Barzaz Breiz/1846/L’orpheline de Lannion/Bilingue
L’orpheline de Lannion
XIII
L’ORPHELINE DE LANNION.
( Dialecte de Tréguier. )
En cette année mil six cent quatre-vingt-treize, est arrivé un malheur dans la petite ville de Lannion ; Dans la petite ville de Lannion, en une hôtellerie, à Perinaïk Mignon qui y était servante. — Donnez-nous à souper, hôtesse : tripes fraîches, viande rôtie, et bon vin à boire ! — Quand chacun d’eux eut bu et mangé tout son soûl : Voici de l’argent, hôtesse ; votre servante et une lanterne pour nous reconduire chez nous ! — Quand ils furent un peu loin sur le grand chemin, ils se mirent à parler bas, en regardant la jeune fille. — Belle enfant, vos dents, votre front et vos joues sont blancs comme l’écume des flots, sur la rive. — Maltôtiers, je vous prie, laissez-moi comme je suis ; laissez-moi comme Dieu m’a faite ; Quand je serais cent fois plus belle ; oui-da ! cent fois plus belle encore ; je ne serais pas pour vous, messieurs, je ne serais ni mieux ni pire. |
— A en juger par vos gentilles paroles, mon enfant, l’on dirait que vous êtes ailée à l’école de ceux de Bégar, ou d’habiles clercs ; A en juger par vos gentilles paroles, mon enfant, l'on dirait que vous êtes allée apprendre à parler avec les moines en leur couvent. — Je ne suis allée ni au couvent de Bégar, apprendre à parler, ni ailleurs, croyez-moi, avec les clercs ; Mais chez moi, au foyer de mon père, j’ai eu, messieurs, bien des bonnes pensées. — Jetez là votre lanterne, et éteignez-en la lumière ; voici une bourse pleine ; elle est à vous, si vous le voulez. — Je ne suis point de ces filles que l’on voit par les rues des villes, à qui l’on donne douze blancs et dix-huit deniers ! J’ai pour frère un prêtre de la ville de Lannion ; s’il entendait ce que vous dites, son cœur se briserait. Je vous en prie, messieurs, faites-moi la grâce de me précipiter au fond de la mer, plutôt que de me faire un pareil affront ! Je vous en supplie, messieurs, plutôt que de me faire un pareil chagrin, enterrez-moi toute vive. — Perina avait une maîtresse pleine de bonté, qui resta sur le foyer à attendre sa servante ; Elle resta sur le foyer, sans se coucher, jusqu’à ce que sonnèrent deux heures, deux heures après minuit. — Levez-vous donc, paresseux ! levez-vous donc, sénéchal, pour aller secourir une jeune fille qui nage dans son sang. — On la trouva morte près de la croix de Saint-Joseph ; sa lanterne était auprès d’elle, et la lumière vivait toujours.
________
|