Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran/2/XIX

Librairie Hachette et Cie (2p. 223-224).

XIX

Rêve du maharajah.


Vers trois heures du matin, Corcoran fut tiré de son sommeil par un rêve épouvantable…

Comme il n’en a donné les détails à personne, pas même à Quaterquem, son plus intime ami, nous serons forcé de garder le secret comme lui-même ; mais il fallait que ce rêve fût bien rempli de funestes pressentiments, car, dès le point du jour, le maharajah se leva et alla éveiller son ami.

Quaterquem ouvrit un œil, étendit les bras en bâillant et dit :

« Eh bien, qu’est-ce ?

— Partons.

— Comment ! partir ? Tout le monde dort, Acajou ronfle, et moi-même, je…

— Alors je vais partir seul.

— Sans déjeuner ?… Nini ne te le pardonnerait pas.

— Déjeunons, s’il le faut, pour obéir à Nini ; mais souviens-toi que je dois être à Bhagavapour dans l’après-midi. J’ai le pressentiment qu’un affreux danger nous menace. Que le déjeuner soit prêt dans cinq minutes et la frégate dans un quart d’heure. »

Ce qui fut fait.

Mme Nini, très-satisfaite des présents que Corcoran lui faisait (deux châles du cachemire le plus pur, qui avaient appartenu à la sultane favorite de Tippoo Sahib), se jeta dans les bras d’Acajou, qui monta dans la frégate en grognant de toutes ses forces, non sans avoir embrassé Zozo, qui se frottait les yeux avec ses deux poings, et qui sanglotait comme si son père avait dû être fusillé cinq minutes plus tard.