Augustin d’Hippone/Deuxième série/Solennités et panégyriques/Sermon CCCXXIII. — Après la lecture de la relation

Solennités et panégyriques
Œuvres complètes de Saint Augustin (éd. Raulx, 1864)


SERMON CCCXXIII. APRÈS LA LECTURE DE LA RELATION.

ANALYSE. – Avis aux parents et aux enfants. – Ancône et Uzale. – Guérison de la sœur de Paul.

1. Croyons-le, mes frères, tous ces enfants que la colère de Dieu a frappés par la main de leur mère, finiront par recouvrer, grâce à la miséricorde divine, la santé dont nous sommes heureux de voir jouir maintenant ce frère. Mais que les enfants apprennent ici le respect, et qu’ici les parents redoutent la colère. Il est écrit : « La bénédiction du père affermit la maison de ses enfants ; et la malédiction de la mère la renverse jusqu’aux fondements[1] ». Ces malheureux ne sont plus maintenant sur le sol de leur patrie ; partout ils portent le spectacle effrayant de leur supplice, et en montrant partout leur infortune, ils jettent la terreur dans les âmes orgueilleuses. Apprenez, enfants, à rendre à vos parents l’honneur qui leur est dû, d’après l’Écriture ; et vous, parents, lorsqu’ils vous offensent, souvenez-vous que vous êtes parents. Cette mère a prié contre ses enfants ; elle a été exaucée, attendu que Dieu est vraiment juste et qu’elle-même avait été outragée réellement. L’un de ses enfants lui avait adressé des paroles injurieuses et avait même porté la main sur elle ; les autres souffrirent avec insensibilité cette injure faite à leur mère, sans même dire en sa faveur un seul mot de reproche à leur frère. Dieu est juste ; il entendit les prières, il entendit les gémissements de cette infortunée. Et elle ? Ah ! ne fut-elle pas châtiée d’autant plus sévèrement qu’elle fut exaucée plus vite ? Sachez donc ne demander à Dieu que ce que vous ne craignez pas d’obtenir de lui.

2. Pour nous, mes frères, empressons-nous de rendre grâces au Seigneur notre Dieu pour celui qui est guéri, et de prier pour sa sœur encore captive du mal. Bénissons Dieu de ce qu’il nous a jugés dignes d’être témoins de ce spectacle. Que suis-je, hélas ! pour leur avoir apparu sans le savoir ? Eux me voyaient, et c’était à mon insu. On leur conseillait même de venir en cette ville. Que suis-je ? Un homme du commun, et non pas un personnage distingué. Vraiment, pour le dire à votre charité, je suis fort étonné et fort heureux de la faveur qui nous a été accordée, quand cet homme n’a pu trouver sa guérison à Ancône, ou plutôt quand, pouvant l’y trouver, car rien n’était plus facile, il ne l’y a pas trouvée à cause de nous. Beaucoup savent, en effet, combien de miracles se font en cette ville par l’entremise du bienheureux martyr Étienne. Apprenez même une chose qui vous surprendra. Depuis longtemps il avait là un monument, il y est encore. – Son corps n’était pas encore découvert, diras-tu, d’où venait ce monument ? – On l’ignore, cependant je ne tairai point devant votre charité ce que la renommée a porté jusqu’à nous. Au moment où on lapidait saint Étienne, il se trouvait là des hommes innocents de sa mort, surtout parmi ceux qui croyaient au Christ. Or, on dit qu’une pierre l’ayant frappé au coude, vint retomber devant un homme sincèrement religieux. Cet homme l’emporta et la conserva. Cet homme était un marin ; dans ses courses maritimes il, arriva avec cette pierre près du rivage d’Ancône, et il lui fut révélé qu’il devait l’y laisser. Il fut docile à la révélation, il fit ce qui lui était commandé ; et c’est de ce moment que date à Ancône la mémoire de saint Étienne ; on disait même, parce qu’on ignorait le fait précis, que le bras du saint martyre était là. Si la révélation ordonna de placer en cet endroit la pierre qui avait frappé le coude du martyr, ne serait-ce point parce qu’en grec coude se traduit par Αγκών ? Quoi qu’il en soit, c’est à ceux qui savent quels miracles s’y opèrent, de nous le dire. Ces miracles n’ont commencé à se produire que depuis la découverte du corps de saint Étienne ; et si ce jeune homme n’y a point trouvé sa guérison, c’est que Dieu nous réservait d’en être témoins.

3. Cherchez aussi, et vous le saurez, combien il se fait de prodiges à Uzale, où est évêque mon frère Evode. Sans parler des autres, j’en rapporterai seulement un, pour vous faire comprendre combien y est sensible la présence de la majesté divine. Une femme tenant un jour sur son sein son fils malade et simple catéchumène, le perdit tout à coup sans avoir pu le secourir, malgré tout son empressement ; poussant alors un cri : Mon fils, dit-elle, est mort simple catéchumène.

4. Augustin en était à ces paroles, lorsque de la chapelle de saint Étienne, le peuple se mit à crier : Grâces à Dieu ! Louanges au Christ ! Pendant que ce cri continuait, la jeune fille qui venait d’être guérie, fut conduite devant l’abside. Le peuple, à cette vue, fit éclater sa joie mêlée de larmes, et sans qu’il y eût aucunes paroles distinctes, mais seulement un bruit confus, il fit quelque temps encore entendre ses clameurs. Le silence rétabli : Il est écrit dans un psaume, dit l’évêque Augustin : « Je me disais : Je confesserai contre moi mon péché devant le Seigneur, et vous m’avez pardonné l’iniquité de mon cœur[2] ». – « Je me disais : Je confesserai » ; je n’ai pas confessé encore ; « Je me disais : Je confesserai, et vous m’avez pardonné ». J’ai recommandé à vos prières cette infortunée, ou plutôt cette ex-infortunée ; nous nous préparions à prier, et nous sommes exaucés. Que notre joie soit une action de grâces. L’Église notre mère a été plus tôt exaucée pour son bonheur, que cette mère de malédiction pour son malheur. Unis au Seigneur notre Dieu, etc.

  1. Sir. 3, 11.
  2. Psa. 31, 5.