Augustin Thierry d’après sa correspondance/04

A. Augustin-Thierry
Augustin Thierry d’après sa correspondance
Revue des Deux Mondes7e période, tome 7 (p. 174-206).
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AUGUSTIN THIERRY
D'APRÈS SA CORRESPONDANCE ET SES PAPIERS DE FAMILLE

IV [1]
LE CHEMIN DE GLOIRE ET DE MISÈRE


UN TRAVAIL DE BÉNÉDICTIN

Le passage Sainte-Marie, aujourd’hui remplacé par la rue Saint-Simon, avait été ouvert, en 1808, sur l’emplacement des jardins de l’hôtel de Chatillon et du couvent célèbre des Visitandines, fermé par la Révolution. Il dessinait un quadrilatère à peu près droit, se terminant en cul-de-sac à l’Ouest, mais débouchant des trois autres côtés sur les rues du Bac, de Grenelle et Saint-Dominique.

Cité plutôt que passage en dépit de son étiquette, c’était, à l’écart d’un quartier tranquille, une retraite plus paisible et plus discrète encore. Ses demeures, dont la plupart possédaient quelque bosquet, épave de l’ancien parc conventuel, abritaient volontiers des savants, des penseurs ou des artistes, épris de calme et de recueillement.

Sur les indications d’Arnold Scheffer, Mme Augustin Thierry, arrivée de Vesoul en fourrier, se rendit passage Sainte-Marie. Elle y visita au no 11, dans une maison à présent disparue, et loua au propriétaire, M. Valleray, pour le prix de quinze cents francs, un appartement de six pièces. Situé au rez-de-chaussée et formant une sorte de petit hôtel, ce logis offrait l’avantage d’éviter au paralytique la fatigue d’un escalier à gravir. De plus, il comportait la jouissance d’un jardinet, ombragé par quelques acacias où l’aveugle pourrait se donner l’illusion d’un peu d’espace et de grand air.

Avant de quitter la Haute-Saône, Augustin Thierry s’était mis en rapports avec les premiers collaborateurs qui lui avaient été désignés : MM. Emile Jollibois et Granier de Cassagnac. Suivant ses instructions, celui-ci était parti en tournée dans le Sud-Ouest de la France, afin de vérifier la situation des archives et le travail des correspondants recrutés par le ministère.

En même temps, il adressait au garde des sceaux Sauzet une requête pressante, afin d’obtenir le concours de la magistrature pour l’entreprise qu’il dirigeait, réclamant l’autorisation de faire procéder à des recherches dans les greffes des cours royales et des tribunaux civils.

Avec un zèle infatigable, il s’occupait personnellement à puiser toutes les sources possibles des pièces ou des renseignements utiles, sollicitant toutes les bonnes volontés, battant le rappel de ses amis et de ses relations. Dans ses brouillons de correspondance, les prières alternent avec les remerciements adressés à ceux qui lui ont procuré quelque document ; à Pardessus, qui lui envoie de Marseille le manuscrit du Livre des Plaids et de Justice ; à la Saussaye, qui explore les archives de Vendôme ; au juge de paix blésois Naudin, — un juge archéologue, — auquel il demande de fouiller les études notariales ; à Francisque Michel à Bordeaux. Il s’informe jusqu’en Allemagne, près de Lappenberg, l’historien hambourgeois.

A mesure que s’amoncelaient les cartulaires, la tâche à peine ébauchée se découvrait de plus en plus ce qu’elle était réellement : gigantesque. De longs mois s’écouleraient avant que fût terminé le travail de mise en ordre et de déblaiement préliminaire, ou même, — Guizot en était averti, — que pût être arrêté dans ses grandes lignes le plan général de la Collection.

Durant cette période d’enquêtes et de tâtonnements, il ne semble pas qu’Augustin Thierry ait songé tout d’abord à tirer parti des matériaux qu’il rassemblait pour écrire une histoire du Tiers-Etat. C’est ce qui résulte clairement d’une lettre adressée, le 11 mars 1836, à Mme Cattanéo, la mère du futur défenseur de Milan contre Radetzky :

« L’ouvrage que vous avez la bonté d’attendre ne sera pas une histoire du Tiers-Etat, je dois vous l’avouer franchement, au prix de cette attente si flatteuse pour moi. Ce sera un simple recueil des documents inédits de l’histoire du Tiers-Etat, recueil qui sera énorme, s’il s’achève, et où il n’y aura rien de moi, si ce n’est le plan et quelque préface. Cela sera amusant à lire comme la collection de Muratori ; ni plus, ni moins. »

A MM. Jollibois et Granier de Cassagnac étaient venus s’ajouter, sur désignation ministérielle, plusieurs de ces « jeunes gens instruits et laborieux « promis par la lettre de Guizot, chartistes et normaliens pour la plupart : MM. Delpit, Thomassy, Teulet, Bernhard, Guérard, Yanowski, érudite pépinière, que devaient compléter bientôt deux savants des plus distingués : MM. Félix Bourquetot et Charles Louandre.

Ils dépouillaient aux Archives, au dépôt des manuscrits de la Bibliothèque royale, les collections de Bréquigny, Dupuy, Leydet, etc., l’inventaire des chartes de Flandre et d’Artois, l’historien ayant décidé de porter ses premières recherches sur le Nord de la France, particulièrement sur la Picardie, et, dans cette province, sur la ville d’Amiens. En 1837, pour donner quelques chiffres, 2 287 pièces avaient été relevées par MM. Delpit, Thomassy et Teulet. Un an plus tard, l’examen des manuscrits de la Bibliothèque royale avait fourni 13 184 bulletins ; celui des Archives, 2 060.

On devine à quel immense labeur de sélection, de classement, de catalogue et d’accord donnait lieu l’amoncellement sans cesse accru de ces documents. Pourtant, ils n’arrivaient pas encore assez nombreux à son gré. Les correspondants de province témoignaient, dans leurs envois, d’une regrettable nonchalance. Sur cent vingt choisis à l’origine, à peine si quarante répondaient aux objurgations, aux appels réitérés qui leur étaient adressés. Surpris et mécontent, Augustin Thierry s’en plaint à plusieurs reprises dans ses lettres à Guizot, à Pelet de la Lozère, à Salvandy, à Villemain, à tous les ministres de l’instruction publique qui se succèdent de 1835 à 1840.

Les matériaux assemblés et confrontés. Il convoquait alors ses auxiliaires au passage Sainte-Marie, se faisant lire et relire brevets et cartulaires, rangés autour de lui comme les témoignages parlants du passé. Puis il en méditait, en rapprochait dans le silence les extraits gravés dans sa puissante mémoire, les fécondait lentement par la réflexion et dictait enfin sous une forme qu’il avait profondément travaillée en esprit, perfectionnée à plusieurs reprises et marquée du sceau de son style.

Le plan qu’il avait conçu à l’origine était véritablement colossal. Il embrassait dans une vaste synthèse quatre séries de collections distinctes : 1° Etat des personnes roturières, soit de condition serve, soit de condition libre ; 2° l’état de Ia bourgeoisie considérée dans ses diverses corporations ; 3° ancien état des villes, bourgs et paroisses de France ; 4° rôle du Tiers-Etat dans les assemblées d’états généraux ou provinciaux.

Tâche démesurée, hors de proportion avec les forces humaines, celles surtout d’un infirme toujours près de défaillir. Aussi, dans un rapport officiel à Guizot, en date du 10 mars 1837, l’éditeur reculait-il devant son immensité et, tout en reportant sur l’historien de la Civilisation française l’honneur de lui avoir inspiré sa méthode et ses divisions, avouait-il ne plus songer qu’à la seconde et à la troisième partie du recueil, écartant la quatrième et ajournant la première qui devait faire l’objet d’un supplément spécial.

Sans se dissimuler les difficultés de l’entreprise, Thierry jugeait d’abord la pouvoir mener à bonne fin en deux ans. C’est le délai qu’il s’assigne dans une lettre à Salvandy. Mais pour réduit qu’il soit, le plan de la Collection n’en comporte pas moins encore de longs développements qui entraînent de minutieuses recherches, d’inévitables lenteurs d’exécution. En 1839, en 1840, son auteur se voit obligé de réclamer de nouveaux délais à Cousin et à Villemain. Ce n’est qu’à partir de 1845, en des communications à l’Institut et au comité des Travaux historiques, qu’il va pouvoir commencer d’élever le monument, qu’il a rêvé d’édifier à la bourgeoisie française, pour la glorification des classes laborieuses, des déshérités de la naissance et du privilège, des premiers berceaux de la liberté et de la démocratie.

Un deuil cruel avait attristé pour Augustin Thierry les débuts de ce grand travail. Son père était mort à Blois, le 15 août 1836. L’écrivain ressentit profondément cette perte. Son chagrin éclate douloureusement dans cette lettre à son frère, que je reproduis ici malgré son caractère intime, pour la lumière qu’elle projette sur l’évolution qui commence alors de s’accomplir en sa pensée, marquant le début d’un retour progressif vers les croyances et la foi de ses jeunes années.


Rosny-sous-Bois, le 17 août 1836, 7 h. du soir.

« Mon cher frère,

« L’affreuse nouvelle est arrivée. Elle me brise jusqu’au fond de l’âme. Julie m’a soutenu ; elle pleure avec moi celui qu’elle appelait comme nous son père. Depuis deux jours, elle me cachait les lettres de Blois et portait seule tout le poids de notre malheur. Ceux qui nous ont le plus aimés sont morts, et de tant d’affection pour nous, de tant de dévouement, de tant de vertus, il ne reste qu’un souvenir.

« Croyons que tout n’est pas fini avec cette vie et qu’il y a un lieu de réunion où les pères attendent leurs fils. Croyons-le, toi et moi, nous nous sommes trop détachés de ces idées.

« Ma sœur n’est pas venue à Blois. Remercions Dieu de ce qu’il t’a inspiré la résolution de faire le voyage, au moment où celui que nous regrettons pouvait reconnaître et embrasser son fils. Mon malheur est plus grand que le tien. Je n’ai pas entendu sa voix et je n’ai pas touché sa main. Je n’ai pour me consoler que la mémoire de son admirable vie, de cette vie de sacrifice, où pas une pensée n’était pour lui. J’aurais voulu que ma pauvre Julie pût le connaître. Elle sent tout ce qu’il y avait de grand dans cette âme si modeste et si forte. Elle m’en parle d’une manière digne et pénétrée qui est le langage le plus capable de me calmer. Ton aveugle souffre bien dans de pareilles épreuves. Il ne voit que ses idées et ses idées le brûlent. Tu as plus de force que moi, tu lutteras mieux contre la douleur. Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur. Je suis accablé. »


Cette affliction si touchante fut longue à se calmer. En novembre. Mme Augustin Thierry écrivait encore à son beau-frère : « Augustin est toujours fort triste. Il essaie de se remettre au travail, mais ses idées ne sont plus avec le Tiers-Etat ni les Mérovingiens, elles sont toutes à des souvenirs d’anciennes scènes de famille et à des regrets que le temps seul adoucira. »

Cependant, les rudes et difficiles travaux de la Collection du Tiers-État, véritable toile de Pénélope qu’il fallait rentraire et raccoutrer sans cesse n’absorbaient pas seuls l’activité laborieuse de l’historien. Durant ces années 1835 et 1836, on le voit continuer à peu près régulièrement, de six mois en six mois, dans la Revue des Deux Mondes la publication de ses Nouvelles Lettres sur l’ Histoire de France. Successivement avaient ainsi paru la quatrième, la cinquième et la sixième ; l’histoire de Prætextat, celle de Leudaste, comte de Tours, et celle du juif Priscus. On a dit tout le succès qui les avait accueillies. Toutefois, dans ce concert d’éloges, quelques voix avaient détonné. Certaines, incriminant le tour anecdotique et pittoresque donné à ces récits, avaient paru suspecter leur valeur scientifique, insinué qu’elles n’étaient au fond que de « charmantes historiettes «  sur les Mérovingiens.

Or, nul reproche ne pouvait plus sensiblement atteindre leur auteur. S’il s’appliquait à rendre attrayante la reconstitution du passé, sous la profonde connaissance des faits particuliers, il prétendait en même temps à l’intelligence supérieure de l’ensemble. Dans ces Nouvelles Lettres sur l’Histoire de France, dont il décida de modifier dès lors le titre en celui de Récits des Temps Mérovingiens, il avait cherché à mettre en relief, par une suite de tableaux épisodiques, les types variés de la société gallo-franque, à faire revivre et se mouvoir des individualités caractéristiques, mais effacées, perdues dans les grandes masses de l’histoire. Il résolut donc, pour justifier le point de vue auquel il s’était placé pour présenter le VIe siècle et pour mettre le dernier sceau à sa grande entreprise de réforme historique, de reprendre ses anciennes études, pour les compléter et les amender tour à tour. Exposant les systèmes historiques qui s’étaient succédé depuis trois siècles, tantôt blâmant et tantôt approuvant, faisant la part de ses propres erreurs, il signalerait à l’ardeur et au travail des jeunes générations, certains points demeurés obscurs de notre histoire nationale et tracerait l’édifice d’une vaste histoire de France, léguant à l’avenir l’exécution de cette idée.

Tel fut l’objet des Considérations sur l’Histoire de France, où pour la première fois Augustin Thierry expose en système ses théories sur les races et l’origine du Tiers-Etat et dans lesquelles l’extension donnée à l’historique du régime municipal, annonce également ses travaux ultérieurs.

Lorsqu’elles parurent ici-même [2], on s’aperçut d’un changement profond dans la manière de l’écrivain. Cette lumineuse intelligence s’était encore élevée. L’ardent, polémiste de 1821, l’éloquent historien de 1825 et 1827, le narrateur pittoresque de récits héroïques a fait place à un dialecticien qui envisage désormais l’histoire sans passion. Les derniers chapitres frappèrent par leur sérénité. Explicable apaisement ; puisqu’à ses yeux la révolution de 1830 et la victoire du droit national sont l’aboutissement bienheureux et logique, la fin nécessaire des traditions françaises ; qu’est-il besoin de batailler à nouveau, pourquoi lutter encore pour cette bourgeoisie si longtemps opprimée, aujourd’hui qu’elle est triomphante, plaider la cause des vaincus à présent qu’ils sont devenus les vainqueurs ?

Déterminé, bien qu’elles en dépassassent sensiblement le cadre, à donner les Considérations sur l’Histoire de France comme introduction aux Récits des Temps Mérovingiens, Augustin Thierry, pour acquitter un juste tribut de reconnaissance, voulut dédier au Duc d’Orléans ce livre, le dernier dans sa pensée, qu’il lui fût peut-être permis d’achever. Il fit demander l’agrément du prince par son secrétaire des commandements, M. de Boismilon, et reçut en retour la plus flatteuse réponse.

C’est donc, en quelque sorte, sous le patronage officiel de l’héritier du trône que les Récits des Temps Mérovingiens parurent chez l’éditeur Just Tessier, au mois de mars 1840.

De tous les ouvrages d’Augustin Thierry, ils sont demeurés le plus célèbre et le plus répandu. Les contemporains, Sainte-Beuve, Sylvestre de Sacy, Gustave Planche, Dufaï, Libri, Hippolyte Lucas, s’accordèrent à célébrer la plume « pour qui toute composition historique était un travail d’art autant que d’érudition » et, ne séparant pas l’historien du peintre et du poète, louangèrent sans réserves l’évocateur incomparable « qui s’était rendu le contemporain des temps qu’il prétendait faire revivre à nos yeux. » On ne s’avisa point alors de lui reprocher d’avoir outrepassé les limites du roman et de l’histoire, ni d’enjoliver Grégoire de Tours.

Dans la copieuse liasse des témoignages admiratifs de toute sorte qui parvinrent au passage Sainte-Marie et que Mme Augustin Thierry conservait avec un soin dévot, parmi ceux de Jouy, de Jules Janin, de Ch. de Rémusat, de Louis de Carné, de Nisard, de Magnin, de Paul Lacroix, etc., je ne m’arrêterai qu’au suivant pour la grande signature qu’il porte.


« Londres, 31 mai 1840 [3].

« Mon cher ami,

« Je n’ai pas voulu vous écrire avant de vous avoir lu. Et c’est une affaire de placer, dans la vie que je mène, la lecture de deux volumes, quelque plaisir qu’on y prenne. Nulle part le vice de la civilisation moderne n’est plus apparent que dans ce pays-ci ; on est toujours pressé ; on n’a de temps pour rien ; on entasse les affaires sur les affaires, les plaisirs sur les plaisirs ; tout se fait à la course et dans la foule. Il faut, pour suffire à ce mouvement, des facultés bien grandes et fortes, et c’est une pitié de voir les plus grandes facultés contraintes de se déployer au milieu d’un tiraillement continuel et avec une précipitation qui leur enlève beaucoup de leur grandeur, car elle ne leur permet rien de complet ni d’achevé.

« J’ai, comme vous, passé bien des années à contempler, du fond de mon cabinet, la majestueuse monotonie de la vie des cloîtres. Voilà dix ans que je suis plongé dans le tumulte des tribunes et le brouhaha des bazars. Quel contraste, si on avait le temps d’y songer !

« Je vous ai lu enfin et avec délices, la critique comme le drame, les jugements comme les récits. Vous avez l’imagination et la raison également vraies. C’est bien rare. Je regrette beaucoup de n’avoir pas voté pour vous à l’Académie [4] pour mon plaisir, et aussi pour le plaisir d’entendre Viennet parler de vous et de Clovis. Ne disait-on pas le fier Arbogaste et croyez-vous qu’Arbogaste fût plus fier que Viennet ? J’ai tort de rire de lui, car je l’aime assez : c’est un honnête homme courageux. Je lui passe tout, même de vous avoir attaqué. J’espère qu’il m’a un peu attaqué aussi.

« J’ai prêté vos deux volumes à un homme d’esprit, grand ami de nous et de nos travaux, sir Francis Palgrave qui veut en parler dans l’Edinburgh Review. Vous devriez bien me faire envoyer un exemplaire complet de vos rapports, (je crois qu’il y en a deux ou trois), sur la collection des origines du Tiers-Etat. Je ne les ai pas ici et sir Francis Palgrave me les demande.

« Dites, je vous prie, de ma part à Amédée que j’ai bien reçu sa lettre, mais non pas son volume. Je ne sais à qui il l’a remis, mais je ne l’ai pas. Je ne veux lui répondre, comme à vous, qu’après l’avoir lu. J’en suis très curieux. Je crois l’histoire de la Gaule romaine à peu près inconnue.

« Adieu, mon cher ami. Mes respects, je vous prie, à Mme Thierry. Gardez-moi l’un et l’autre votre bon souvenir. J’y ai droit, car tenez pour certain qu’il n’y a pas de mémoire plus fidèle que la mienne. Rien n’y fait, ni l’absence, ni le temps, ni le silence. Adieu, tout à vous.

« GUIZOT. »


Bientôt, les Récits des Temps Mérovingiens allaient recevoir la plus haute consécration qu’il fût possible à l’Institut d’accorder à un ouvrage historique. Le 13 mai 1840, l’Académie française leur décernait le grand prix Gobert, comme au « morceau le plus éloquent d’histoire de France, » et proclamation solennelle de cette récompense était faite le 11 juin suivant dans la séance publique des cinq académies. Malgré la résistance de Viennet, fidèle à son esthétique périmée et scandalisé de trouver Hilpérik et Mérowig si différents de son Clovis, Mignet, au cours des échanges de vues préliminaires, avait surmonté toutes les hésitations.

Dans une lettre qu’il lui adresse quelques jours avant le vote, Augustin Thierry, remercie avec effusion son ami de cette intervention :


« Paris, 17 avril 1840.

« Mon cher Mignet,

« Je sais tout ce que vous avez été pour moi ; j’en suis vivement touché et je vous en aimerais davantage, si la chose était possible. Votre admirable intelligence des questions historiques et des conditions de l’histoire a gouverné tout le débat ; c’est elle qui a fixé le point de la question et rallié à quelque chose de ferme et de précis des idées vagues et des opinions divergentes. J’étais informé de tout cela presque jour par jour ; bien des fois j’ai été tenté de vous écrire, mais j’ai craint, en remerciant l’ami, de blesser la conscience du juge. Maintenant, je puis vous dire tout ce que j’ai dans le cœur, et je voudrais que ce fût de vive voix ; on ne s’exprime bien que comme cela. Hier l’envie m’a pris de me faire mener en voiture à votre porte, mais j’ai réfléchi que c’était un enfantillage dont il ne pouvait résulter que la remise d’une carte cornée J’ai un grand désir d’entendre cette parole à laquelle je dois tant, j’ai à recueillir votre jugement sur mes deux volumes et vos conseils pour l’avenir. Je partirai à la campagne à la fin du mois, j’irai m’établir à Bellevue, dans la maison que vous avez visitée en passant l’année dernière et où se conserve le souvenir de cette visite. Pourquoi ne viendriez-vous pas cette année faire votre campement d’été sur la colline où l’air est si vif et d’où la vue plonge si loin ? Le bonheur d’être votre voisin et de causer avec vous serait pour moi le couronnement du succès auquel votre amitié a si franchement et si largement contribué. « Tout à vous de cœur et pour toujours. »


Le suffrage des écrivains et des lettrés, non moins que l’opinion publique, ratifia le jugement de l’illustre compagnie. Chateaubriand, qui avait appuyé le lauréat de sa haute influence et s’était dérangé tout exprès pour voter, répondit à ses remerciements : « Je n’ai fait que soutenir la couronne que l’on posait sur votre tête. » On a lu la lettre de Guizot ; pour Nisard, l’Académie « réparait « l’élection de Flourens [5] : Jouy, Magnin, Libri, luttèrent de félicitations et d’éloges, et Sainte-Beuve écrivait :

« Je ne veux pas tarder plus longtemps à vous dire, monsieur, que personne n’applaudit plus vivement que moi au grand acte de justice que vient de faire l’Académie française, en couronnant en vous, ce qui est si rare, l’alliance de la plus admirable sagacité historique et de la forme la plus simplement et la plus fermement éloquente. Jamais décision de corps savant n’a aussi bien répondu à l’attente générale et à la conscience publique. »

Cet « acte de justice, » par une distinction unique dans l’histoire des lettres françaises, l’Académie devait le continuer durant quinze années, maintenant le prix à Augustin Thierry jusqu’à sa mort et justifiant ainsi l’expression de fief littéraire dont s’était servi Villemain pour en marquer le singulier caractère et pour en rehausser l’éclat [6].


LE « SALON VERT »


Les années qui s’écoulent ainsi de 1835 à 1842 marquent pour Augustin Thierry l’apogée de la réputation et de la gloire. Ce sont les meilleures et les plus belles de sa vie. Fauriel, Chateaubriand lui-même s’inspirent de ses écrits ; avide de recueillir ses enseignements, de mettre à profit ses conseils, toute une ardente et jeune génération d’érudits, les Louandre, les Lalanne, les Bourquelot, les Tiby s’empresse d’appliquer sa méthode. Nul historien n’a encore exercé en France une influence si profonde et si durable. Le respect universel l’environne, qu’accroit encore le prestige du malheur. Sur sa tête les honneurs s’accumulent [7].

Sa santé même s’était améliorée. La cécité comme la paralysie des jambes restaient incurables, mais les douleurs nerveuses lui laissaient parfois quelque répit [8].

Pour sauvegarder sa fragile existence, il fallait à ce malade un train de vie minutieusement ordonné.

Augustin Thierry se levait tôt, avant huit heures et dictait jusqu’à son déjeuner qu’il prenait à dix. De onze à deux heures, trois fois la semaine, il recevait ses collaborateurs pour apprécier le résultat de leurs découvertes et leur donner ses directions, il dinait à trois heures, se remettait au travail jusqu’au soir et de neuf à onze, après un souper léger, accueillait les visiteurs qui se présentaient au passage Sainte-Marie.

L’été, cette règle quasi-bénédictine supportait des adoucissements. Tous les ans, les beaux jours arrivés, l’historien allait s’établir aux environs de Paris. Installation modeste dans quelque pavillon meublé, à laquelle il ne demandait qu’un jardin spacieux et le voisinage des bois. De 1836 à 4843, on le voit ainsi successivement séjourner à Rosny, a Versailles, où le bibliothécaire du château, M. Vallery, lui a trouvé un logement dans le parc, à Ville-d’Avray, chez Villemain, à Montmorency, à Bellevue, à Grosbois, à Choisy-le-Roi enfin.

Pour le paralytique, c’étaient alors d’heureuses promenades en voiture sous le dôme des hautes futaies frissonnantes. Ses yeux morts n’en pouvaient plus apercevoir la beauté rajeunie, mais leurs parfums, leurs murmures, le pépiement des oiseaux sur les branches, la chanson du vent dans les feuilles réjouissaient son cœur.

Plus souvent encore, c’étaient de longues et pensives stations au grand air, dans la douceur limpide des matins ou l’apaisement embrasé des soirs : l’Histoire du Tiers-État est née de ces méditations créatrices.

On s’est souvent demandé comment Augustin Thierry, aveugle si jeune, avait pu continuer ses recherches et pour suivre son œuvre.

Sur la façon dont il travaillait, les procédés qu’il avait dû adopter, dans l’obligation de lire et de se renseigner par les regards d’autrui, nous possédons un témoignage irrécusable : le sien. Je le trouve dans la lettre suivante adressée à William Prescott, l’historien américain, lui-même menacé par la cécité, qui réclamait ses conseils :


« Vous me demandez, monsieur, si la nécessité, mère de toute industrie, ne m’a pas suggéré quelque méthode particulière qui atténue pour moi les difficultés du travail d’aveugle. Je suis forcé d’avouer que je n’ai rien d’intéressant à vous dire.

« Ma façon de travailler est la même qu’au temps où j’avais l’usage de mes yeux, si ce n’est que je dicte et me fais lire. Je me fais lire tous les matériaux que j’emploie, car je ne m’en rapporte qu’à moi-même pour l’exactitude des recherches et le choix des notes. Il résulte de là une certaine perte de temps : le travail est long, mais voilà tout ; je marche lentement, mais je marche. Il n’y a qu’un moment difficile, c’est le passage subit de l’écriture manuelle à la dictée. Quand une fois ce point est gagné, on ne trouve plus de véritables épines. Peut-être, monsieur, avez-vous déjà l’habitude de dicter parfois à un secrétaire ; si cela est, mettez-vous à le faire exclusivement et ne vous inquiétez pas du reste. En quelques semaines, vous deviendrez ce que je suis moi-même, aussi calme, aussi présent d’esprit pour tous les détails du style, que si je travaillais avec mes yeux, la plume à la main. »

Aux champs comme à la ville, l’auteur des Récits des Temps Mérovingiens vivait avec sa femme dans la plus étroite intimité de cœur et d’esprit.

Un témoin de leur vie commune [9] l’a constaté. » Elle était à la fois son œil pour lire et sa main pour écrire : nuit et jour elle épiait ses maux et ses inspirations pour calmer les uns et recueillir les autres. » L’éloge, en dépit de calomnies trop faciles, n’a rien de complaisant ni d’excessif. Julie de Quérangal avait noblement accepté sa mission ; elle en remplissait généreusement les obligations austères. Tirant de ses origines bretonnes un penchant au mysticisme, profondément religieuse par surcroît, elle se consacrait tout entière au rôle qu’elle avait choisi d’être l’ange gardien, la providence d’une âme d’élite emprisonnée dans un corps souffrant. Garde-malade, elle prodiguait sans lassitude à l’infirme les soins les plus diligents ; compagne d’un écrivain illustre, elle s’employait de tout son effort à le seconder.

En retour, l’historien vouait à celle qu’il avait baptisée son « Antigone » une affection sans bornes. Les marques de sa tendresse et de sa reconnaissance se rencontrent à chaque instant dans sa correspondance intime. Elle est sa « force, » sa « consolation, » tout son « bien en ce monde, » l’ « intérêt vivant de sa pensée [10]. »

C’est qu’en effet Mme Augustin Thierry ne se contentait pas seulement d’être pour son mari la plus vigilante et la mieux attentionnée des compagnes. Créatrice de bonheur, elle avait su animer sa solitude et transformer sa vie. Depuis dix ans qu’un mal implacable l’avait terrassé et durant sa retraite en province, le vide, malgré sa gloire, s’était lentement fait autour de l’aveugle. L’absence refroidit les plus chers attachements et les relations meurent qui cessent d’être entretenues. Exilé du monde par la cécité, immobilisé par la paralysie, incapable le plus souvent de se faire porter jusqu’à l’Institut, que pouvait essayer l’infirme pour lutter contre cet abandon ? Il en avait souffert à la fois dans son légitime orgueil et dans ses plus tenaces illusions d’amitié. Si la résignation l’avait à la longue emporté, ce n’était pas du moins sans amertume, ni sans mélancolie.

A peine installée à Paris, Julie de Quérangal se préoccupa de renouer le faisceau rompu des liaisons anciennes et d’en former de nouvelles, parmi les savants et les écrivains, que pouvait attirer la réputation de son mari.

Elle y réussit aisément. L’appartement du passage Sainte-Marie devint bientôt le centre des réunions les plus attrayantes.

Chaque mercredi, le « salon vert « accueillait des hôtes de choix. Bien modeste cependant ce salon, et tel qu’en rougirait aujourd’hui le moindre gribouilleur. Il tirait son nom d’un meuble empire recouvert en lampas. Sur la cheminée, une pendule en marbre Campan, supportant une Clio couronnée de lauriers, pinçant de la cithare. Aux murs, quelques bonnes gravures de Calamatta, d’après Ary Scheffer : Françoise de Rimini ; Faust et Marguerite et deux grands portraits se faisant face : celui du maître du logis par Henry Scheffer, belle toile de composition romantique, l’un des succès du salon de 1839, pour lequel Augustin Thierry avait pu donner quelques séances à l’artiste dans son atelier de la rue Notre-Dame de Lorette et celui de l’amiral de Quérangal, sans l’ancien uniforme rouge et bleu des officiers de la marine royale, poudré à frimas, le porte-voix à la main, sur le pont de sa frégate.

Les invités n’étaient jamais bien nombreux, une douzaine au plus, mais tous d’éminente qualité. Sur les listes, je relève les noms de Michelet, Villemain, Victor Cousin, Henri Martin, Mignet, Désiré Nisard, Félix Ravaisson, Patin, Auguste Trognon, les frères Scheffer, Alfred Nettement, Magnin, J.-J. Ampère, Fauriel, Guigniaut, Ludovic Lalanne, Ozanam, H. Fortoul, Egger, Letronne, Monselet, Géruzez, J.-V. Leclerc.

Parmi les femmes, Mme Villemain mère, Cornélie Scheffer, H. Martin, D. Nisard, Ancelot, Mélanie Waldor et la plus assidue d’elles toutes, la bellissima principessa milanese, l’apôtre du Risorgimento, la lionne de tous les lions, tout à la fois conspiratrice, femme de lettres et fastueuse mondaine : la princesse Belgiojoso.

Depuis leur rencontre à Carqueiranne, Augustin Thierry était resté en rapports avec la belle enthousiaste. Revenue en France pour servir la cause italienne, elle aurait voulu gagner l’appui du gouvernement de Louis-Philippe, convertir Guizot à ses projets. Sur sa demande, l’historien était intervenu auprès de Mme Guizot, la priant de lui ménager un entretien avec son mari. La réputation tapageuse de la femme avait contrarié les intentions de la patriote, fait échouer cette démarche obligeante.

N’ayant pu jouer le grand rôle auquel elle aspire, rentrée en possession de ses biens un moment confisqués par l’Autriche, l’astutissima se contente à présent de recevoir, à grand fracas, en son hôtel, rue Neuve-Saint-Honoré, la fleur du dandysme, de la littérature et des arts. Cependant, elle quitte volontiers son oratoire gothique, sa salle à manger pompéienne, les splendeurs de sa chambre à coucher bleu et argent, même la cour d’amour empressée à lui plaire : Mignet, Bellini, Liszt, Henri Heine, Musset... Mignet surtout, pour venir « entendre causer « au passage Sainte-Marie.

J’ai déjà dit quel magicien de la parole était Augustin Thierry. Comme il avait autrefois ébloui les hôtes de Carqueiranne, il émerveilla Louis de Loménie, au cours d’une rencontre à Montmorency. Je ne puis mieux faire que de citer ici l’auteur de la Galerie des Contemporains illustres par un homme de rien :

« J’ai entendu beaucoup de gens qui ont la réputation de bien parler et qui parlent bien, mais je n’ai peut-être rien entendu qui égalât en facilité, en netteté, en élégance, l’élocution de M. Augustin Thierry ; c’est sans doute l’habitude de la dictée qui lui a donné cette conversation qui ressemble à du style ; toujours est-il qu’on peut dire de lui, en se servant d’une comparaison très connue, que sans effort aucun, sans prétention aucune, il par le réellement comme un livre. »

Quand ses partenaires étaient les hommes dont je rappelais les noms tout à l’heure, on voit à quels sommets pouvait atteindre la conversation.

Ces causeries sans égales étaient coupées d’intermèdes musicaux. Liszt, amené par la princesse Belgiojoso, s’emparait du piano ; Pauline Garcia, l’inoubliable Rosine, toute nouvellement mariée à Louis Viardot, que l’historien avait connu au Globe, égrenait de sa voix enchanteresse quelque mélodie de Mozart, pour lequel Augustin Thierry professait un véritable culte.

Parfois encore, les habitués du u salon vert « se voyaient conviés à quelque savoureux régal littéraire. Au mois de mai 1841, » l’Homère des prolétaires, » ainsi que l’avait qualifié Lamartine, Jasmin, le perruquier-poète agenais, l’un des rénovateurs des lettres méridionales, qui faisait alors courir tout Paris, accepta de venir réciter passage Sainte-Marie l’une de ses élégies les plus fameuses : l’Aveugle de Castel-Culier [11].

Cette réception fut, pour la circonstance, entourée de quelque solennité. Aux commensaux ordinaires vinrent s’ajouter Ballanche, Sainte-Beuve, Féletz, Gustave Planche, le baron de Barante, M. et Mme Buloz, Félix Bonnaire, Dupaty, Jouy, Eugène Burnouf. Augustin Thierry prit la peine de convoquer chacun de ses hôtes par une lettre pressante, insistant sur la personne et l’originalité du troubadour gascon.

Mais quelle attraction plus captivante encore et plus rare de pouvoir entendre quelque chapitre inédit des Mémoires d’Outre-Tombe ! On sait l’intense curiosité provoquée dans tous les milieux par l’annonce des confessions retentissantes où Chateaubriand, sous prétexte d’étaler son âme, déshabille celle de ses contemporains, par lui composée, de son propre aveu, avec « une prédilection toute paternelle » et que dès 1831, l’on proclamait déjà devoir être scandaleuse. La publication par la Revue d’un fragment étendu n’avait fait qu’exciter davantage l’impatience générale. De plus, en dépit du secret qui les entourait, des indiscrétions avaient filtré au sujet des lectures faites à l’Abbaye-au-Bois, devant un petit cercle de privilégiés, et les racontars allaient leur train autour de ces révélations plus ou moins authentiques.

Or, M. de Chateaubriand, si distant à l’ordinaire et hautain, ne dédaignait point, par exception flatteuse, de se rendre, à l’occasion, passage Sainte-Marie et d’entr’ouvrir pour Augustin Thierry ses manuscrits énigmatiques.

Ces soirs-là, quittant sa maison de la rue d’Enfer, il arrivait de bonne heure, accompagné de Mme Récamier et de J.-J. Ampère. Celui-ci sortait les précieux cahiers du foulard de soie cramoisie qui les enveloppait et la passionnante lecture se déroulait devant un auditoire intime, choisi et désigné à l’avance.

C’était là faveur insigne accordée par le père magnifique d’Atala à celui qui l’avait salué comme son inspirateur et son maître dans la préface des Temps mérovingiens ; on doit aussi l’accepter pour sincère, car Augustin Thierry est l’un des trop rares élus qu’il épargne dans ce pamphlet éloquent et redoutable que sont les Mémoires d’Outre-Tombe.

Ecrivain glorieux, consacré par l’admiration universelle, en faveur près de l’héritier du trône, intime de Villemain et de Cousin, hautement apprécié de Guizot et de Salvandy, Augustin Thierry se voyait naturellement assiégé de sollicitations sans nombre. Elles émanaient, pour la plupart, d’anciens camarades de l’Ecole Normale ou de condisciples malchanceux du collège de Blois. A toutes, il réservait un accueil indulgent. Durant dix années et davantage, on le voit faire office, pour tous ces quémandeurs, d’un véritable bureau de placement.

Cependant, sa plus chère sollicitude va toujours à sa femme. On connaît les ambitions littéraires de Mme Augustin Thierry. Sa mauvaise santé l’obligea bientôt d’y renoncer : de cruelles névralgies lui interdisaient toute application soutenue. Mais au début de leur union, son mari ne cessa point de l’encourager, s’employant de son mieux à servir ses projets.

Quand elle a terminé son roman d’Adélaïde, il intervient auprès de Buloz pour le faire accepter par la Revue et veut assurer en personne la correction des épreuves. Lorsque le livre parait en librairie chez Tessier, il insiste auprès de l’éditeur afin qu’il ne ménage rien qui puisse assurer le succès : « Je tiens plus, je le répète, à une complète publicité pour les ouvrages de Mme Thierry que pour mes propres ouvrages, » et prend la peine de rédiger lui-même les papillons de lancement.

Travaux absorbants et difficiles, correspondance officielle ou privée considérable, démarches multiples, révision de son œuvre, dont paraissent successivement de 1838 à 1840, la 5e édition de l’ Histoire de la Conquête, la 6e des Lettres sur l’Histoire de France, la 3e de Dix ans d’Études : on demeure stupéfait de l’activité déployée par ce paralytique.

Elle ne l’empêche point de rester le témoin attentif des événements politiques de son temps, le juge réfléchi de l’évolution des idées qui s’accomplit en France et en Europe.

Lorsqu’au mois de mars 1840, Thiers prend le pouvoir en des conjonctures malaisées, provoquées à l’intérieur par l’agitation républicaine grandissante, à l’extérieur par la politique orientale de Palmerston, Augustin Thierry signale à George Ticknor, l’érudit américain autrefois rencontré chez La Fayette, les difficultés de la situation, voulant toutefois se montrer rassuré par l’énergie du président du conseil et sa dextérité.


« Mon cher monsieur,

« J’ai été bien touché de recevoir une lettre de vous et d’apprendre, que si loin de moi, vous vous rappelez encore nos causeries sur les choses et sur les hommes. Si je pouvais renouer nos conversations d’autrefois, je ne vous parlerais plus de la question du Canada morte aujourd’hui, mais de l’avenir littéraire des Etats-Unis qui semblent vouloir prendre sur ce point, comme en tout le reste, leur revanche sur la vieille Angleterre.

« J’ai dit à votre ami, M. Prescott, tout le plaisir que m’a fait son livre [12]. C’est un ouvrage étudié à fond sur les sources et parfaitement composé ; il y a là autant de talent et de style et plus de liberté que chez les meilleurs historiens anglais.

« Si vous lisez nos journaux, vous devez être grandement surpris de les trouver tous ministériels, l’année dernière ; il n’y en avait pas un seul qui le fût. Je crois que, malgré nos airs d’hommes libres et le bruit de paroles que nous faisons quand il s’agit de la liberté, notre prédilection d’instinct est pour la dictature exercée par un homme qui a réussi à nous donner une haute idée de son talent.

« Je n’ai jamais vu l’opinion publique aussi calme et jamais peut-être la situation n’a été plus glissante. Tout le ministère, ou plutôt tout le gouvernement de la France est dans un seul homme, car cette fois le Roi s’efface et laisse faire. M. Thiers porte un poids immense sur le terrain le moins sûr avec une merveilleuse facilité. Il n’a rien perdu de son adresse de mouvements, de son bon sens pratique, de sa parfaite lucidité d’esprit et de paroles. Il y a de grandes chances pour que sa position se consolide et qu’il soit dispensé de recourir à l’expédient périlleux d’une dissolution des Chambres.

« Mme de Circourt est toujours belle, gracieuse, spirituelle et très mondaine ; son mari est toujours le même causeur aimable et solide, prêt sur toutes les questions, étonnant d’à-propos et de clairvoyance. Nous parlons souvent de vous, cher monsieur, et nous espérons que l’envie vous viendra quelque jour d’essayer les paquebots à vapeur qui vont diminuer de moitié la largeur de l’océan.

« Présentez, je vous prie, à Mme Ticknor l’hommage de mes très humbles respects et agréez l’assurance de ma haute estime et de mon sincère attachement. »

En réalité, il ne s’illusionne guère. La désaffection croissante qu’il constate à l’égard du régime cher à son cœur excite son inquiétude. Ses appréhensions se trahissent dans un billet adressé à Villemain à l’occasion de sa rentrée au ministère de l’Instruction publique :


« Mon cher ami,

« Tu viens de faire pour la seconde fois acte de dévouement patriotique. Je t’en félicite et j’espère que Dieu sera en aide à la France et à vous. Je vous compare à ce Hollandais qui, voyant une digue rompue, s’assit sur la brèche et fit rempart de son corps, jusqu’à ce que les secours fussent prêts.

« Si j’étais encore bon à quelque chose, je me mettrais à votre service, mais des vœux sincères, une sympathie de cœur et d’opinions, hélas ! voilà tout ce que je puis offrir. « Adieu, mon bon ami, je fais des vœux pour que tu portes égèrement le poids du jour ; la tâche sera rude, mais il y aura de la gloire pour la noble résolution. Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur. »

Avec Marc d’Espine, il se montre plus alarmé encore. L’instant est en effet critique : nous sommes au lendemain du Traité de Londres qui manqua d’entraîner la France dans une guerre contre l’Angleterre, la Prusse, la Russie et l’Autriche :

« Mon cher ami, pardonnez-moi le retard que j’ai mis à vous répondre. L’été de cette année a été rempli pour moi de traverses et de chagrins de tous genres : c’est la compensation du prix Gobert. Je suis parti pour la campagne au milieu de juin, fort triste parce que j’étais inquiet de la santé de ma femme. A peine était-elle mieux que son père, l’amiral de Quérangal, est tombé malade à Paris. Pendant les mois de juillet et d’août, ma pauvre femme s’est rendue à Paris presque chaque jour ! elle a soigné son père, hélas ! bien inutilement et elle a rempli jusqu’au bout, avec un courage admirable, de tristes devoirs, dans lesquels je ne pouvais l’assister [13]. Toutes ces épreuves m’ont remué de la manière la plus forte et m’ont laissé, quand j’espérais retrouver le calme, des accès de malaise nerveux qui me tourmentent fréquemment et sont quelquefois intolérables. Le seul remède à tout cela serait le repos d’esprit, mais l’état des affaires publiques ne le permet guère. Depuis quatre mois, nous marchons de périls en périls. Ils s’accumulent et se pressent de telle sorte que jamais rien de semblable ne s’est vu. Trois hommes viennent de faire un grand acte de dévouement patriotique : MM. Guizot, Villemain et Duchâtel. Que Dieu leur soit en aide à eux et à la France ! Au milieu des événements qui menacent de bouleverser l’Europe, votre Suisse enveloppée dans sa neutralité sera le dernier refuge de la paix. Je vous en félicite et je vous porte envie.

« Adieu, mon cher ami, embrassez pour moi votre père avec lequel je me trouve aujourd’hui en parfaite harmonie de sentiments, ce qui me donne du remords de nos anciennes disputes, présentez à madame votre mère et à miss Mary l’hommage de mes plus tendres respects et croyez que je vous aime de tout mon cœur. »

Dans les dernières lettres que je viens de transcrire, on a pu voir à diverses reprises Augustin Thierry, tout secoué d’angoisses patriotiques, faire appel à la miséricorde divine en faveur de la France. Ce n’est point là seulement pur effet de style : non, celle invocation est sincère. Il s’accomplit en effet dans son âme un lent travail de retour à la foi de son enfance. L’évolution encore presque insensible n’en est pas moins certaine et nous avons vu s’en manifester les premiers symptômes après la mort de son père. Le temps n’est plus, — il le reconnaît lui-même, — où son indifférentisme scandalisait l’honnête M. d’Espine. Grâce à l’éducation familiale, très attaché dans sa première jeunesse aux pratiques du catholicisme, il a bien pu s’en détacher par la suite, mais spiritualiste fervent, intus et in cute, sans jamais devenir anti-religieux. L’athéisme de d’Holbach ou d’Helvétius, l’hostilité même d’un Quinet ou d’un Michelet n’est point du tout son fait. Si dans ses polémiques du Censeur Européen et l’enfièvrement de la lutte, durant une époque de réaction outrancière, il se laisse parfois entraîner contre l’Église à des violences de plume dont on retrouve encore l’écho dans l’Histoire de la Conquête, elles ne sont point dirigées contre le christianisme, mais contre les abus ou les iniquités qu’on prétend abriter de son nom.

L’âge et la souffrance l’ont calmé. Son esprit même est trop fermement convaincu des nécessités d’une forte discipline morale, pour qu’il veuille se contenter en 1840 d’un vague déisme à la Rousseau. Il s’en explique nettement avec Saint-René Taillandier après que celui-ci lui a envoyé son poème de Béatrix :

« J’ai lu, monsieur, avec bien de l’intérêt, l’ouvrage que vous avez eu la bonté de m’envoyer, mais j’ai quelques doutes, je vous l’avoue, sur la possibilité de cette religion à venir. Je crois que l’humanité a besoin d’un idéal qui lui soit supérieur ; je crois aussi que si le Christ venait à s’absorber dans l’humanité, celle-ci tomberait dans le pur déisme et dans une infatuation d’elle-même qui, selon moi, ne peut mener à rien de bon. »

Dans les années qui vont suivre, nous verrons s’accentuer les progrès de cette crise intérieure. Augustin Thierry ne songe pas encore à remanier son œuvre et, lui consacrant les derniers efforts de sa pensée, à corriger dans l’Histoire de la Conquête tout ce qui lui semble entaché de parti pris contre l’Eglise, mais d’ores et déjà, l’on peut affirmer qu’il ne renouvellerait plus les attaques qui ont fait dire à Veuillot, — avec une exagération au demeurant manifeste, — que nul, depuis Voltaire, n’avait porté des coups plus terribles au catholicisme.


10 JUIN 1844

On a bien souvent comparé l’existence humaine à une courbe, dont le sommet marquerait, pour toute créature, l’extrémité de la chance, du bonheur ou du succès, et la branche descendante, un déclin graduel vers les tristesses ou les épreuves qui lui sont réservées par son destin.

En 1842, Augustin Thierry est parvenu à ce palier fatidique.

Désormais et jusqu’à sa mort, le malheur, sous toutes ses formes : chagrins intimes, calamités publiques, va s’abattre sur lui. Aux souffrances physiques viendront s’ajouter les angoisses morales et les deuils d’affection. Cette année même, il doit perdre, avec le Duc d’Orléans, un tout-puissant protecteur ; bientôt après, ce sera pour lui la plus affreuse, la plus irréparable des catastrophes : la mort de sa femme qui fait « chanceler sa raison « et « déracine « sa vie. Un à un, ses amis les plus chers ou les plus anciens : Fauriel, Chateaubriand, Arnold Scheffer se succéderont dans la tombe.

Enfin la révolution de 1848, qui attriste profondément les sentiments de l’homme, ne va pas moins ébranler les convictions de l’historien. Il y verra un démenti brutal à toutes ses théories fondées sur l’évolution progressive du Tiers-Etat sous une monarchie tempérée ; il s’indignera de voir, au lieu de l’union homogène qu’il croit accomplie, ressusciter entre le peuple et la bourgeoisie le plus dangereux des antagonismes. Il connaît alors le doute affreux de soi-même et de son œuvre ; souvent on l’entendra s’écrier avec amertume qu’il ne comprend plus rien à l’histoire.

Au lendemain du succès triomphal obtenu par les Récits des Temps Mérovingiens, ces pensées funestes ne l’assaillent pas encore. La grande fresque qu’il a résolu de consacrer à la peinture de la société gallo-franque au VIe siècle, n’est pas achevée pour lui, avec l’épisode du comte Leudaste. Il médite de lui donner une suite, de tracer, dans un large ensemble, l’état de ce monde en gésine, agité d’incessantes convulsions, de le pousser jusqu’à la mort de Brunehaut et la réunion de la Neustrie et de l’Austrasie sous le sceptre de Chloter II.

Ce vaste projet comportait la rédaction de dix nouveaux récits, du 7e au 16e, formant la matière de deux autres volumes. Il ne fut pas exécuté : seul le 7e récit : la Révolte des citoyens de Limoges et l’Histoire de Chlodowig, parut dans la Revue le 15 octobre 1841.

L’indication des suivants, avec le plan du 8e, des notes étendues, même des fragments de mise au net, existe néanmoins dans les brouillons d’Augustin Thierry.

C’était entreprendre besogne de longue haleine et par malheur les travaux de la Collection n’avançaient guère. Même, ils se traînaient avec une attristante lenteur. Jules et Martial Delpit, envoyés à Londres, n’en finissaient pas d’explorer les dépôts d’archives négligés par Bréquigny, et de regrettables démêlés avaient surgi, d’autre part, avec la municipalité d’Amiens, qui refusait de laisser prendre copie des documents qu’elle possédait. Il avait fallu forcer la main aux récalcitrants : source nouvelle de retards et de difficultés. Ainsi pressé par le temps, inquiet de remplir des engagements que l’amitié de Villemain lui rendait d’autant plus impérieux, Augustin Thierry ne se crut pas le droit d’interrompre, pour un travail personnel, la mission laborieuse qu’il avait assumée.

Un incident venait en outre de se produire, apportant à l’historien le souci d’un tracas énervant.

Sous le masque transparent du docteur Néophobus, Charles Nodier lançait, en octobre 1841, dans la Revue de Paris, sa Diatribe contre les fabricateurs de mots. Non sans esprit, l’auteur de Trilby reprochait à l’Académie des Inscriptions en général et à Augustin Thierry en particulier de « trancher à tort et à travers dans l’orthographe étymologique et dans l’onomatologie de l’histoire, » d’introduire dans la langue, par amour exagéré de la couleur locale, des vocables rébarbatifs. Quel avantage, concluait-il, tirons-nous de savoir « que le véritable nom de Clovis est Chlodowig, qui ne s’écrivait pas Chlodowig et qui se prononçait autrement ? « 

Bien qu’enguirlandée de louanges, la critique n’était pas moins incisive et celui qu’elle visait s’en montra fort ému. « Ce bon Thierry est tout affecté, » écrit à Mme Jaubert, sa « marraine, » Alfred de Musset, évidemment renseigné par la princesse Belgiojoso.

L’attaque, cependant, n’était point imprévue. Nodier ayant d’abord destiné sa Diatribe à la Revue des Deux Mondes, François Buloz crut expédient d’envoyer Ch. Labitte en ambassadeur, avec mission d’avertir Augustin Thierry et d’amadouer si possible son ombrageuse susceptibilité.

Celui-ci corrigeait, à ce moment même, à Bellevue, les épreuves du septième Récit des Temps Mérovingiens ; sa réponse fut fort nette : « Si la Revue des Deux Mondes, déclara-t-il, accueille une attaque contre moi, quels qu’en soient les termes, je me verrai contraint d’y cesser désormais toute collaboration. Il en sera de même si je suis attaqué dans la Revue de Paris, d’une façon personnelle ou autrement que sur un point spécial de science ou de littérature. De toute manière, je demande qu’on me communique l’article en question, afin que je puisse préparer ma réponse. »

Finalement, le docteur Néophobus dut se contenter de la Revue de Paris, et son adversaire, durant trois mois, prépara fiévreusement sa riposte.

Elle parut dans le même recueil, longue, érudite, narquoise par endroits, un peu solennelle cependant. En dépit d’une courtoisie de forme tout académique, le polémiste d’autrefois reparaît de temps à autre sous l’homme de science et, pour enveloppés qu’ils soient, ses coups de griffe n’en vont pas moins sûrement à leur adresse.

On la trouvera sous le titre : Lettre à M. Charles Nodier sur la Restitution des noms germaniques dans les dernières éditions de Dix ans d’Études historiques.

La dispute prit ainsi fin, non sans laisser au cœur de l’historien quelque ressentiment pour son antagoniste. Sa rancune toutefois ne tint pas devant cette lettre si noble et si touchante qu’il reçut de Mme Ménessier-Nodier, aussitôt après la mort de son père :

« Dans la douloureuse épreuve que Dieu vient de me faire subir, monsieur, une consolation m’est doucement restée à peu près intacte et qu’il est en votre pouvoir de m’assurer tout à fait.

« Mon père est mort, fier de n’avoir jamais conçu d’inimitié pour personne et plein d’espérance dans le pardon de ceux qu’il avait pu offenser involontairement. Je crois accomplir un de ses vœux les plus chers, en vous demandant l’oubli complet d’une vaine discussion de mots, dans laquelle, par bonheur, ni le caractère, ni le talent de l’un ou de l’autre, ne furent mis en jeu.

« Je ne saurais vous dire, monsieur, combien l’idée que ce souvenir adorable et béni vit avec amertume au fond d’une âme honorable et éminente ajouterait de peine à la peine inconsolable que je ressens. Mais il ne m’est pas permis de douter : je sais que mon inquiétude a été comprise et devinée : je ne veux donc chercher ici que le moyen de vous faire parvenir la profonde expression de ma gratitude et mes sentiments les plus absolument distingués.

« Marie Nodier-Ménessier. »


Désarmé par un pareil appel, il s’empressa de répondre :


26 février 1844.

« Madame,

« Je suis l’un de ceux qui ont le plus admiré tout ce qu’il y avait de bon et de beau dans le caractère et le rare talent de votre illustre père, et la circonstance dont vous avez la bonté de me parler avec regret, n’a laissé, je vous l’assure, dans ma pensée, ni aigreur, ni rancune personnelle. C’était un conflit d’opinions, je l’ai soutenu de mon mieux et voilà tout. Sans la triste fatalité qui me retient hors du monde, je serais allé m’expliquer de vive voix avec mon redoutable adversaire, et peut-être cette dissidence imprévue aurait-elle été pour nous le commencement d’une vive amitié. Je le crois, madame, et durant vos longues angoisses pour celui que vous pleurez et qui avait tant de gloire et tant d’amis, j’ai partagé du fond de ma retraite, la sympathie universelle. Je vous rends grâce d’avoir bien juge mes sentiments à cet égard et je suis fier d’un témoignage d’estime où se montre, si noble et si touchante, l’expression de votre douleur filiale.

« Veuillez agréer, madame, et offrir à Mme Nodier, l’hommage de mes très humbles respects. »


L’été de 1842 était venu, cette année-là, particulièrement orageux et brûlant. Un juillet torride incendiait la plaine et desséchait les bois. Retiré à Montmorency, pour y chercher un peu d’ombre et de fraîcheur, Augustin Thierry subissait la dépression d’une température épuisante, souffrant d’étouffements et d’angoisses nerveuses qui lui rendaient tout travail à peu près impossible.

Sentant décroître ses forces, envisageant sa fin prochaine et soucieux d’arrêter en faveur de sa femme ses dispositions dernières, il avait convoqué son notaire le 14, afin de lui dicter un testament en bonne forme.

Me Rousse, en arrivant tout contristé, apprit à son client l’accident fatal survenu la veille au Duc d’Orléans.

Cette nouvelle qu’on lui cachait encore jeta l’écrivain dans un abattement consterné. Il avait, au prince, les plus grandes obligations et lui vouait, en retour, une reconnaissance sans réserve. En lui confiant la garde honorifique et rétribuée de sa bibliothèque, Ferdinand-Philippe avait mis fin à l’exil infécond de son protégé ; leurs relations depuis lors étaient demeurées chez l’un toutes pleines de respectueuse confiance, chez l’autre d’estime amicale et de courtoise simplicité.

L’historien comptait en outre les plus chaudes amitiés parmi l’entourage et les familiers du malheureux prince ; atterré par la catastrophe qui frappait la monarchie, en redoutant le pire, rien d’étonnant qu’il fût, par surcroit, affligé comme d’un malheur personnel, par la mort tragique qui brisait tant d’espérances.

Sa douleur se montre dans la lettre qu’il écrivit le surlendemain à Ary Scheffer, lorsqu’il eut retrouvé un peu de calme d’esprit :


Paris, le 16 juillet 1842.

« Mon cher ami,

« Je vous écris bien tard, j’étais souffrant à la campagne et l’on m’a caché pendant tout un jour l’affreux événement qui met dans mon cœur un deuil qui durera autant que ma vie. Après une nuit sans sommeil et toute remplie de l’idée d’un si grand malheur, je me débats contre la cruelle vérité. Mon esprit se refuse à croire que tant de noblesse d’âme, de perfections, de jeunesse, de bonheur, tant d’espérances pour notre pays, aient passé sans retour. Que Dieu ait pitié de la France. Tous, tant que nous sommes, le présent, l’avenir, tout est frappé du même coup.

« Je vous plains, mon pauvre Scheffer, c’est pour vous une seconde perte qui va agrandir la plaie trop saignante de votre cœur et le vide de votre vie impossible à combler.

« Vous aimiez le prince depuis vingt ans, il vous rendait une affection tendre, une confiance sans limites. Et moi, il a été mon bienfaiteur et il l’a été avec une grâce infinie, d’une manière toute royale, quoiqu’il ne fût pas encore roi...

« Je n’ose sonder l’abime de maux qui peut-être vient de s’ouvrir. Hélas ! mes plus longues perspectives n’atteignaient pas les limites probables de sa vie. Je croyais le Prince Royal destiné par la Providence à finir nos discordes, à relever la France de la France ; mais Dieu n’a fait que nous le montrer. Il nous le relire aussitôt que nous l’avons connu. Pauvre prince, héritier d’une couronne, à laquelle notre liberté ombrageuse a attaché bien des épines, il avait, avec l’esprit de notre temps et une maturité précoce, le don de plaire à tous et de se faire aimer. Le deuil universel de Paris prouve ce qu’aurait été le bonheur de son règne. Les détails que donnent les journaux sont à déchirer le cœur. Quelle scène de la vie humaine dans ce qu’elle a de plus triste et de plus grandi

« Je voudrais témoigner que je ne suis pas un ingrat. Dites-moi si je dois écrire et à qui et de quelle manière. Dites-moi surtout quelque chose du Roi et de la Reine. Pourront-ils supporter une telle épreuve ? Je tremble pour eux, c’est trembler pour nous tous : le sort de la Franco est là Et ce pauvre Boismilon, et Trognon et vous ? Je voudrais savoir comment vous êtes, sous le poids de cette douleur.

« Répondez-moi, mon cher ami, aussitôt que vous le pourrez. Je vous écris avec des larmes dans le cœur et dans les yeux, »

Quelques jours plus tard, après avoir pris l’avis de M. de Boismilon, il faisait parvenir à Mme la Duchesse d’Orléans l’expression de ses respectueuses condoléances :

La mort du prince qu’il aimait et qui l’aimait était pour Augustin Thierry le premier avertissement du Destin. S’il avait pu voir dans l’avenir avec la même sûreté qu’il déchiffrait le passé, l’infortuné eût aperçu, planante déjà sur sa tête, l’ombre annonciatrice des suprêmes désastres.

D’année en année, la santé de sa femme s’altérait davantage et les tendres inquiétudes que lui cause ce déclin progressif apparaissent, à partir de 1841, en maints endroits de sa correspondance, dans les lettres à sa famille ou à ses intimes. Julie de Quérangal, cependant, s’efforçait stoïquement de cacher ses souffrances, et l’aveugle, abusé par son pieux mensonge, ne soupçonnait pas toute la gravité de son état.

Le cancer, à présent, précipitait ses ravages. Au cours de l’hiver 1843, des hémorragies survinrent, achevant d’épuiser la malade. Elle était si faible au printemps, qu’il fallut renoncer à quitter Paris pour l’habituel séjour à la campagne et lorsqu’elle s’alita au commencement de mai 1844, le docteur Louis qui la soignait, la considéra tout de suite comme perdue.

Averti par son frère avec tous les ménagements d’une affection profonde, face à face avec la sinistre réalité, Augustin Thierry sombra dans le plus affreux désespoir. Lorsqu’on dépouille les cahiers de notes où sont accumulés les matériaux de l’Histoire du Tiers-État, on voit brusquement cesser toute recherche, s’interrompre tout travail, à la date du 7 mai. Ce grand laborieux ne peut plus vivre désormais que pour sa seule et mortelle angoisse.

Pareillement, s’arrête toute correspondance. Durant vingt-cinq jours, les registres qui la conservent sont muets ou presque. Ils ne contiennent que deux lettres, deux pitoyables cris plutôt de douleur et de détresse infinies, le premier poussé vers Chateaubriand que connaissent déjà les lecteurs de cette Revue [14] : l’autre, plus poignant encore dans son laconisme, lancé à Martial Delpit, comme un appel de secours au dévouement de l’ami.

« Mon cher ami, j’ai besoin de vous, ma pauvre Julie est bien mal. Je suis seul avec mon chagrin de toutes les heures qui devient plus fort que moi ; venez à mon secours, votre mère vous reverra bientôt, priez-la de me pardonner.

« Tout à vous de cœur [15]. »

Ce billet est du 1er juin. Huit jours plus tard, Mme Augustin Thierry succombait après une longue et pénible agonie dont on put heureusement épargner jusqu’à la fin la connaissance à son mari.

Comme s’il eût prémédité de conserver intact et toujours présent le souvenir des plus cruelles heures de sa vie, de raviver son chagrin sans cesse par leur évocation, celui-ci voulut tracer pour lui-même, entrecoupé comme un sanglot, le récit de ces instants tragiques. Je crois pouvoir le reproduire ici, tel que je l’ai trouvé dans ses papiers intimes :

« Lundi 10 juin, à onze heures, après avoir causé comme chaque matin avec M. Gabriel [16], je me suis fait porter dans le cabinet de Delpit et je me suis assis, me croyant seul. M. Gabriel qui me suivait me dit : — La Princesse est là — Quoi ? répondis-je, la Princesse à cette heure ? Et, elle qui se trouvait à ma droite, me dit : — Oui, c’est moi, je viens pour vous emmener. J’eus un moment de doute sur ce que signifiaient pour moi ces paroles et, après quelques secondes de silence, je m’écriai : — Est-elle donc ?... — Hélas ! dit la Princesse, d’une voix faible, tout est fini maintenant, il faut partir. Et moi, frappé d’une commotion nerveuse : — Non, non, non, cela n’est pas vrai, c’est impossible, je ne le crois pas, je ne veux pas le croire. On me disait tout à l’heure ?... On m’a donc trompé. Quand est-ce ?... Ce matin, tout à l’heure ?... non, non, cela n’est pas possible... J’entendis alors beaucoup de voix autour de moi ; je ne distinguais rien de ce qu’on disait, seulement je crus reconnaître la voix de mon frère, celle de Delpit et le nom de M. Louis prononcé à plusieurs reprises. J’étouffais et il me semblait qu’on me tenait de tous les côtés... Je demandai : — de l’air, un peu d’air... et dans le silence qui se fit alors, en revenant à moi, je dis : « Amédée ? « pour m’assurer que mon frère était là. Il répondit vivement en s’approchant de moi et me prenant la main.

« Selon le récit d’Annette, le samedi 8 juin, à trois heures et demie, la Princesse se trouvant dans la salle à manger où j’allais me faire porter, ma pauvre Julie, comme s’apercevant de l’heure qu’il était, sortit de sa somnolence et demanda : « Est-ce que la Princesse n’est pas là ? je voudrais bien lui parler. » Elle lui tendit la main, recueillit ses forces et eut durant quelques moments une parfaite présence d’esprit.

« Ses derniers mots, prononcés d’un accent ferme et pénétrant, furent ceux-ci : — Ne l’abandonnez pas, prenez soin du pauvre Augustin. Depuis, elle n’a plus proféré de paroles suivies et dont le sens fût intelligible, si ce n’est une fois le dimanche : — Augustin, je suis bien mal, mais Dieu fera de moi ce qu’il voudra. »

Depuis qu’elle avait été prévenue par le docteur Louis de la fin imminente de son amie, la princesse Belgiojoso ne quittait plus en effet le passage Sainte-Marie.

Ses juges les moins indulgents n’ont jamais refusé à la séduisante héroïne de tant d’aventures tumultueuses « qui vivait à l’étroit dans son siècle, » ni la bonté du cœur, ni le dévouement généreux. A travers mille extravagances, la flamme auguste de l’idéal ne cessa jamais de brûler dans ses veines : âme étonnante et complexe enfermant toutes les folies, capable de tous les enthousiasmes.

Quels mobiles attribuer à la conduite qu’elle va tenir ? Ils paraissent à la fois nébuleux et précis. Elle s’est prise pour Augustin Thierry d’une affection où la sincérité s’unit au romanesque. Elle l’aime « en esprit, » veut être sa « sœur d’âme. » Il se mêlera plus tard à ces sentiments éthérés des préoccupations moins hautes d’assistance littéraire. Pour l’instant, elle plane en plein azur, elle subit un prestige. La pitié de la femme s’est éveillée devant cette existence ravagée, mais, si l’on peut dire, c’est une pitié artiste où l’imagination, à son insu, a plus de part que le cœur. Sans doute, elle entend bien exaucer le vœu suprême de la morte, soulager tant de misère, réconforter une grande âme en détresse ; mais ce rôle de consolatrice, de madone du foyer, d’Egérie dernière d’un écrivain illustre ne va pas non plus sans flatter obscurément sa vanité. Suivant le mot amer du moraliste, elle s’admire elle-même dans la beauté de son œuvre.

Dans quelques mois, dissipée cette première et capiteuse griserie de charité, quand la ressaisiront d’autres chimères, elle ne sera pas longue à dépouiller son personnage d’occasion. Reprise d’humeur vagabonde, son bienfaisant ministère ne s’exercera plus que de très loin et par intermittence ; la « sœur, » sans remords, délaissera son « frère. » Woman, your name is frailty... Heureusement le temps ayant fait son œuvre, Augustin Thierry aura pu connaître assez sa capricieuse amie pour ne pas souffrir de son abandon.

Mais en ce moment, toute à la mission secourable qu’elle s’est imposée, elle n’envisage point l’avenir et ses obligations. Avec sa fougue ordinaire, elle est persuadée de son immuable constance, et comme il fallait d’abord arracher le veuf anéanti à sa maison funèbre, déraciner sa mortelle douleur, elle alla, aussitôt célébrées les obsèques, l’installer à Port-Marly, en compagnie du docteur Graugnard.

C’est là, que parvinrent à l’historien écrasé de chagrin et l’esprit en déroute, les témoignages de l’universelle sympathie qu’excitait son malheur.

Aussitôt informée, Mme la Duchesse d’Orléans voulut s’associer au deuil de celui qu’avait affectionné le mari qu’elle pleurait :


« Neuilly, 13 juin 1844.

« Que ne puis-je apporter quelque adoucissement à votre douleur, monsieur ! La perte cruelle qui vient de vous frapper m’émeut profondément, et rien ne saurait vous rendre la sympathie qu’elle m’inspire : mais que peut la sympathie auprès d’un malheur comme le vôtre ? Nul n’en sent plus que moi l’impuissance. Aussi ne suis-je pas venue dans l’espoir de vous distraire de votre affliction, mais pour vous dire que je demande à Dieu de soutenir votre courage et de vous donner la force d’accepter l’épreuve qu’il vous envoie. Le jour viendra où cette vie de souffrances, d’amertume et d’isolement vous paraîtra un rêve, et alors vous bénirez la main qui vous aura frappé ; alors vos pleurs seront changés en joies éternelles. Cette pensée est lo refuge des affligés ; puisse-t-elle être votre soutien et rendre votre douleur plus calme ! C’est là le vœu bien vrai et bien ardent que je forme pour vous, monsieur, et dont je vous prie de recevoir ici l’expression de

« Votre affectionnée,

« Hélène. »


De son côté, la reine Marie-Amélie chargeait M. Borel de Brétizel d’ « une mission verbale expresse. » Sa Majesté, écrivait le secrétaire des commandements, « ne veut pas que vous ignoriez sa profonde et cordiale sympathie pour un malheur qui était inattendu pour vous, lorsqu’il ne l’était déjà plus pour ceux qui vous entouraient. »

Enfin, de la liasse des lettres émues, plusieurs signées de noms célèbres, qui forment ce lugubre dossier, je veux encore citer celle-ci adressée par Guizot, cet autre veuf toujours inconsolé :


« Auteuil, dimanche, 23 juin 1844.

« Mon cher Augustin, je ne vous ai pas écrit au premier moment. Je connais trop la vanité de toutes les paroles tombant sur la plaie toute vive. La vôtre ne guérira pas ; mais vous vous résignerez à la porter. Que puis-je faire pour vous y aider ? Dites-le-moi, car je voudrais le savoir. Nous vivons bien séparés, mais mon amitié pour vous est entière. Je sais bien bon gré à la princesse Belgiojoso de ses soins pour vous. Elle est bonne, mérite très rare au fond, et quand on veut autre chose que les airs de la bonté. J’ai de vos nouvelles, mon pauvre ami, mais faites-m’en donner vous-même. Adieu, ma mère et mes enfants sont très occupés de vous. Ils vont bien, grâce à Dieu, mais j’ai complètement perdu le sentiment de la sécurité.

« Adieu et mille vraies amitiés.

« GUIZOT. »


L’atroce rigueur du coup qui l’abat, l’étendue de sa perte, intensité de son chagrin, la douceur et la joie que sa femme avait répandues sur sa vie, Augustin Thierry les crie avec une éloquence désespérée, dès qu’il est capable de rassembler deux idées et de dicter une ligne.

Sa réponse à la Duchesse d’Orléans a presque l’allure et la véhémence d’une protestation.


« Madame,

« Vous connaissez la douleur et la plus extrême douleur ; vous pardonnerez à un pauvre cœur brisé de n’avoir pu s’ouvrir plus tôt pour annoncer à Votre Altesse Royale ce qu’elle a su par d’autres que moi.

« Dieu vient de me frapper d’un de ces coups terribles qui font chanceler la raison et sont comme un démenti donné à toutes les espérances d’ici-bas. Il m’a retiré l’unique soutien de ma triste vie, celle par qui, depuis treize ans, j’oubliais que je suis aveugle. Je portais légèrement le poids de mes souffrances, j’avais retrouvé le courage, la joie, la sécurité du cœur et de l’esprit ; et maintenant, me voilà retombant sous mon fardeau, jeté hors de la vie comme une tige déracinée. Mes amis m’ont trompé durant plusieurs jours, et, après l’instant fatal où j’ai tout perdu en ce monde, ils sont venus m’enlever du lieu de ma misère : ils veulent que je vive, ils me l’ordonnent. Le pourrais-je ? Dieu seul le sait.

« Plaignez-moi, madame ; que votre cœur si noble et si déchiré ait une pensée de sympathie pour mon veuvage, et daignez agréer pour vous et pour Mgr le Comte de Paris les vœux de celui qui pleure.

D’autres lettres à Mignet, à la comtesse Foy, à Mme de Tracy, à M. de la Saussaye, montrent la même douleur ; mais, de toutes, la plus désolée, celle où s’épanche avec le plus d’abandon celle navrante tristesse, est adressée à Mlle Fressigne, l’ancienne amie de Luxeuil qui avait fait leur mariage :


« Port-Marly, 8 septembre 1844.

« Chère mademoiselle,

« Pardonnez-moi le long retard que j’apporte à répondre à votre lettre. Durant bien des jours, il m’a été impossible de dicter une seule ligne, et, depuis que j’ai retrouvé quelque liberté d’esprit, il m’a fallu donner mes heures de calme aux soins des tristes affaires qui sont nées de mon malheur.

« En dépit de mon espérance, j’ai survécu à celle qui, depuis treize ans, était le ressort et l’âme de ma vie. Cette vie est à refaire, y parviendrai-je ? Dieu seul le sait.

« J’ai des amis qui sont admirables pour moi ; une personne, dont l’âme et le cœur sont au-dessus de tout éloge, m’entoure de soins et d’affection, comme le ferait une sœur ; mais dans les heures où je me trouve seul avec moi-même, je ressens un vide que rien ne peut remplir, un vide qui se creuse sans cesse et dans lequel la moindre pensée me rejette, si j’essaie de me distraire par la lecture ou un peu de travail. J’ai dans l’oreille une voix que je n’entendrai plus et dont un seul mot suffisait pour éloigner de moi tout ennui. J’ai vécu treize ans de la vie de tout le monde, je ne sentais plus la perte de mes yeux et le temps que je regretterai désormais sera, non pas celui de mes années de jeunesse et de force, mais celui que j’ai passé aveugle auprès de ma pauvre Julie. Je l’aimais d’un amour absolu, d’un amour qui les renfermait tous ; il y avait pour elle en moi l’affection du mari avec celle de la mère et de la sœur. Vous l’avez vu à Luxeuil, après neuf ans vous l’avez revu à Paris ; le temps n’y pouvait rien changer. Je suis en deuil de cœur et d’habit pour les années qui me restent et auxquelles je ne vois plus de but qui m’attire, d’emploi qui me commande, car tout cela était en elle. Je travaillais pour elle et par elle. On me parle de la science, mais la science est une chose morte et ma vie défaillante avait besoin d’être soutenue et doublée par un intérêt vivant. J’essaierai de la mener jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu qu’elle finisse ; je ne ferai rien contre moi-même et mon désir est de reprendre ma tâche interrompue et d’ajouter une page à la dernière page qu’elle a lue et dont elle m’a dit : « Augustin, c’est bien. » Me voici retombé dans mon existence mutilée, n’ayant plus devant moi que des souvenirs. Les meilleurs jours de ma vie ont commencé à Luxeuil, sous vos auspices ; vous m’avez revu, il y a quatre ans, dans le bon- heur et la sérénité ; votre souvenir se mêle à mes regrets. Dites, je vous prie, à mademoiselle votre sœur qu’elle est de moitié avec vous dans cette pensée, présentez-lui mes très humbles respects et que mon nom soit quelquefois prononcé dans vos conversations intimes.

« Adieu, mademoiselle, plaignez-moi et agréez l’expression de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoués. »


A. AUGUSTIN-THIERRY.

  1. Voyez la Revue des 15 octobre, 1er novembre et 15 décembre.
  2. 15 décembre 1838 et 1er Janvier 1839.
  3. Guizot est alors ambassadeur en Angleterre, où il doit être, comme on sait, l’adversaire malheureux de Palmerston dans le règlement de la question d’Egypte.
  4. Cette lettre est postérieure à l’attribution du grand prix Gobert aux Récits des Temps Mérovingiens.
  5. Flourens venait d’être élu à l’Académie française contre Victor Hugo.
  6. Dans son rapport sur les prix décernés en 1847. La suite de ces rapports de 1840 à 1855 forme dans leur ensemble un jugement sur le talent et les principaux ouvrages d’historiens.
  7. Il a été fait officier de la Légion d’Honneur en 1837. Successivement l’Académie royale de Munich, l’Ateneo de Venise, la Société royale de Copenhague, l’Académie de Washington lui décernaient leur diplôme démembre honoraire.
  8. Le Journal de Santé d’Augustin Thierry constate cette amélioration durant les années 1838, 1839 et la plus grande partie de 1840. Le malade souffre cependant d’insomnies fréquentes que l’on combat avec des pilules d’opium.
  9. Joseph Guigniaut.
  10. Lettres à Amédée Thierry, à Marc d’Espine, à Arnold Scheffer, à Mlle Fressigne, etc.
  11. L’Abuglo de Castel-Culié.
  12. L’Histoire de Ferdinand et d’Isabelle la Catholique.
  13. L’amiral de Quérangal était mort le 27 août 1840.
  14. Voir la Revue du 1er novembre 1916.
  15. Ce billet porte comme suscription : M. Martial Delpit à Castan, par Iffigeac (Dordogne).
  16. Le docteur Gabriel Graugnard, son ancien secrétaire devenu son médecin.