Bénoni
Bénoni
Il dort, mon Bénoni, bien moins souffrant sans doute,
C’est le premier sommeil qu’aussi longtemps il goûte ;
Il dort depuis hier que, le regard terni,
Dans sa débile main il a serré la mienne,
Disant : Vous m’aimez tous ! maintenant qu’elle vienne !…
Il dort, mon Bénoni ! viens le voir, il repose ;
Marche bien doucement, car le bruit l’indispose.
Viens le voir au salon d’où chacun s’est banni ;
Parlons bas, parlons bas, s’il allait nous entendre,
S’éveiller pour souffrir, son sommeil est si tendre !
Il dort, mon Bénoni ! de ta main inquiète
Relève ces rideaux ; oh ! regarde sa tête,
Vois ses grands yeux fermés, son front moins rembruni,
Le calme de ses traits ;… tiens, le vois-tu sourire ?
Un doux rêve l’occupe, écoutons :… il soupire…
Il dort, mon Bénoni ! quoi ! méchant, tu l’appelles ?
Laisse-le dans sa paix ; tu trembles, tu chancelles,
Tu l’embrasses, tu prends son bras qui m’a béni !
Ne le réveille pas… D’où naissent tes alarmes ?
Je vais pleurer aussi, si tu verses des larmes ?
— Il dort, ton Bénoni !… Douce erreur que j’envie !
Pauvre enfant !… ignorant le secret de la vie,
Son jour mélancolique avant l’heure a fini ;
Son âme avait brisé son corps par la pensée,
Et sans être comprise aux cieux elle est passée !