BAnQ/Émeutes de Québec de 1918/Témoignage de Régina Ferland, veuve d’Alexandre Bussières

Témoignage de Régina Ferland, veuve d’Alexandre Bussières[1]


REGINA FERLAND, de Québec, âgée de vingt deux ans, veuve de Alexandre Bussières, étant dûment assermentée sur les Saints Évangiles dépose ainsi qu’il suit.


Le cadavre qui fait l’objet de cette enquête est celui de mon mari, Alexandre Bussières, mécanicien, âgé de vingt cinq ans, de St-Malo de Québec.


Lundi soir mon mari est revenu de l’ouvrage à peu près vers six heures et demi. Il a soupé. Il était bien et sobre. Il m’a demandé la permission de sortir pour aller à une assemblée tenue par un Monsieur Lavergne sur le marché St-Pierre. Il m’a dit en même temps : Je vas t’amener avec moi et le bébé, et je vous laisserai chez ta sœur, sur la rue Ste.-Thérèse. C’est ça qu’il a fait. Je suis partie de chez nous vers huit heures moins le quart et je me suis rendue chez ma sœur sur la rue Ste.-Thérèse et le défunt est parti de suite pour aller à l’assemblée en disant qu’il serait de retour tout de suite. Je l’ai attendu jusqu’à une heure et quart dans la nuit, et le lendemain j’ai été informée qu’il avait été arrêté par la police militaire. Je croyais qu’il était prisonnier militaire. Quelqu’un m’avait dit cela. Mon père et mon beau-frère ont fait des démarches pour découvrir où il était et ce n’est que le vendredi matin que j’ai su que mon mari était mort et qu’il était à la Morgue chez M. Moisan. Mon mari était d’un caractère tranquille. Il n’a pas parlé devant moi qu’il était pour y avoir du trouble à cette assemblée là. Quand il est parti de chez-nous il avait de l’argent de papier mais je ne sais pas quel montant ― seulement je sais qu’il avait de l’argent de papier dans sa poche. Il avait aussi une montre en or, pas couverte avec une chaîne. Je n’ai rien vu de ces effets là après sa mort quand le corps m’a été livré.

INTERROGÉ par M. Lesage, Juré.


Q. Est-ce qu’on pourrait savoir s’il était supposé être armé lorsqu’il est parti ?


R. Non, il n’était pas armé du tout.


Q. Savez-vous s’il en gardait chez-lui ?


R. Pas du tout.


Q. Il ne gardait aucune arme à la maison ?


R. Non aucune arme.

INTERROGÉ par M. Picher, Juré.


Q. Avez-vous fait la demande à M. Moisan pour la montre et l’argent ?


R. Je crois que mon père l’a faite.


Q. Y a-t-il eu des démarches quelconque de faites à la Morgue pour savoir si l’argent et la montre était là ?


R. Comment, je ne comprends pas.


Q. (Par le Coroner) Vous savez que votre père est allé chez Monsieur Moisan et qu’il a tout rapporté son linge et qu’il n’y avait pas d’argent et de montre ?


R. Non rien que son linge oui.

INTERROGÉE par le Major Barclay.


Q. Madame, que faisait votre mari dimanche soir, où était-il ?


R. Dimanche soir, il n’a pas sorti.


Q. Il n’a pas sorti le dimanche ?


R. Non.


Q. Est-ce qu’il a sorti l’après-midi le dimanche ?


R. Non il a passé la journée chez-moi.


Q. Toute la journée chez-vous ?


R. Oui.


Q. Et le samedi ?


R. Il est allé chez mon beau-frère, le soir.


Q. Le soir ?


R. Oui.


Q. Vous n’étiez pas avec lui ?


R. Oui.


Q. (Par le Coroner) Il n’est pas sorti avant le samedi soir ?


R. Non il est allé chez mon beau-frère, il m’a laissé chez ma sœur.


Q. C’est près de chez vous ?


R. Oui.


Q. Vendredi soir que faisait-il ?


R. Il n’a pas sorti je crois le vendredi.


Q. Le jeudi ?


R. Il n’est pas sorti de la semaine à part le samedi.


Q. Il est resté chez-vous tous les soirs ?


R. Tous les soirs.


Q. Sauf le samedi soir et le lundi soir ?


R. Le samedi soir il est sorti.


Q. Était-ce son habitude de rester chez-lui comme ça ?


R. Oui, il ne sortait jamais.


M. Paul Drouin. ― Je me demande si cette question peut être permise. Il s’agit de connaître les causes de la mort. Nous voilà rendu à jeudi et à mercredi.


Le Major Barclay. — C’est parce que il y a eu une série d’émeutes et je veux savoir ce qu’il faisait dans les autres.

Et le témoin ne dit rien de plus.



Je soussigné sténographe assermenté
certifie que ce qui précède est la transcription
fidèle de mes notes sténographiques.
Alexandre Bélinge
  1. Titre ajouté par Wikisource pour fin de présentation.