Autant en emporte le vent (Moréas)/Contre Juliette

Autant en Emporte le Vent (1886-1887)Léon Vanier, libraire-éditeur (p. 41-42).




XIX



CONTRE JULIETTE




Pour vous garder de mal empire,
Pennon d’Amour et gonfalon,
Je vous donnai ma chevelure
Couleur des flots sous l’aquilon.

Boucliers aux tendres devises,
Écus de pleine loyauté,
Je vous donnai mes fiers yeux contre
Votre propre vulgarité.


Coupe de mélodie et baume,
Afin de vous extasier
Je vous donnai ma bouche vive.
Telles les roses au rosier.

Dames d’atour et chambrières
Attentives à votre arroi,
Je vous donnai mes mains plus nobles
Que la couronne au front d’un roi.

Et je vous donnai — ho ! prodigue —
Et je vous donnai par monceaux,
Tous les trésors de ma pensée
Comme des perles aux pourceaux.