Aucassin et Nicolette (Mario Roques)/Notes critiques

Texte établi par Mario RoquesLibrairie ancienne Édouard Champion (p. 41-48).

NOTES CRITIQUES



Les leçons non suivies de sigles sorti celles que donne le manuscrit et que j’ai cru devoir corriger dans le texte. Je n’ai noté ni les repentirs du scribe, ni les hésitations possibles de lecture entre a, e, o, ni les formes où le trait abréviatif de nasalisation manque ou est ajouté par erreur ; sur ces points voir Introduction, IX.

Pour désigner les auteurs des corrections les plus nombreuses j’ai employé les abréviations suivantes :

P = Gaston Paris, édition de 1878 ou compte-rendu des éditions de Suchier aux tomes VIII et XXIX de la Romania ;

S = Suchier, 9e édition publiée par Walther Suchier, 1921 ;

B = Bourdillon, édition de 1919.

Pour les autres noms d’auteurs ou de commentateurs cités dans ces notes critiques, voir Introduction, XI, Bibliographie critique.

Je n’ai pas indiqué les auteurs des corrections introduites dans le texte, lorsque celles-ci ont été adoptées par la généralité des éditeurs. Je n’ai pas estimé nécessaire de reproduire les lectures ou les corrections des éditions antérieures, lorsqu’elles n’ont plus d’intérêt pour la constitution ou l’intelligence du texte ; on les trouverait au besoin dans le travail de Dockhom cité à la Bibliographie.


I 2 du viel antif est la leçon du ms. ; depuis Méon le dernier mot a été lu caitif, bien que le copiste de Sainte-Palaye eût copié correctement ; le mérite d’avoir bien relu revient à Alfred Schulze (Archiv de Herrig, CII, 1899, p. 224). Il n’y a rien à garder des conjectures faites sur le prétendu « vieux prisonnier ». Mais il reste difficile de savoir ce que représente du viel antif. G. Paris a proposé (Romania, XXIX) del tens antif, les auteurs du moyen âge affirmant volontiers l’antiquité de la matière qu’ils traitent ; Suchier maintient la correction du duel caitif, qu’il avait proposée au temps de la lecture caitif, en mettant une virgule après deport : les deux parties du vers s’opposeraient pour annoncer les alternatives de peine et de bonheur des deux héros. On peut penser (c’est l’opinion de Schulze) que le viel antif est l’auteur de la chantefable, soit qu’il se présente lui-même comme un vieillard, soit qu’il ait eu pour nom ou surnom « Viel Antif » (cf. Veillantif, nom du cheval de Roland, que Philippe Mousket appelle Vious antis), ou bien peut-être le jongleur qui la jouait ; si l’on adoptait ce mode d’interprétation, on pourrait encore songer à voir dans le viel antif non pas l’auteur, mais le modèle ancien auquel celui-ci aurait emprunté le thème initial de son œuvre. — 7 Si l’on voit dans Qui du v. 1, non pas un relatif à valeur hypothétique (= « si quelqu’un »), mais un interrogatif, on mettra, avec Suchier, à la fin du v. 7 un point d’interrogation. — 8 biax est li dis — 9 bn̄ — 15 est rices S ; douce peut s’expliquer par accord avec un mot sous-entendu, peut-être cantefable (Piccoli).

II 1 que supprimé S.

III 5 Si que est un relatif représentant Nicolete du v. 3, il faut supprimer la virgule après le v. 4, mettre une ponctuation forte après le v. 5 et lire li, datif masc. représentant Aucassin ; si que est une conjonction, on peut lui donner le sens de « car », et l’entendre comme une explication de retraire (interprétation qui me paraît acceptable), ou le sens de « quoique » expliquant la négation du v. 4, ou encore, avec Acher, le sens de « sauf que » (moins vraisemblable) ; avec que conjonction on peut lire ne li = « ne (la) lui » ou ne l’i = « ne l’y » (cf. IV 10–11, qu’il i va ne qu’il i vient ne qu’il i parole) : cette dernière interprétation semble mieux en accord avec les faits et le mouvement de la phrase. — 8 Vers mis par d’anciens éditeurs dans la bouche d’Aucassin comme une première réponse à sa mère ; c’est plutôt une constatation faite par celle-ci, une concession à l’évidence, qui n’affaiblit pas l’objection suivante. — 12 prem feme dans le texte au début de la colonne 71 a, qui commence un cahier, mais pren femme en réclame au bas du dernier verso du cahier précèdent. — 16 melcraire, P et S corr., cf. M. Roques, Esclairier le cuer, dans Mélanges Lot, 723 sq. et 731, n. 1. — 18 douc, S corr. fine.

IV 4 Sire visquens PSB, mais cf. VI 14 — 7–8 puis avoir ; les éditeurs corrigent facilement en supprimant ⁊ = et, mais, en admettant même que le comte Garin ne puisse dès ce moment se saisir de Nicolete, pourquoi le vicomte ne sera-t-il à son tour en danger que si sa filleule est prise ? Le comte ne veut-il pas dire : « … si j’apprends qu’Aucassin voit encore Nicolete » ? Le rapprochement avec VI 41 se vos i parlés et vos peres le savoit et avec XII 9–10 s’ele estoit acusee et li quens Garins le savoit suggérerait la correction se je le puis savoir. — 17 Je lis Ce g., avec B, et non Or g., adopté par les autres éditeurs.

V 4 a mirabile S (voir Glossaire) — 25 far, S corr. en mie et remplace mie par prise au v. 24.

VI 1 Le rubricateur a peint un A initial au lieu de N de Nic. — 14 li visquens PSB, mais cf. IV 4 : n’a-t-on pas pu dire quens pour visquens, par politesse, et quand il n’y avait pas à craindre d’équivoque ? — 22 Entre siecle et en G. Paris proposait d’insérer en seroit vos cors honis et aprés cest siecle ; pourtant il est admissible que l’auteur ait fait dire au vicomte tos les jors del siecle même en parlant de l’éternité après la mort (Acher) ; si d’ailleurs les auditeurs sentaient une contradiction dans la phrase, ils pouvaient du même coup y trouver un élément de comique qui ne serait pas déplacé dans les propos un peu naïfs du bon vicomte. — 28 Le ms. a plutôt cuutes ; les anciens éditeurs ont lu croutes, S creutes, B cruutes — 34 li bien — 44 ise se, S corr. il se, mais cf. X 12 se se.

VIII 21 je le, PS corr. d’après II 24.

IX 13 sissent estriers cf. Introduction, X. — 16 li destrier — 18 enl vient — 19 a l’estormie S.

X 8 Suchier met un point d’interrogation après lui et de même X 65 après Ce m’afiés vos, etc., mais dans les deux cas la construction impérative est préférable pour le sens, voir note à X 65 et cf. IV 17. — 15 il le feraient PSB, correction inutile si on décompose il en i (= il, cf. X 34, XIV 26, 31, etc.) plus le ; cf. Robert de Clari, XXV 76. — 24 fuir a manque, rétabli par PSB d’après XXXII 8. — 25 Pour hiaumes le ms. a ici h’m ; cf. X 2 et 34, mais aussi X 36. — 27 si qu’il lor PS, mais ou peut admettre, avec Acher et Bourdillon, la construction mixte « un massacre tel que le fait le sanglier… et (tel) qu’il abat… ». 38 .xx. a ja dure, Moland corr., vint ans a ja duré Méon S B, vint mois Stengel — cest — 45 obliés PSB, il faut en effet un masculin ; j’ai maintenu la leçon du ms. qui correspond à une intention orthographique du scribe, cf. Introduction, VI, Voyelles. — 47 Suchier supprime que devant quant : le cas n’est pas, en effet, exactement le même que pour IV 7, VII 34, XIV 26, XVI 26 et 27, car l’incidente n’exprime pas ici une condition nécessairement liée à la proposition commençant par que, mais la répétition de la conjonction donne à la phrase une allure hésitante qui convient à la surprise d’Aucassin ; il y a là un élément de vérité comique dont on ne doit pas faire tort à l’auteur. — 49 que laroi ie — 50–51 Diverses interprétations possibles avec des ponctuations différentes ou une légère retouche : on peut mettre le point d’interrogation après baisie et ajouter Ce devant m’eustes PS, Aucassin faisant ainsi la demande et la réponse ; Acher a pensé, sans se tenir à cette idée, à mettre des points d’interrogation après baisie et après covent, l’impatience d’Aucassin se marquant par la reprise de la question ; l’interprétation que j’adopte, et qui est celle de la 1re éd. de Suchier, conserve la leçon du ms. et correspond à un mouvement naturel dans une discussion animée : « Ne m’avez-vous pas promis cela ? Et même ceci vous me l’avez promis ! Et je veux que vous teniez parole. » — 51 je voil je — 52 fai — 57 ce sui — 59 Le sens du dialogue qui commence ici est : « Vous reconnaissez bien, n’est-ce pas ? que vous êtes mon prisonnier. — Sans doute ! — Alors, jurez etc… — Vous plaisantez… — Comment ? ne reconnaissez vous pas que vous êtes mon prisonnier ? » Quelle que soit la ponctuation qu’on préfère mettre après la première phrase (X 59), point simple ou d’interrogation ou d’exclamation, il faut l’interpréter comme marquant une interrogation affirmative n’admettant dans la réponse ni négation ni réserve. — 60 fait aoire fai li, S corr., P corrigeait fait avez, fait li — 61 fiat, cf. XXIV 27 — 65 Pour la ponctuation, cf. note à X 8. — 75 J’ai conservé Enondu (= En non Diu cf. G. de Dole, 291) comme une forme exclamative abrégée, cf. XXII 15 por le cuerbé.

XI 41 or ni

XII 8 des conte — 15 el gardin Tobler S — 28 et sans ganbes, — 32 faele

XIII 4 a regreter, cf. VII 11 — 14 regnes, PB corr., autres regnes S.

XIV 4 m’ariés P, m’ariiés SB d’après XIV 6, mais cf. Introduction, VI, Voyelles. — 20 en son l’oeul Bartsch S, mais « au bout de l’œil » est surprenant ; le rapprochement de en son le cateron et en son l’orteil ne suffit pas à rendre la correction obligatoire ; il peut y avoir là un jeu de mots (B) : Aucassin, ayant commencé une énumération avec en son ( — « in suo ») peut faire une pause après le second en son pour chercher un autre terme de l’énumération et, pensant à cateron, donner à en son un nouveau sens (= « in summo ») — le teteron de sa m. Andresen S et P, mais voir Glossaire s. v. cateron.

XV 3 uns cans — 7 blont et avenant, PS corr. — 18 t’abries S.

XVI 7 des castel — 11 fait il — 13 m’arde du ms. a été corrigé par presque tous les éditeurs, mais un subjonctif, exprimant la conséquence hypothétique de la proposition ne serait pas impossible. — 23 autre tant quele (ce dernier mot rayé) si monta, PSB corr. ; on pourrait à la rigueur conserver autre tant, si monta tant… qu’ele, avec une suspension et une reprise de la construction qui donnerait bien une impression de récit parlé.

XVII 10 i a planté, SB corr., i a grant pl. P — 16 nix

XVIII 9 entreusqui — 11 enfait ele, cf. XXII 41 — 14 ele manque — 17 quel a — 33 entre ja mais et n’iert P a proposé d’intercaler ne le verra ne ja mais pour établir la concordance avec XXII 39, mais la répétition est trop loin d’être textuelle pour autoriser la correction.

XIX 3 cenin — 21 ne ne

XX 25 si vent

XXI 8 au cors corset, SB corr., au cors net P, voir Glossaire s. v. corset.

XXII 11 savons PS, cf. XXIV 34 — 19 quel les — 22 en me borse PS d’après XVIII 32 et XXIV 65 — 23 je ne SB : il y a dans le ms. surcharge de j et de c ; il me semble que le c est écrit en dernier lieu, ce est d’ailleurs préférable à cause de le vos conterai. — 32 des sien — 41 enfait fait, cf. XVIII 11 — et dx

XXIII 16 se dix, PS corr.

XXIV 5 des gans — 12 le s de s’(esgarda) est incomplètement tracé à la fin d’une ligne — 28 fiat cil, cf. X 61 — 45–6 les envoiast trop PS, les eust trop volentiers donés B ; cette dernière correction peut paraître plus facile, volentiers étant à la fin d’une ligne, place où l’omission d’un mot est le plus probable ; peut-être n’est-il pas indispensable de corriger : il peut représenter le père d’Aucassin et esteroit avoir pour sujet sous-entendu rice home ; le mélange de propositions à sujets divers est trop fréquent pour que vous ne l’admettions pas ici dans une phrase parlée, cf. XXVI 10–11, XXVIII 10, XXXIV 1, XXXVI 3 et XL 33–4 ; il faut seulement donner à volentiers le sens passif de « sans (rencontrer de) difficulté ». — 51 li mellor — 67 vint sous PS, correction évidente si l’on n’admet pas pour les personnages d’A. et N. la possibilité d’une ellipse que nous nous permettons à l’occasion en comptant de la monnaie. — 72–4 Une déchirure au coin du feuillet n’a laissé que les premières lettres de chacune des trois dernières lignes de la colonne 77 b ; S supplée vin[t pres de la u li set cemin aforkent,] si v[it devant lui le loge que vos savés que] Nic. [avoit faite, et le loge estoit forree] defors ; B préfère vint [a la voie u li set cemin aforkent,] si [esgarda devant lui, si vit le loge que] Nic. [avoit faite ; et le loge estoit forree] defors ; les deux restitutions se réfèrent à XIX 5–6. — 85 tout au mix PS, mais la lecture tant est certaine et tant au mix que me paraît une expression, pléonastique peut-être, mais nullement choquante. — 87 qu’il jut Tobler S ; P accepte cette correction, mais la complète en restituant qu’il vint [jusqu’a le loge, e si entra, e se jut] tos souvins ; cela revient à dire que vint est indispensable au sens de la phrase, comme à l’intérêt de la scène, et du même coup la base matérielle de la correction de Tobler (iut pour uit) disparaît ; au reste toute correction est inutile : Aucassin, tombé sur un côté devant la loge, se tourne sur l’autre côté et parvient à s’étendre sur le dos dans la loge.

XXV 4 les (ou leb) blont — 5 quid que dix — 6–9 La déchirure signalée pour XXIV 70 a fait disparaître le v. 6 en partie et entièrement 7–9 ; P a proposé de restituer.

Por la lumiere de soir 6
Que par li plus bele soit.
Nicolete (ou Bele amie), or ne te voi.
Pleüst ore au sovrain roi. 9

S adopte cette restitution pour 6–7, mais pour 8–9 il a proposé tour à tour

Vien, amie, je te proi !
Ou monter vaurroie droit

et

Douce suer, com me plairoit
Se monter pooie droit

XXVII rubrique se can — 19 delés le rive S.

XXVIII 3 Pas de lacune apparente dans le ms. ; pourtant l’auteur devait parler ici des marchands dont il est question l. 4 et 12 ; S suppose un bourdon qu’il corrige ainsi : selonc [le rive. Et Aucassins vit passer une nef, s’i aperçut les marceans qui sigloient tot pres de] le rive ; B préfère rive. [Et Aucassins esgarda par devers la mer, si vit une nef de marceans qui nageoient pres de le rive.] Il — 5 les missent Foerster S, mais Aucassin parle seul pour lui et son amie ; il n’est pas indispensable de dire expressément qu’il traite aussi pour son amie ; le pourrait d’ailleurs être lu , cf. XII 21, XXII 17 et Introduction, p. XIX — la première lettre de furent est effacée. — 10 demanda Aucassins quex Foerster S ; le sens est évident et l’addition inutile, cf. note à XXIV 45–6, — c’estot, en fin de ligne, les deux dernières lettres au-dessus de la ligne — 20 vint e le

XXIX 12 Une déchirure au coin du f. 78 a presque complètement enlevé les dernières lettres après ances ; la leçon adoptée est celle de PB, S propose ancestre ains tint

XXX rubrique faboient — 17 pomes, PB corr., puns S, cf. XXXI 7.

XXXI rubrique cant — 6 fromage

XXXII 11 mi — 12 Enne PS, cf. X 70 — 18 Aucassins — a ueus son P — 20 nie lie

XXXIV 1 G. Paris a supposé ici une lacune s’étendant sur un morceau en prose et un en vers, qui auraient conté comment Aucassin avait prévenu les mauvais desseins du roi de Torelore en le chassant et comment il était resté maître du château ; ainsi l’incident commencé aux §§ XXXII et XXXIII aurait eu son développement naturel ; mais cet incident n’est-il pas suffisamment clos par la déclaration de Nicolete que rien pour elle ne vaut l’amour d’Aucassin ? L’hypothèse de G. Paris trouvait un appui dans l’apparente confusion du début de XXXIV : cette confusion aurait été le résultat du bourdon commis par le copiste, qui aurait sauté du morceau en prose disparu au morceau conservé dans le no XXXIV, parce qu’ils commençaient tous deux de même ; d’autre part Suchier tient et Nicolete s’amie pour une addition fautive. Il est vrai que, dans ce qui suit, il n’est question que d’Aucassin, mais je pense qu’il n’y a là qu’un cas particulier de la succession de propositions à sujets dijjèrents (cf. note à XXIV 45–6) qui n’appelle aucune correction. — 8. Le ms. a et Auc. en une autre et tous les éditeurs corrigent comme nous l’avons fait (cf. pour cette confusion IV 1) ; toutefois, si le, dans le jeterent, était un féminin et représentait Nicolete, la correction serait inutile. — 9 mer (le ms. a l’abréviation mur ou mor) qui PSB ; je conserve que : on peut y voir une forme de relatif sujet représentant un nom de chose, ou une conjonction en le mettant en corrélation avec si.

XXXV 6 qui il — 11 vous sai PSB, cf. Introduction, p. XVIII, n. 3, addition.

XXXVI 2 Le ms. n’a qu’une fois estoit, S corr., B propose estoit fu le — 3 et ele avoit Foerster S ; il y a ici encore mélange de sujets différents, cf. note à XXIV 45–6 — frere — 6 lignage manque, B corr. d’après XXXII 19, S propose parage d’après III 12, XXXVII 6 et XL 17 ; est-il impossible qu’on ait dit de haut pour de haut parage ou lignage, comme Robert de Clari dit (XLI 6) li haut pour li haut home ? mais cf. Jeanroy, Romania, LIII, 392 — 12 avoi

XXXVII 9 sauvages, PB corr., gens sauvages S.

XXXIX 33 non manque.

XL 8 bm̄ — 30 se herga