Œuvres - Tome VI.
Réponse d'un International à Mazzini — AVANT-PROPOS


AVANT-PROPOS
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En février 1871, Mazzini avait fondé une revue hebdomaire, paraissant à Lugano, La Roma del Popolo, dans laquelle il exposait ses idées politiques et religieuses. De mars à juin, il y combattit à plusieurs reprises la Commune de Paris, le fédéralisme et le socialisme. Dans le numéro du 13 juillet, il attaqua formellement l’Internationale, qu’il dénonça aux ouvriers italiens comme une institution dangereuse. Cet article[1] tomba le 24 juillet sous les yeux de Bakounine. Celui-ci rédigeait à ce moment la Protestation de l’Alliance (voir ci-dessus p. 6) : il s’interrompit aussitôt, — ce qui fit que le manuscrit de la Protestation resta inachevé, — et commença dès le 25 une réponse à l’attaque dirigée par le vieux révolutionnaire italien contre la grande Association des travailleurs. La réponse fut écrite en quatre jours (25-28 juillet). Emilio Bellerio, le jeune ami de Bakounine, la traduisit en italien, et la porta, le 4 août, à la rédaction du Gazzettino Rosa, de Milan, qui la publia en une brochure formant supplément à son numéro du 14 août, sous ce titre : Risposta d’un Internazionale a Giuseppe Mazzini, per M. Bakounine, membro de l’Associazione Internazionale dei Lavoratori. (Supplemento al N. 227 del giornale il Gazzettino Rosa. Milano, presso l’amministrazione del Gazzetino Rosa, Via S. Pietro all’Orto, 23 ; 1871 ; 32 pages petit in-16.) Les huit dernières pages de cette brochure sont occupées par un autre écrit intitulé L’Internazionale e Mazzini : c’est un article extrait du journal l’Eguaglianza de Girgenti, que dirigeait Saverio Friscia.

Le texte français de la Réponse d’un international à Mazzini fut envoyé par Bakounine, le 6 août, au journal socialiste la Liberté, de Bruxelles, qui le publia dans ses numéros des 18 et 19 août.

L’impression produite en Italie fut considérable. Mazzini n’essaya pas de répliquer ; mais Aurelio Saffi répondit en septembre dans La Roma del Popolo, et le journal mazzinien l’Unità italiana, de Milan, publia quelques articles contre Bakounine en août et septembre.

Voici les notes qu’on trouve dans le carnet de Bakounine relativement à sa première réponse (l’auteur en annonçait d’autres, qui suivraient la première) aux attaques de Mazzini contre le socialisme, la Commune et l’Internationale :

« Juillet 24. Article de Mazzini contre l’Internationale[2]. — 25. Grand paquet de l’Appel (pp. 92-141) avec lettre à Guillaume envoyés. Commencé la Réponse à Mazzini. — 26. Réponse à Mazzini. — 27. Réponse à Mazzini. Emilio prend pour traduire. — 28. Fini premier article contre Mazzini. Mémoire sur l’Alliance. — 31. Emilio vient me lire le commencement de la traduction de ma réponse à Mazzini.

« Août 4. Copie de la Réponse à Mazzini[3]. Emile parti pour la rédaction [du Gazzettino Rosa]. — 5. Terminé copie de Réponse à Mazzini. Lettre à Emilio et Stampa. — 6. Lettre aux rédacteurs de la Liberté avec article sur Mazzini. — 11. Arrivés Emilio, Fanelli. — 20. Lettre de Stampa et 25 exemplaires Opuscule [Risposta d’un Internazionale]. Opuscule à Zamperini, Ogaref et [Adolphe] Vogt. — 23. Réponse à Mazzini, à Barcelone, à Zaytsef, à Ross. — 29. Envoyé article contre Mazzini[4] à Ozerof, Saigne, Lindegger, — à Ross, — à Adhémar, Guillaume, Camet, Spichiger. »

Le 28 juillet, aussitôt après avoir fini sa Réponse à Mazzini, Bakounine avait commencé la rédaction d’un nouvel écrit apologétique sur les querelles dans l’Internationale de Genève, qu’il intitula Mémoire pour l’Alliance. Il y travailla jusque vers la fin d’août. Mais, tout en rédigeant ce Mémoire, il songeait à continuer sa polémique italienne.

Le 21 août, le carnet note : « Article contre Mazzini » ; le 25 : « 2e article contre Mazzini, avec article sur l’Alliance et lettre à Guillaume » ; le 28 et le 29 : « 2e article Mazzini » ; et en septembre, cette mention revient presque chaque jour. Cette nouvelle réponse allait prendre des proportions plus considérables que la première, et devenir un livre, ou plutôt le commencement d’un livre qui, de même que L’Empire knouto-germanique, ne fut jamais achevé. La première partie de ce livre parut en décembre 1871 sous ce titre : La Théologie Politique de Mazzini et l’Internationale ; on la trouvera au tome VII.

Nous reproduisons la Réponse d’un international à Mazzini telle qu’elle parut dans la Liberté (cette Réponse fut plus tard placée par Bakounine en tête de sa Théologie Politique de Mazzini, en guise d’Introduction).

Nous la faisons suivre de la traduction de l’article L’Internazionale e Mazzini, de Saverio Friscia, publié dans l’Eguaglianza et reproduit à la suite de la Risposta dans le supplément du Gazzettino Rosa du 14 août 1871. Il est intéressant de faire entendre le langage du vieux et loyal conspirateur sicilien[5] à côté de celui de son ami le grand révolutionnaire russe.

J. G.

  1. L’article de Mazzini fut aussi tiré à part, en feuille volante (2 pages in-folio à trois colonnes), sous ce titre : La Roma del Popolo agli operai (signé G. Mazzini). Supplemento al N. 20 ; 16 Luglio 1871.
  2. Cette note nous apprend à quelle date exacte Bakounine lut l’article de Mazzini du 13 juillet.
  3. Il s’agit de la copie du texte français, destinée à la Liberté de Bruxelles.
  4. Il s’agit cette fois de l’article paru dans la Liberté les 18 et 19 août.
  5. Né à Sciacca (Sicile) en 1813, Saverio Friscia étudia la médecine à l’université de Palerme. Il conspira contre les Bourbons, fut élu représentant du peuple en 1848, et emprisonné en 1849 ; puis, banni, il se retira à Paris. Gravement malade au moment de l’expédition des Mille (mai 1860), il courut, à peine convalescent, rejoindre Garibaldi en Sicile. Élu député de Sciacca en 1861, et resté membre du Parlement italien jusqu’à sa mort, il fut — comme son ami Giuseppe Fanelli — un singulier parlementaire, qui ne prit jamais la Chambre au sérieux, et vota constamment contre tous les ministères. En 1864, il entra dans la Fraternité internationale fondée par Bakounine, et fit infatigablement, par la presse et la parole, la propagande du socialisme révolutionnaire. Il est mort en 1886, dix ans après Bakounine, neuf ans après Fanelli ; il était l’aîné de l’un et de l’autre. Giovanni Domanico, dans le premier volume de son ouvrage L’Internationale (Florence, 1911), a publié un beau portrait de Friscia.