Ballade sur le trépas de Bertrand Du Guesclin


Ballade sur le trépas de Bertrand Du Guesclin


CCVI


Autre Balade[1].


(Sur le trépas de Bertrand du Guesclin. )


ESTOC d’oneur et arbres de vaillance
Cuer de lyon esprins de hardement,
La flour des preux et la gloire de France,

Victorieux et hardi combatant,
Saige en voz fais et bien entreprenant,
Souverain homme de guerre,
Vainqueur de gens et conquereur de terre,
Le plus vaillant qui onques fust en vie,
Chascun pour vous doit noir vestir et querre :
Plourez, plourez flour de chevalerie.

O Bretaingne, ploure ton espérance,
Normandie, fay son entièrement[2],
Guyenne aussi, et Auvergne or t’avence,
Et Languedoc, quier lui son mouvement.
Picardie, Champaigne et Occident
Doivent pour plourer acquerre
Tragédiens[3], Arethusa requerre
Qui en eaue fut par plour convertie.
Afin qu’a touz de sa mort les cuers serre :
Plourez, plourez fleur de chevalerie.
 
Hé ! gens d’armes, aiez en remembrance
Vostre père, vous estiez si enfant[4] ;
Le bon Bertran, qui tant ot de puissance.
Qui vous amoit si amoureusement ;
Guesclin crioit ; priez dévotement
Qu’il puist paradis conquerre ;
Qui dueil n’en fait et qui ne prie il erre.
Car du monde est la lumière faillie :
De tout honeur estoit la droicte serre :
Plourez, plourez flour de chevalerie.

  1. Publiée par Crapelet, p. 27.
  2. Enterrement
  3. Auteurs tragiques
  4. Ses enfants