Ballet des Arts/Texte entier


Robert Ballard (p. Titre-26).

BALLET
DES ARTS,


Danſé par ſa Majeſté le 8.
Janvier 1663.




À PARIS,
Par Robert Ballard, ſeul Imprimeur du
Roy, pour la Muſique.

M. DC. LXIII.
Avec Privilege de ſa Majeſté.



AVANT-PROPOS.



La Paix ayant produit l’Abondance, & fait naiſtre les Plaiſirs & refleurir les Sciences & les Arts ; les Sept que l’on nomme Liberaux, conduits par leur inventeur, Promethée, viennent paroiſtre en cette ſuperbe Cour : Et comme la Muſique en eſt l’un des plus nobles & des plus agreables, elle fait avec les autres, par un grand Concert d’inſtrumens, l’ouverture du Ballet des Arts en general, dont quelques-uns ſoit mechaniques ou autres, ont eſté choiſis pour faire les Entrées de ce Ballet ; chacune eſtant precedée d’un changement de Theatre & d’un Recit.


L’AGRICULTURE.



CEt Art eſt repreſenté par des Bergers & des Bergeres ; leſquels ſortent des agreables Boccages, qui font la decoration de cette premiere Scene. Apres que la Felicité & la Paix qui les accompagnent touſjours ont fait un recit en Dialogue, auquel reſpond un Chœur d’inſtruments ruſtiques.


Dialogue de la Paix & de la Felicité, chanté par Mademoiſelle Hylaire, & Mademoiſelle de Saint Chriſtophe.
La Paix.

Douce Felicité, ne quitons point ces lieux.

La Felicité.

Douce & charmante Paix, où peut-on eſtre mieux ?

Toutes deux.

Ny les travaux ny les peines,
N’habitent plus dans ces bois,
Les Bergers ſont comme des Rois,
Les Bergeres comme des Reines.

La Paix.

J’y veux eſtre touſjours,

La Felicité.

J’y veux eſtre touſjours, Et moy touſjours auſsy.

Toutes deux.

Amour eſt le ſeul mal dont on ſe plaint icy.

La Paix.

Les vents les plus mutins ſont changez en zephirs.

La Felicité.

Les maux les plus cruels ſont changez en plaiſirs.

Toutes deux.

Icy quand un cœur ſoupire,
Un autre cœur luy répond,
Et c’eſt là tout le bruit que font
Les Echos qui n’oſent tout dire.

La Paix.

J’y veux eſtre touſjours, etc.


PREMIERE ENTRÉE.


Bergers et Bergeres.


Bergers.
LE ROY.
Le Marquis de Raffan, les Sieurs Raynal, Noblet, & la Pierre.
Bergeres.
Madame.
Mademoiſelle de Mortemart, Mademoiſelle de Saint Simon, Mademoiſelle de la Valliere, Mademoiſelle de Seuigny.
PourLe Roy.Berger.


Voicy la Gloire, & la Fleur du Hameau,
Nul n’a la Teſte & plus belle & mieux faite ;
Nul ne fait mieux redouter ſa Houlette,
Nul ne ſçait mieux comme on garde un Troupeau.

Et quoy qu’il ſoit dans l’âge où nous ſentons
Pour le plaiſir une attache ſi forte,
Ne croyez pas que ſon plaiſir l’emporte,
Il en revient touſjours à ſes Moutons.

À ſon labeur il paſſe tout d’un coup,
Et n’ira pas dormir ſur la fougere,

Ny s’oublier aupres d’une Bergere,
Juſques au point d’en oublier le Loup.

Ce n’eſt pas tant un Berger qu’un Heros,
Dont l’Ame grande applique ſes penſées
Au ſoin de voir ſes brebis engraiſſées,
En leur laiſſant la laine ſur le dos.

Pour Madame. Bergere.


Quelle Bergere, quels yeux
À faire mourir les Dieux !
Auſsy comme eux on l’adore,
Elle eſt de leur propre ſang ;
Mais ſa perſonne eſt encore
Bien au deſſus de ſon rang :
De jeunes Lis, & des Roſes
Tout nouvellement écloſes
Forment ſon teint delicat ;
Enfin les plus belles choſes
Prés d’elle n’ont point d’éclat.
C’eſt une douceur extréme,
Et pour en dire icy le mal comme le bien,
Il eſt vray tout le monde l’aime,
Mais apres ſon Devoir ſes Moutons, & ſon Chien,
Je penſe qu’elle n’aime rien.

Pour Mademoiſelle de Mortemart. Bergere.


Que cette Bergere eſt belle,
A-t’elle pas un defaut ?
Un Berger qui ſoit digne d’elle
N’eſt-ce pas tout ce qui luy faut ?
À quiconque poura tant faire
Que de la ranger ſous ſa loy,
La bonne affaire,
L’heureux employ !

Pour Mademoiſelle de Saint Simon. Bergere.


Gardez-vous de ces Lis, gardez-vous de ces Roſes,
Qui ne s’en gardera ne ſçauroit faire pis,
Ha ! quelle eſt dangereuſe en gardant ſes Brebis,
Elle a des yeux brillans qui diſent mille choſes,
Mais ils en donnent à garder
À qui plus qu’il ne faut oſe les regarder.

Pour Mademoiſelle de la Valliere. Bergere.


Non ſans doute il n’eſt point de Bergere plus belle,
Pour elle cependant qui s’oſe declarer
La preſſe n’eſt pas grande à ſoupirer pour elle,
Quoy qu’elle ſoit ſi propre à faire ſoupirer.

Elle a dans ſes beaux yeux une douce langueur,
Et bien qu’en apparence aucun n’en ſoit la cauſe,
Pour peu qu’il fût permis de foüiller dans ſon cœur,
On ne laiſſeroit pas d’y trouver quelque choſe.

Mais pourquoy là deſſus s’eſtendre davantage ?
Suffit qu’on ne ſçauroit en dire trop de bien,
Et je ne penſe pas que dans tout le village,
Il ſe rencontre un cœur mieux placé que le ſien.

Pour Mademoiſelle de Seuigny.


Deja cette Beauté fait craindre ſa puiſſance,
Et pour nous mettre en butte à d’extrémes dangers :
Elle entre juſtement dans l’âge où l’on commence
À diſtinguer les Loups d’avecque les Bergers.

Le Marquis de Raffan. Repreſentant un Berger.


Je porte peu d’enuie
Aux Bergers dont la vie
Eſt plaine de douceur,
Ma fortune eſt meilleure
Si je trouve mon Heure
Où j’ay perdu mon cœur.


LA NAVIGATION.



La Mer paroiſt en eſloignement de laquelle Thetis ſortant avec trois autres Divinitez Marines, chante des Vers à la loüange de la Navigation. Un Chef de Corſaires avec quatre Pyrates de ſa ſuite arrivent ſur le Rivage ne s’eſloignant jamais d’un Element, ſur lequel il a eſtably ſa demeure.


Recit de Thétis,
Chanté par Mademoiſelle de Cercamanan.
aux Dames.


Ne craignez point le naufrage,
Beaux yeux, le vent ny l’orage
N’oſeroient vous attaquer :
Hazardez vous deſſus l’onde,
Quelle rie ou quelle gronde,
Il n’eſt que de s’embarquer.

Sur les flots qui s’applaniſſent
Mille vaiſſeaux s’enrichiſſent
Pour un qui vient à manquer :
Vous ne ferez pas grand choſe
Tant que vous direz, je n’oſe,
Il n’eſt que de s’embarquer.


II. Entrée.


Un Corſaire, & quatre Pyrates.


Corſaire.
Le Comte de S. Aignant.
Meſſieurs d’Heureux, Beauchamp, Saint André, & Deſbroſſes. Pyrates.
Pour le Comte de S. Aignan. Corſaire.


Ce Corſaire touſjours ſuivy de la victoire
A couru ſur toutes les Mers ;
Il a veu de l’Amour, il a veu de la Gloire,
Les flots doux, & les flots amers,
Et n’a point redouté leurs vagues les plus hautes,
Devenu celebre aujourd’huy,
Pour en avoir laiſſé beaucoup derriere luy
Qui ſe ſont échoüez auz Coſtes.


L’ORFEVRERIE.



Junon deſcend dans une Machine qui repreſente une Mine d’Or, comme la Déeſſe qui preſide aux richeſſes, & fait le recit pour l’Orfevrerie, en ſuite duquel quatre Courtiſans qui ont achepté de quelques Orfevres les ſuperbes ornements donc ils ſont parez, font la troiſieſme Entrée.


RÉCIT DE JUNON
Sur les Richesses.
Chanté par Mademoiſelle Hylaire.


Je répands ſur les Humains
La Richeſſe à plaines mains,

Auẞy pour mes Autels la ferveur eſt extrême :
Parmy tous ſes attraits, ſes charmes, ſes apas,
Amour l’avoüroit luy meſme,
La Richeſſe ne nuit pas.

Soyez beau, ſoyez bien fait,
N’ayez rien que de parfait,
Preſſez, & ſoupirez, afin que l’on vous aime,
Parmy tous ſes attraits, etc.


III. Entrée.


Courtiſans chargez d’Orfevrerie.


Le Comte d’Armagnac, Le Marquis de Genlis, Monſieur Coquet, & Monſieur l’Anglois.
Pour le Comte d’Armagnac. Courtiſan.


Vous eſtes Courtiſan, c’eſt une race d’hommes
Beaux, diſeurs de bons mots, jeunes, adroits, galants,

Et qui parmy tout l’or dont on les voit brillans,
D’ordinaire chez eux n’ont pas de grandes ſommes.

Pour le Comte de Sery, qui devoit repreſenter un Courtiſan.


Il n’eſt pas trop neceſſaire
Qu’un Courtiſan ſoit ſincere,
Et cependant je le ſuis ;
Demeurant tant que je puis
Dans la bonne & droite route ;

Vous n’en ſerez jamais en doute,
Pourveu que vous en conſultiez
Mes Amours & mes Amitiez.

Pour le Marquis de Genlis. Courtiſan.


On pardonne à ma Taille, on pardonne à ma mine ;
Mais ce n’eſt pas nouveauté
Qu’à la Cour on m’examine
Sur le fait de la Beauté.


LA PEINTURE.



Le Theatre ſe change en une Galerie ornée de pluſieurs Tableaux & Statuës, du fonds de laquelle ſortent les Ombres de ces deux grands Peintres de l’antiquité Zeuxis & Apelle, qui font entre-elles un Dialogue ſervant de recit à l’Art de la Peinture. Quatre Peintres groteſques, ſuivis de leurs Valets, avec quatre Dames ridicules qui vont ſe faire peindre, danſent cette Entrée d’une manière plaiſante & bizarre.


DIALOGUE.
d’Apelle, et de Zeuxis.
Chanté par Meſſieurs de Beaumont, & d’Eſtival.
Apelle.


Ma Venus a charmé les Hommes les plus fins,
Et je ſuis au deſſus de tout ce que nous ſommes.

Zeuxis.

J’ay trompé les oyſeaux en peignant des Raiſins,
C’eſt autant pour le moins que de charmer les hommes.

Tous deux.

Apres de ſi grands efforts,
Nous faiſons bien d’eſtre morts ;
Ces modernes Pinceaux imitant la Nature,
Pretendroient de nous ſurpaſſer,
Et nous auroient fait renoncer
À la Peinture.

Apelle.

Quel honneur qu’on n’ait point achevé ce Tableau
Où l’Amour meſme a crû que je flatois ſa Mere.

Zeuxis.

Quel honneur d’avoir fait un ouvrage ſi beau,
Que ceux qui m’ont ſuivy n’ont jamais pû mieux faire.

Tous deux.

Apres de ſi grands efforts, etc.


IV. Entrée.


Peintres.
Les Sieurs de Lorge, le Chantre, le Comte, & Deſbroſſes.
Dames.
Monſieur Molier, les Sieurs des Airs le cadet, Païſan, & Deſonets.
Valets.
Monſieur Cabou, le Sieur Dolivet.
Pour les Peintres,
Aux Dames.


Leau ſexe, qui par nous venez à bout de l’autre,
Flatez ce qui vous flate, & vous prete ſecours,
Sous voſtre Toile, helas ! vous n’eſtes pas touſjours
Comme vous eſtes ſur la noſtre.


LA CHASSE.



Diane ſort d’une Foreſt, en laquelle la face du Theatre s’eſt changée, & accompagnée de quelques Nymphes, fait un recit auquel pluſieurs inſtrumens reſpondent, & Cephale ſuivy de ſix autres Chaſſeurs, danſe cette Entrée.


RECIT DE DIANE.
Chanté par Mademoiſelle de la Barre.



Amour ſe gliſſe dans nos bois,
Evitons bien ſes entrepriſes,
Nous prenons des Beſtes par fois,
Craignons nous-meſmes d’eſtre priſes :
Il eſt bon de s’en défier,
Tous les cœurs ſont de ſon gibier.

Afin de nous aſſujetir,
Il eſt touſjours en embuſcade,
Il ne faut parfois qu’un ſoupir,
Il ne faut qu’une ſimple œillade.
Il eſt bon de, etc.


V. Entrée.


Chaſſeurs.


Monſieur le Duc. Cephale.
Chaſſeurs.
Le Duc de Beaufort, les Marquis de Villeroy, & de Mirepoix, Monſieur Bontemps, Monſieur Langlois, & le Sieur de S. André.
Pour Monſieur le Duc. Cephale.


Il arive ſouvent comme l’Amour eſt fin,
Que d’un projet de Chaſſe une affaire eſt couverte,
Quand un jeune Chaſſeur ſe leve ſi matin,
Qu’il eſt paẞionné, que ſa flame eſt ſoufferte,
Un mary comme un Cerf doit ſe tenir alerte.

Pour le Duc de Beaufort. Chaſſeur.


Lexercice eſt tout ce que j’ayme,
Et je n’en fais pas pour un peu,
Je vais au Bois, quelquesfois meſme
Je vais à l’Eau, je vais au feu.

Pour le Marquis de Villeroy, Chaſſeur.


Vous eſtes jeune, adroit & parfaitement bien
En tout ce qui compoſe un fort leſte équipage,
À vous dire le vray ce ſeroit grand domage
De chaſſer tout le jour, & de ne prendre rien.

Pour le Marquis de Mirepoix, Chaſſeur.


Entre tous ces Chaſſeurs qui taſchent de bien faire,
Comme les autres j’ay paru,
Ô ! que j’aurois fait bonne chere
Si j’avois atrapé tout ce que j’ay couru.


LA CHIRURGIE.



UNe ſalle remplie de pluſieurs Vaſes de Porcelaines, & de toutes les choſes qui peuvent remedier aux accidens qui arrivent au corps humain, ſert de Decoration à l’Art de la Chirurgie. Eſculape, Dieu de la Medecine, avec quelques vieux Docteurs en ſort & fait le recit.

Pluſieurs Eſtropiez de toutes les manieres, danſent une fort ridicule Entrée, qu’un Chirurgien ſçavant & adroit ayant veuë, il les met en eſtat, par leur gueriſon entiere, d’en danſer une autre avec beaucoup de diſpoſition.


RECIT D’ESCULAPE.
Sur la Medecine.
Chanté par Monſieur de la Grille.


Bel Art, qui retardez l’infaillible trépas,
En ſecrets merveilleux voſtre ſcience abonde,
Faut-il que vous n’en ayez pas
Contre le plus commun de tous les maux du monde ?

Un cœur tout languiſſant, & qui s’en va mourir,
Mettroit-il ſon eſpoir en vos ſeules racines ?
C’eſt à l’Amour à le guérir,
Et comme il fait les maux, il fait les medecines.


VI. Entrée.


Un Chirurgien, quatre Docteurs, & huit Eſtropiez.


Monſieur de Lully, Chirurgien.
Les Sieurs la Vigne, Beſſon, Magny, & Barry, Docteurs.
Monſieur Geoffroy, les Sieurs Raynal, Bonard, le Conte, Païſan, la Pierre, Noblet & Laleu, Eſtropiez.
Pour Monſieur de Lully, repreſentant un Chirurgien.


Jeſtois perdu moy-meſme, & tous ceux que je voy
Qui ſont aux Incurables

Perclus & miſerables
Ne s’aydoient pas ſi mal de leurs membres que moy.
Dans mon infirmité ne ſçachant plus que faire,
Le Dieu du Mariage à qui je fus contraire,
L’auroit-on crû ſi bon pour un Eſtropié ?
Ma guéry tout à fait & mis ſur le bon pié,
Cette Divinité, ma chere protectrice
N’en ayant pas laiſſé la moindre cicatrice.


LA GUERRE.



Un Camp orné de pluſieurs Tantes & Pavillons, montre que l’Art de la Guerre va ſe faire voir : Mars & Bellonne dans une Machine ayant chanté des Vers en Dialogue à la loüange de cét Art, qui produit tant de Renommée & de gloire à ceux qui l’exercent dignement. La Déeſſe Pallas toute brillante, & auſſi conſiderable par ſa valeur que par ſa beauté deſcend du Ciel ; & ſe joignant à quatre charmantes Amazones danſe la ſeptieſme Entrée : Apres qu’un grand concert de pluſieurs inſtrumens a ſuccedé au recit de Mars & de Bellonne.


DIALOGUE
de mars et de bellone.
Mademoiſelle Hilaire, Bellone.
Monſieur Don, Mars.
Mars.


QUoy, jamais plus de ſang ?

Bellone.

Quoy, jamais plus de ſang Quoy, jamais plus de morts ?

Mars.

La Paix a pour long-temps étouffé les diſcords,
Et reüny les premiers Thrones,

Bellone.

Ne nous deſeſperons pas,
J’aperçoy des Amazones
Qui vont faire du fracas

Tous deux.

Ces aymables foudres de guerre
Qui font nos Braves trembler,
Ont dequoy depeupler la terre,
Et dequoy la repeupler.

Mars.

Que leurs coups ſont cruels !

Bellone.

Que leurs coups ſont cruels ! Que l’on craint leurs regards,

Mars.

Elles mettront bien-toſt le feu de toutes parts,
Et vont donner mille batailles.

Bellone.

S’il ne s’agit ſeulement
Que de voir des funerailles,
Nous aurons contentement.

Tous deux.

Ces Aymables, etc.


VII. et derniere Entrée.


Vertus, Pallas, & Amazones.


Pallas, Madame.
Amazones. Mademoiſelle de Mortemart, Mademoiſelle de S. Simon, Mademoiſelle de la Valliere, & Mademoiſelle de Sevigny.
Pour Madame, repreſentant Pallas.


À voir la dignité, la pompe, les Richeſſes,
L’éclat de la perſonne, & la ſplendeur du Nom,
Et tout ce qui convient aux premières Deeſſes,
Diriez-vous pas que c’eſt la ſuperbe Junon ?

À voir comme on la ſuit en adorant ſes traces,
Comme elle enchaine ceux qui d’elle ſont connus,
Comme elle a dans ſes yeux les Amours & les graces,
Diriez-vous pas que c’eſt la charmante Venus ?

C’eſt Pallas elle-meſme, ou quelqu’autre Heroine,
Qui cache ſa fierté ſous beaucoup de douceur,
Et ſans en affecter la redoutable mine,
Elle en a les Vertus, l’eſprit, le noble cœur.

Si Pâris revenoit, nous verrions ce jeune homme
Bien moins embaraſſé qu’il ne fut autrefois ;
Il n’auroit qu’à donner a celle-cy la Pomme,
S’il vouloit eſtre quitte envers toutes les Trois.

Pour Mademoiſelle de Mortemart, Amazone.


Qui d’appas, d’attraits, & de charmes,
Pour le dire en un mot, que d’armes !
Vous avez quelque affaire, & je le prevoy bien,
Eſt-on comme cela pour rien ?
Eſt-ce pour attaquer ? eſt-ce pour vous deffendre ?
Car je vous donne avis qu’on tâche à vous ſurprendre,
Soyez en defiance aux lieux où vous allez,
Tel pourroit s’enhardir, encor qu’il vous redoute,
Je ſçay qu’on vous en veut, & voſtre cœur s’en doute,
Dites-nous à l’oreille à qui vous en voulez ?

Pour Mademoiſelle de S. Simon, Amazone.


Cette jeune Amazone avec ſes doux regards,
Met indifferemment le feu de toutes parts,
Et de la ſorte qu’elle frape,
Amy comme ennemy, perſonne n’en échape,
C’eſt des jeunes Beautez le procedé commun,
Elle s’en laſſera peut-eſtre,
Apres avoir ainſi frapé ſans reconnoiſtre
Souvent dans la meſlée on s’attache à quelqu’un.

Pour Mademoiſelle de la Valliere, Amazone.


Divine Amazone, tout bas,
Contez-nous quelle eſt voſtre gloire,
Volontiers n’affectez-vous pas
D’étaller trop une victoire,
Les procedez ſont differends,
Les unes comme des Torrens
Courent & ravagent la Terre,

Les autres au contraire aprehendant l’éclat

Font les plus beaux coups de la Guerre
Comme on fait un aſſaẞinat.

Telle a mille cœurs ſous ſes loix,
Craignant de vivre trop à l’ombre,
Telle conſidere par fois

La qualité plus que le nombre :
Je voy luire dans vos beaux yeux
Un certain air impérieux,
Fatal au repos des plus Braves,

Et ne conte pas moins qu’Alexandre & Ceſar,

En me figurant des Eſclaves
À la ſuite de voſtre Char.

Pour Mademoiſelle de Sevigny, Amazone.


Belle & jeune Guerriere, une preuve aſſez bonne
Qu’on ſuit d’une Amazone & la regle & les vœux,
C’eſt qu’on n’a qu’un Teton, je croy, Dieu me pardonne,
Que vous en avez déjà deux.


Les Amazones s’eſtant retirées, Pallas paroiſt de nouveau avec les vertus qui la ſuivent par tout, veſtuës des couleurs qui leur conviennent le plus, & qui ſont.

La Fidelité, repreſentée par le Comte de Saint Aignan, & veſtuë de bleu.

La Beauté, d’incarnat par Monſieur de Souville.

La Force, de couleur de feu, par le Sieur Raynal.

La Prudence, par le Sieur des Airs l’aiſné, habillée de cette couleur changeante qu’on voit dans la peau des Serpens.

La Chaſteté de blanc, par le Sieur de Lorges.

Et la Conſtance par le Sieur des Airs le cadet, veſtuë de vert ; & repreſentant la fermeté de la Terre. Cette huitieſme & dernière Entrée concluant tout le Ballet des Arts.

Pour le Comte de S. Aignan, repreſentant la Fidelité.


Sa mine prouve aſſez ce que ſon cœur doit eſtre,
L’honneur y va bien loin devant l’utilité,
Pour la Maiſtreſſe & pour le Maiſtre,
C’eſt la meſme Fidelité.


FIN.