Barzaz Breiz/1846/L’Aire neuve/Bilingue

Barzaz Breiz, édition de 1846
L’Aire neuve



VII


CHANSON D’AIRE NEUVE.


( Dialecte de haute Cornouaille. )



Les miens étaient allés à l’aire neuve ; et moi d’aller aussi avec eux, à la fête !

Ils étaient allés à une aire neuve, au manoir ; ce n’est pas moi qui serais resté à la maison !

Les jeunes garçons n’y manquaient point, croyez-le, ni les jolies filles non plus.

Mon cœur bondissait d’entendre les sonneurs sonner.

Alors je vis danser une jeune fille. Elle était aussi éveillée qu’une tourterelle ;

Ses yeux brillaient comme des gouttes de rosée sur une fleur d’épine blanche, à l’aurore,

Et ils étaient bleus comme la fleur du lin ; ses dents aussi belles que des pierres fines ;

Son air vif et joyeux ; et elle de me regarder,

El moi de la regarder, et moi d’aller, un peu après, l’inviter,

L’inviter pour un jabadao, et nous voilà en danse !

Comme nous dansions, je pressai sa petite main blanche ;


Et elle de sourire, de sourire aussi doucement qu’un ange du paradis ;

Et moi de lui sourire ; et je n’aime plus qu’elle.


J’irai la voir, ce soir, et lui porterai un velours et une croix.

Un velours noir avec sa croix, que j’ai achetés à la foire de Saint-Nicolas,

De Saint-Nicolas, notre grand patron ; cela fera bien sur son petit cou nu ;

Et de plus je lui porterai une bague d’argent pour mettre à son joli petit doigt,

Pour passer à son doigt, afin qu’elle pense à moi quelquefois.

En m’en revenant de chez ma douce, le vieux tailleur m’a rencontré ;

J’ai rencontré le vieux tailleur, et il a fait cette chanson.

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