit, et bondit d’allégresse ;

Les cloches chantent joyeusement, dans toutes les villes, à cent lieues à la ronde.

L’été revient, le soleil brille ; le seigneur Jean est de retour !


Le seigneur Jean est un bon compagnon ; il a le pied vif comme l’œil.

Il a sucé le lait d’une Bretonne, un lait plus sain que du vin vieux.

Sa lance, quand il la balance, jette de tels éclairs, qu’elle éblouit tous les regards.

Son épée, quand il la manie, porte de tels coups, qu’il fend en deux homme et cheval.

— Frappe toujours ! tiens bon ! seigneur duc ; frappe dessus ! courage ! lave-les (dans leur sang) ! lave-les !

Quand on hache comme tu haches, on n’a de suzerain que Dieu !

Tenons bon, Bretons ! tenons bon ! ni merci, ni trêve ! sang pour sang !

Notre-Dame de Bretagne ! viens au secours de ton pays !

Nous fonderons un service (en ton honneur), un service commémoratif !

Le foin est mûr : qui fauchera ? Le blé est mûr : qui moissonnera ?

Le foin, le blé, qui les emportera ? Le roi prétend que ce sera lui ;

Il va venir faucher en Bretagne, avec une faux d’argent ;

Il va venir faucher nos prairies avec une faux d’argent, et moissonner nos champs avec une faucille d’or.

Voudraient-ils savoir, ces Français, si les Bretons sont manchots ?

Voudrait-il apprendre, le seigneur roi, s’il est homme ou Dieu ?


Les loups de la basse Bretagne grincent des dents, en entendant le ban de guerre ;

En entendant les cris joyeux, ils hurlent : à l’odeur des Français, ils hurlent de joie.

On verra bientôt, dans les chemins, le sang couler comme de l’eau ;

Si bien que le plumage des canards et des oies blanches qui y nageront, deviendra rouge comme la braise.

On verra plus de tronçons de lances éparpillés qu’il n’y a de rameaux sur la terre, après l’ouragan.

Et encore plus de têtes de morts qu’il n’y en a dans les ossuaires du pays.

Là où les Français tomberont. ils resteront couchés jusqu’au jour du jugement ;

Jusqu’au jour où ils seront jugés et châtiés avec le Traître qui commande l’attaque.

L’égout des arbres sera l’eau bénite qui arrosera leurs tombeaux !

Dinn ! dinn ! daon! au combat! au combat! Oh ! dinn ! dinn ! daon ! Je vais au combat.


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  1. La mer.