Au jardin de l’infante/Le vase

Au jardin de l’infanteMercure de FranceŒuvres de Albert Samain, t. 1 (p. 95-96).
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LE VASE

C’était un vase étrange ; on y voyait courir,
Pantelante sous la torche des Érynnies,
Une foule mouvante en spires infinies…
Et l’argile vivante avait l’air de souffrir.


Quelque ouvrier terrible avait dû la pétrir
Avec de la chair âpre et des pleurs d’agonies ;
Des hydres s’y tordaient, et les Voix réunies
Clamaient la double horreur de naître et de mourir.



Ivres, les Passions fracassaient des cymbales ;
L’Avarice et la Haine, ourdissant leurs cabales,
Insultaient la Justice avec des bras sanglants.


Et, seul, un lis, élu pour les miséricordes,
Priait dans la lumière, et sur l’enfer des hordes
Versait son âme triste et noble en parfums blancs.