Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/17

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XVII.


Mais voici ce que j’entends dire :

Si le socialisme arrivait au gouvernement, il pourrait s’imposer. Cette objection, je l’attendais.

Il est donc vrai que, comme philosophes, comme apôtres d’une doctrine, comme professeurs, les socialistes n’ont rien qui puisse effrayer. Toutes les opinions peuvent donc s’exprimer sans danger, pourvu que ces opinions n’aspirent point au gouvernement.

Eh quoi ! nous sentons que le bon sens public fera justice de l’absurde, et nous craignons d’être gouverné par l’absurde ? nous reconnaissons donc que l’on peut nous gouverner en dépit du bon sens ? nous reconnaissons donc qu’on peut violenter, surprendre notre religion dès qu’on parvient à nous gouverner ? Mais, cela admis, nous sommes incessamment en danger d’être livré ! que dis-je, en danger, nous sommes livrés déjà car, en matière de sécurité publique, les probabilités sont des certitudes.

Au moment même où nous reconnaissons qu’on peut nous faire violence, on nous fait violence ; c’est une loi fatale, nécessaire et inhérente à tout état de dépendance.

Ce n’est donc pas les socialistes qu’il faut craindre, qu’il faut conjurer ; il faut craindre, il faut conjurer l’institution, en vertu de laquelle ils peuvent nous frapper. Cette institution seule est mauvaise, est dangereuse, et, quiconque sera mis à la tête de cette institution, sera immédiatement aussi dangereux que les socialistes ; premièrement, parce qu’il peut le devenir, en second lieu parce qu’il peut être surpris et vaincu par les socialistes, et, enfin, parce que son système peut être aussi mauvais ou pire que le leur.

Tant que la liberté illimitée d’opinions n’existera point en France, une doctrine sera forcée, pour se produire, de tenter le renversement du gouvernement ; car son seul moyen d’action sera de devenir doctrine d’état, de gouverner ; et tant qu’une doctrine d’état gouvernera, elle considérera nécessairement les autres doctrines comme des rivales dangereuses, et les proscrira.

C’est ainsi que nous continuerons de voir ces luttes impies auxquelles la société apporte ses enfants et son argent ; ces combats de l’intrigue et de l’ambition, que j’appellerais ridicules s’ils n’étaient atroces, et dont l’issue, flétrie aujourd’hui pour être célébrée demain, fait du crime ou de l’héroïsme une simple question de date.