Barzaz Breiz/1846/Chants des Noces/Bilingue-Armoire

Barzaz Breiz, édition de 1846
Chants des Noces



V


CHANT DE LA FETE DE L’ARMOIRE.


( Dialecte de Léon. )



LE JEUNE HOMME.

Ecoutez, ma douce veuve, je viens vous faire ma cour ; voici le temps de prendre un parti.


LA VEUVE.

Pour cette année, je ne me marierai point, ni ne romperai jamais mon deuil; il faut que je parte pour le cloître où Dieu m’attend.


LE JEUNE HOMME.

Pour le cloître, vous ne partirez point, en vérité ; mais pour mon village, je ne dis pas ; la rose et les fines herbes sont nées pour les jardins.


LA VEUVE.

La rose est née pour le jardin et l’if pour le cimetière ; j’ai choisi pour époux celui qui a créé le monde.



LE JEUNE HOMME.

Tenez, tenez, ma douce belle, tenez mon anneau d’argent ; passez-le à votre doigt, ou je vous l’y passerai moi-même.


LA VEUVE.

A mon doigt, jamais je ne passerai d’autre anneau que celui de Dieu qui a reçu ma foi.


LE JEUNE HOMME.

Vous voulez donc, vous voulez donc me faire mourir ?


LA VEUVE.

Jeune homme, je vous tiendrai compte du temps que vous perdez à me faire la cour ;

Du temps que vous avez perdu dans l’espoir de l’anneau des noces :

Je prierai Dieu, nuit et jour, pour que nous nous trouvions réunis dans le paradis.


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